Jamais sans doute, une réforme des retraites n’aura suscité autant d’inquiétude, autant d’angoisse. La durée de la grève en est un signe et, à l’évidence, le retrait de l’âge pivot à 64 ans, sur lequel on se focalise, n’est pas de nature à rassurer. D’abord car ce retrait n’est que provisoire et le cadre des négociations à venir, fixé par le Premier ministre, offre une fenêtre de tir étroite, de l’avis même de partenaires sociaux. La feuille de route de la « conférence sur l’équilibre et le financement du système de retraite », dont les conclusions doivent aboutir fin avril, exclut en effet de toucher aux cotisations et au montant des pensions. Et par ailleurs, l’objectif est de limiter le niveau des retraites à 14 % du PIB. Une chose est sûre : nous devrons travailler plus longtemps. Ensuite, l’âge pivot n’est que l’un des aspects de cette réforme, qui introduit un changement fondamental avec l’instauration d’un système universel à points. Universalité rime-t-elle avec équité ? Ce futur système laisse planer beaucoup d’incertitudes, à commencer par la prise en compte de la pénibilité. Une étude de la Dares(1) montre que, dans la fonction publique hospitalière, les salariés sont plus touchés que dans d’autres secteurs par les risques au travail. Et il ne faudrait pas que l’on s’achemine vers une régression. Pour les infirmières qui ont fait le choix de rester en catégorie B, leur permettant de partir à la retraite à 57 ans mais de ne pas bénéficier de revalorisation salariale, ne pas honorer ce “contrat” serait une injustice totale, une trahison. L’OMS, en déclarant 2020 comme année internationale des sages-femmes et du personnel infirmier, appelle justement « à investir davantage dans les effectifs de ces catégories de personnels ». Ce qui signifie rendre ces professions attractives, non ?
1 - « Synthèse Stat’ - Les expositions aux risques professionnels dans la fonction publique et le secteur privé en 2017 », Dares.