Des symptômes à traiter en plus du cancer - L'Infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

ANNE-GAËLLE MOULUN  

Le cancer du poumon est rarement symptomatique dans les premiers stades de la maladie. Lorsque les symptômes apparaissent, le cancer est souvent déjà étendu. Leur traitement devient alors complémentaire de ceux du cancer lui-même.

Les symptômes les plus courants lorsque le cancer du poumon s’installe sont la toux, la dyspnée (essoufflement), les infections bronchiques à répétition, l’hémoptysie (crachat de sang), une perte d’appétit et un amaigrissement, une fatigue inhabituelle ou persistante, mais aussi des douleurs, qui ne touchent pas forcément les poumons mais des endroits comme le dos ou les épaules.

Traitement des symptômes du cancer

→ La dyspnée : elle peut être d’intensité variable selon les patients. Certains ressentent plutôt une gêne dans leurs activités de la vie quotidienne, d’autres ont un périmètre de marche restreint et sont plus vite essoufflés lors d’un effort. Pour identifier l’origine de la dyspnée, des tests de souffle sont effectués afin de vérifier s’il y a une anomalie au niveau de la capacité respiratoire ou une infection sous-jacente. Si la dyspnée est associée à une hypoxie et à une insuffisance respiratoire chronique, une oxygénothérapie peut être envisagée. Elle est préconisée lorsque deux gazométries à quinze jours d’intervalle donnent un résultat de pression sanguine en oxygène (PaO2) inférieur à 55 mmHG.

• L’oxygénothérapie consiste à administrer de l’oxygène pur à travers un tuyau relié aux fosses nasales (lunettes). L’oxygène peut être délivré à l’hôpital (oxygène gazeux mural) temporairement, mais lorsque son administration est requise sur un plus long terme, il est possible de l’administrer à domicile grâce à des dispositifs spécifiques.

• Des aérosols ou nébulisations peuvent également être utilisés pour augmenter le diamètre des bronches. À l’hôpital, ils sont délivrés par un masque spécial (avec un réceptacle dans lequel sont versés le contenu des médicaments prescrits), relié à l’air médical (mural). Lorsque le débit d’air entre en contact avec le liquide, cela produit une aérosolisation du liquide (microgouttelettes) qui est alors inhalé par le patient. À domicile, il est possible de prescrire ce type d’équipement à l’aide de machines spéciales. La plupart du temps, les nébulisations contiennent des médicaments bronchodilatateurs de courte durée d’action comme le salbutamol. Le plus souvent, ce traitement est couplé à une kinésithérapie de drainage bronchique (autrefois appelée clapping), dont le but est d’aider le patient à expectorer ses sécrétions.

→ L’hémoptysie est un crachat de sang par la bouche, souvent lors d’un effort de toux. Il faut la quantifier en volume et évaluer son retentissement. Elle peut être minime (traces de sang dans les crachats) ou beaucoup plus importante. Elle traduit une lésion ou une inflammation dans les bronches. Il est souvent nécessaire de réaliser une fibroscopie bronchique pour visualiser l’intérieur des bronches et éventuellement l’origine du saignement (dans ce cas, il est possible de réaliser des gestes pour stopper ce dernier) et faire des prélèvements. Parfois, il est nécessaire d’utiliser des vasoconstricteurs puissants, par les veines, pour stopper le saignement. Les médicaments coagulants, comme l’acide tranexamique ou l’étamsylate, sont assez peu efficaces. Les infections pulmonaires sont prises en charge de façon classique, avec une antibiothérapie. Celle-ci est le plus souvent probabiliste, c’est-à-dire que l’on prescrit un antibiotique adapté aux bactéries les plus fréquemment rencontrées dans cette situation mais sans en avoir fait le diagnostic dans ce cas précis. Lorsque l’infection est sévère ou bien nosocomiale, l’usage est de rechercher la bactérie (hémocultures, analyse des crachats, fibroscopie bronchique) pour l’identifier, analyser sa sensibilité aux antibiotiques et prescrire les “bons” antibiotiques.

