« L’infirmière scolaire a un rôle clé à jouer » - L'Infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020

 

INTERVIEW : ANNIE ROUTIER Secrétaire nationale du syndicat des infirmières scolaires (SNIES)

DOSSIER

H.R.  

Annie Routier a exercé comme infirmière scolaire pendant quinze ans. Elle revient sur le rôle de l’IDE auprès de ces jeunes filles, de la prise en charge des IVG à l’information sur la contraception.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : La question de l’IVG est-elle courante pour les IDE scolaires ?

ANNIE ROUTIER : Sans aucun doute. Je ne peux pas m’appuyer sur des statistiques précises, mais l’IVG est une problématique que rencontrent toutes mes collègues infirmières scolaires. Je l’ai moimême souvent rencontrée pendant les quinze ans où j’ai exercé en lycée professionnel.

L’I.M. : En milieu scolaire, où la prise en charge des IVG commence-t-elle ?

A.R. : Elle commence dès la découverte de la grossesse, et même avant. Les jeunes filles enceintes poussent la porte de l’infirmerie pour différents motifs. Mais il y a généralement deux cas de figure. Elle peuvent venir car elles sont inquiètes d’un retard important de règles, et veulent parler de cette inquiétude. Elles nous font confiance. Les IDE scolaires restent des personnes ressources pour les élèves, surtout quand elles nous connaissent depuis plusieurs années et nous ont bien identifiées. Elles peuvent aussi faire appel à nous parce qu’elles ont d’autres symptômes, comme des nausées et des vomissements matinaux, que nous allons identifier comme les signes d’une potentielle grossesse.

Le rôle de l’IDE est alors de mener un interrogatoire pour repérer un oubli de pilule, un accident de préservatif, ou l’absence complète de contraception – une situation que nous rencontrons souvent.

Puis, en cas de doute, nous faisons réaliser un test de de grossesse à la jeune fille à l’infirmerie.

Nous sommes nombreuses à le faire, mais il est aussi possible de l’orienter vers le planning familial, mais dans les régions rurales, il peut y avoir des difficultés d’accès. On accompagne le résultat quel qu’il soit. S’il est négatif mais qu’il y a eu une prise de risque, nous en profitons pour évoquer le sujet de la prévention des IST. Si le test est positif, nous la redirigeons vers le planning familial pour un dosage hormonal sanguin.

Et nous donnons à la jeune fille une information la plus complète possible. La loi l’impose. Elle doit savoir qu’elle a le droit de continuer sa grossesse et de garder l’enfant, le droit d’accoucher sous X, et qu’elle peut bien sûr avoir recours à l’IVG. Certaines filles, dans les jours qui suivent l’annonce de la grossesse, hésitent. D’autres, en revanche, ont les idées très claires.

L’I.M. : Quel est le rôle de l’IDE scolaire quand la jeune fille a décidé d’avoir recours à l’IVG ?

A.R. : Une mineure peut ne pas vouloir parler de sa grossesse à ses parents et recourir à une IVG sans leur consentement. Mais elle doit être accompagnée dans sa démarche par une personne majeure de son choix. Elle peut demander à l’infirmière scolaire de l’accompagner pour des examens ou d’être la personne de confiance le jour de l’intervention. Mais cela relève de la décision personnelle de l’IDE : elle doit être volontaire et n’est pas obligée d’accepter.

Indépendamment de l’accompagnement de la jeune fille, l’IDE a un rôle clé à jouer auprès du chef d’établissement, avec qui elle doit développer une relation de confiance. Lui a l’obligation de signaler les absences des élèves aux parents. L’IDE doit lui faire savoir que la jeune fille va être absente mais qu’il ne faut pas en informer les parents. Sans lui dire qu’elle va subir une IVG, car elle est tenue par le secret professionnel et doit protéger l’élève. Il faut habilement préserver le secret médical et garantir aux mineures le respect de leurs droits. Dans l’ensemble, cela se passe bien parce que les chefs d’établissement sont conscients de leur obligation de respecter le droit de la jeune fille. Mais force est de constater que les textes ne sont pas suffisamment clairs et protecteurs pour les jeunes.

L’I.M. : Que peuvent faire les infirmières après l’IVG ?

A.R. : Nous travaillons au cas par cas. Toujours à la demande de la jeune fille – nous ne forçons pas les choses –, nous accompagnons les potentielles conséquences psychologiques post-IVG. En pratique, nous nous mettons à sa disposition pour parler après l’intervention. Si nous sentons qu’elle est fragile, nous pouvons solliciter un rendez-vous. Surtout, nous nous assurons qu’une contraception a été mise en place. Sinon, nous l’accompagnons dans cet accès à la contraception.

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