LA FRANCE S’ORGANISE FACE AU VIRUS - L'Infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020

 

CORONAVIRUS

ACTUALITÉS

À LA UNE

ADRIEN RENAUD  

Originaire de la ville chinoise de Wuhan, le coronavirus a obligé, depuis le mois de janvier, le système de santé français à prendre des mesures pour prévenir une éventuelle propagation sur le territoire national. Une politique qui, pour l’instant, s’avère efficace.

S’il fallait un signe de la mobilisation gouvernementale contre le coronavirus, ce serait l’agenda d’Olivier Véran. À peine nommé ministre de la Santé, le premier déplacement de l’ex-député y a été consacré : en visite au service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat à Paris, centre de référence pour la prise en charge du coronavirus, il a qualifié le Sars-CoV-2 de « priorité numéro 1 » de son action, ainsi que le rapporte l’agence APMnews. Et ce n’est pas tout : le lendemain, le neurologue grenoblois recevait les professionnels de santé hospitaliers et libéraux afin de faire le point avec eux sur la situation.

« Nous sommes prêts à faire face à une éventuelle épidémie […] et nous continuons à nous préparer pour faire face à toute éventualité si jamais la situation devait évoluer », a déclaré le ministre, toujours cité par APMnews, à l’issue de cette réunion. « Le gouvernement a une grande volonté d’in former les professionnels de santé sur le sujet », constate Patrick Chamboredon, le président de l’Ordre national des infirmiers (ONI) qui a assisté à la rencontre. « Le ministre a notamment insisté sur la stratégie de confinement, et sur les mesures barrières mises en œuvre. »

Éviter toute contagion

Concrètement, cette stratégie repose d’abord sur l’identification des cas possibles, et sur leur transmission vers les services appropriés. Pour ce qui est de l’identification, les critères sont assez simples : le ministère de la Santé conseille aux personnes qui ont été exposées au virus dans les quatorze jours précédents (séjour ou transit dans les zones à risque ou contact étroit avec un cas avéré) de surveiller leur tem pérature, de porter un masque chi rurgical, de se laver les mains régulièrement et de réduire leurs activités non indispensables.

Si ces personnes présentent un tableau clinique comportant de la fièvre (ou une sensation de fièvre) et des signes d’infection respiratoire, c’est le 15 qui doit être appelé à la rescousse. « Tout professionnel de santé prenant en charge un patient suspect d’infection par le 2019-nCoV [ancien nom du Sars-CoV-2, NDLR] doit prendre contact avec le Samu-Centre 15 pour analyse et mise en place des premières mesures de prise en charge », expliquait en effet le 22 janvier dernier la Direction générale de la santé (DGS), dans un message transmis sur sa liste de diffusion « DGSUrgent », à destination des professionnels de santé. « Il conviendra de ne pas l’orienter d’emblée vers les structures d’accueil des urgences afin d’éviter le contact avec d’autres patients », ajoutait l’administration.

Peu de cas possibles, encore moins de cas avérés

Heureusement, les cas possibles sont plus rares qu’on ne le croit. Le Dr Dominique Cailloce, par exemple, chef du Samu-Smur au CHU de Limoges (87), explique que son service a été confronté en janvier à un afflux d’appels provoqués par « une peur irrationnelle de tout ce qui venait de Chine ». Mais au moment où L’Infirmière magazine l’a contacté, les Limougeauds n’avaient eu affaire qu’à deux véritables cas possibles, pour lesquels le diagnostic de coronavirus a d’ailleurs rapidement été écarté. « Nous en sommes restés à de simples conseils médicaux », raconte l’urgentiste. Celui-ci assure en revanche que si un véritable cas possible s’était présenté, son établissement aurait été tout à fait préparé pour assurer sa prise en charge.

Le CHU de Limoges fait en effet partie de la liste des 38 établissements habilités à prendre en charge des patients atteints de coronavirus. « Si, après interrogatoire, nous avons un cas possible, nous prenons alors des mesures de précaution pour éviter la dissémination, explique Dominique Cailloce. Une équipe médicale du Smur se rend sur place, et le médecin se met en contact avec un infectiologue. » Ensuite, la personne est transférée dans une unité adaptée où des prélèvements sont effectués et où elle est mise en isolement « jusqu’à ce qu’on ait les résultats », ajoute le chef du Samu. Dans tous les cas, en l’absence de traitement spécifique, le traitement mis en place est avant tout symptomatique.