→ La toux est un symptôme difficile à traiter, qui nuit beaucoup à la qualité de vie des patients. Le traitement est souvent celui de la cause et, dans ce cas, celui du cancer. Les aérosols sont parfois efficaces, de même que la kinésithérapie. Les anti-inflammatoires de type cortisone peuvent être utilisés. En revanche, les anti-tussifs sont plutôt contre-indiqués en pneumologie. Il est en effet important que les sécrétions puissent être évacuées.

→ Amaigrissement et perte d’appétit. La prise en charge repose sur des conseils diététiques dispensés par la diététicienne du service : fragmentation des repas et enrichissement de ceux-ci. Parfois, des compléments nutritionnels oraux ou une alimentation artificielle par sonde naso-gastrique sont nécessaires. L’alimentation artificielle intraveineuse est rarement utilisée car elle peut être source de problèmes hépatiques et de septicémie.

Complications du traitement

Les trois traitements systémiques possibles du cancer du poumon sont la chimiothérapie, les thérapies ciblées et l’immunothérapie.

→ Les effets secondaires de la chimiothérapie peuvent être :

– les nausées et les vomissements, que l’on peut traiter par des anti-émétiques;

– les troubles de l’appétit ;

– la fatigue. Le traitement de la fatigue légère et le traitement de première intention de la fatigue modérée à sévère reposent sur des mesures non pharmacologiques : conseils personnalisés, psychothérapie, exercice physique. La corticothérapie en cure courte est la seule option médicamenteuse possible devant une fatigue modérée à sévère en cas d’échec des traitements non médicamenteux.

– la neuropathie : la Duloxétine est une option pour le traitement des neuropathies sensitives douloureuses induites par les taxanes (hors AMM). Son efficacité doit être soigneusement évaluée.

– une alopécie : certains conseils peuvent s’avérer utiles pour préserver les cheveux comme se les laver la veille de la séance puis ne plus les laver pendant trois à huit jours ; ne pas les laver trop fréquemment; utiliser peu de shampoing et un shampoing doux ; utiliser une brosse douce ; éviter la chaleur du sèchecheveux, les bigoudis chauffants, les fers, et ne pas faire de brushing; éviter teinture, balayage et permanente; éviter nattage et défrisage.

– la néphrotoxicité doit aussi être surveillée par des bilans sanguins hebdomadaires.

→ Les thérapies ciblées sont mieux tolérées que la chimiothérapie, mais peuvent provoquer quelques nausées, des diarrhées, des éruptions cutanées (acné), de la fatigue, une toxicité hépatique, des œdèmes et des anomalies biologiques nécessitant également des prises de sang régulières.

→ Concernant l’immunothérapie, les effets secondaires fréquents mais peu intenses sont la fatigue, des diarrhées, quelques nausées, une sécheresse cutanée, un prurit et des arthralgies. D’autres symptômes sont plus rares mais peuvent être graves, comme l’hypophysite ou la dysthyroïdie, qui nécessitent une surveillance par une équipe pluridisciplinaire. La dysthyroïdie doit être surveillée systématiquement avec une prise de sang régulière et traitée par hormones thyroïdiennes.

ARTICLES RÉALISÉS avec l’aide des équipes du service de pneumologie aiguë spécialisée et cancérologie thoracique de l’hôpital Lyon-Sud, Hospices civils de Lyon : Pr Sébastien Couraud, chef du service, Dr Émilie Perrot, pneumologue, oncologue thoracique et spécialiste en soins palliatifs, Lauren Montange, cadre de santé en hospitalisation de pneumologie, Laure Biron, infirmière de parcours de soins DIRECT (Diagnostic rapide des cancers du thorax), Patricia Meillat, IDE régulatrice de l’hôpital de jour de pneumologie, Agnès Augros, infirmière coordinatrice ville-hôpital, Dr Anne-Gaëlle Caffin, pharmacienne et Sandrine Martinet-Andrieux, infirmière, membre du réseau Oncoral d’éducation thérapeutique du patient.