Jusqu’ici tout va bien

Pour l’instant, les mesures mises en place dans l’Hexagone semblent avoir été efficaces. Lors de son déplacement à l’hôpital Bichat le 17 février, Olivier Véran a rappelé qu’il restait à cette date « six patients hospitalisés en France sur les douze personnes au total qui ont été hospitalisées ». À ce jour, un seul patient, un touriste chinois justement pris en charge à Bichat, est décédé dans le pays. Ajoutons que la contagiosité du nouveau coronavirus n’est pas extrêmement élevée : dans un article publié fin janvier par le New England Journal of Medicine, qui portait sur les 425 premiers cas de la ville de Wuhan, le taux de reproduction de base (c’est-à-dire le nombre de personnes infectées par chaque malade) était estimé à 2,2. Un chiffre à comparer à celui du Sras de 2002, indiquent les auteurs, qui était autour de 3 et dont l’épidémie a, malgré tout, été « contrôlée avec succès ».

Le taux de mortalité du nouveau coronavirus est quant à lui difficile à évaluer, mais la plupart des estimations le situent autour de 2 %, soit beaucoup moins par exemple que le Sras qui avait touché la Chine en 2002 (près de 10 % selon l’Organisation mondiale de la santé). Malgré ces données rassurantes, il faut bien sûr se garder de tout excès d’optimisme. Comme l’indique Patrick Chamboredon, « les infirmières doivent suivre l’information sur le sujet en temps réel, car c’est une situation internationale qui est susceptible d’évoluer rapidement ». Pas de panique, donc, mais une bonne dose de vigilance.

UNE ÉPIDÉMIE PRESQUE 100 % CHINOISE

→ À l’échelle mondiale, l’épidémie avait, d’après les chiffres du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM), touché entre le 31 décembre 2019 et le 19 février 2020 près de 75 192 personnes, dont 74 258 (98,8 %) en Chine. Et 61 682 cas (82 %) étaient localisés dans la seule province de Hubei, d’où le coronavirus est parti.

→ L’agence européenne dénombrait sur la même période 2012 décès dus au coronavirus, dont 2006 (99,7 %) en Chine.

5 QUESTIONS À Isabelle Imbert, chercheuse à l’université d’Aix-Marseille, a consacré treize ans de sa vie à l’étude du Sras, un coronavirus qui a touché la Chine en 2002. Elle nous présente cette famille de virus très répandue.

1 - Qu’est-ce qu’un coronavirus ?

C’est une famille de virus qui n’a rien de nouveau : certaines souches circulent depuis toujours, et il y a des coronavirus qui sont responsables de petits rhumes ou d’atteintes pulmonaires.

2 - En quoi celui qui se propage depuis fin 2019 en Chine est-il différent ?

Ce qu’on voit avec ce nouveau coronavirus, et qu’on avait déjà vu avec le Sras ou encore avec le Mers [coronavirus apparu au Moyen-Orient en 2012, NDLR], c’est que son patrimoine génétique a muté, ce qui l’a rendu plus contagieux. Il reste cependant assez peu létal. Rappelons que, de 2003 à 2020, nous n’avons eu que trois coronavirus très pathogènes. Par comparaison, la grippe est due à un virus qui revient chaque année en France, et qui tue tous les ans.

3 - Quelles sont les possibilités de traitement ?

Il y a deux angles d’attaque : la vaccination, et les antiviraux. La vaccination peut être préventive, ce qui n’est pas adapté dans ce cas puisque le virus est déjà présent et qu’il faut vingt mois dans le meilleur des cas pour produire un virus atténué. La vaccination prophylactique semble donner plus d’espoir, et des montants de recherche y sont d’ailleurs consacrés, notamment par l’Union européenne.

4 - Et les antiviraux ?

C’est la voie qui me semble la plus concrète. On a déjà un grand arsenal d’antiviraux, on n’est pas démuni, il y en a qui marchent contre le Sras et le Mers : c’est ce qu’on appelle le repositionnement d’une molécule. Et le grand avantage, c’est qu’il s’agit de produits qui ont déjà une AMM [autorisation de mise sur le marché, NDLR], et dont on a donc déjà prouvé l’innocuité.

5 - Notre système vous semble-t-il bien armé contre le nouveau virus ?

Je pense qu’il ne faut pas s’inquiéter : on sait comment le virus fonctionne, on connaît son mode de transmission, et nous vivons dans un pays fabuleux en termes de Sécurité sociale, de prévention… Il faut donc appliquer les consignes des autorités : je vois par exemple qu’à la Timone, où ont été accueillis des rapatriés de la région de Wuhan, l’infrastructure est bien rodée, il y a des chambres confinées… On maîtrise donc bien les choses.

PROPOS RECUEILLIS PAR A.R.