Un cancer trop souvent diagnostiqué tardivement - L'Infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 413 du 01/03/2020

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

MARIE FUKS  

Malgré les campagnes de prévention et l’augmentation du prix du tabac, le cancer du poumon progresse, principalement chez les femmes. Il bénéficie aujourd’hui de nouveaux traitements qui ont modifié le pronostic vital de nombre de patients.

1. INTRODUCTION

Le cancer du poumon est indifféremment appelé cancer broncho-pulmonaire ou cancer bronchique. Sous l’action de substances cancérigènes, il se déclare le plus souvent au niveau des cellules de l’épithélium bronchique (voir schéma ci-dessous) en un site donné, puis prolifère et gagne les structures avoisinantes, obstrue la bronche et envahit le parenchyme pulmonaire (partie du poumon composée des bronchioles respiratoires, des conduits alvéolaires et des alvéoles) par contiguïté.

Épidémiologie

En 2018, 46 363 nouveaux cas de cancers du poumon ont été recensés, dont 31 231 (67 %) chez les hommes et 15 132 (33 %) chez les femmes (1). Il se situe au 4e rang des cancers tous sexes confondus, au 2e rang des cancers chez l’homme derrière celui de la prostate, et au 3e rang chez la femme derrière le cancer du sein et le cancer colorectal. Le risque d’en être atteint augmente avec l’âge. Plus de la moitié des nouveaux cas sont diagnostiqués après 60 ans.

Plus élevée chez l’homme, l’incidence de ce cancer a toutefois tendance à se stabiliser (voir schéma p.37) depuis plusieurs décennies (- 0,3 % par an), alors qu’elle augmente régulièrement chez la femme (+ 5,3 % par an). Elle a été multipliée par sept ces trente dernières années et a quasiment doublé entre 2000 et 2012 (2). « L’évolution de la mortalité (33 120 décès en 2018 contre 22 000 en 2000, NDLR) suit la même tendance », explique le Dr Julien Guinde, médecin pneumologue dans le service d’oncologie thoracique-maladie de la plèvre et pneumologie interventionnelle du Pr Philippe Astoul (Hôpital-Nord de Marseille). « Bien que majoritairement masculine (22 760 décès en 2018), elle s’infléchit chez l’homme (- 1,2 % par an entre 1990 et 2018) alors qu’elle augmente fortement chez la femme (+ 3,5 % par an en moyenne) depuis 1990 et a quasiment doublé entre 2000 et 2015 pour atteindre 10 360 décès en 2018 (1). » L’âge médian au moment du décès est de 69 ans chez l’homme et 68 ans chez la femme.

Facteurs de risque

Les facteurs de risque du cancer du poumon sont comportementaux, environnementaux et professionnels. Aucune prédisposition génétique n’a pour l’instant été identifiée pour ce cancer (3).

→ Le tabac est le principal facteur de risque. Il est responsable de 80 % des cas. « C’est la durée du tabagisme plus que la quantité qui augmente de façon exponentielle le risque de cancer, explique le Pr Nicolas Girard, responsable de l’Institut du thorax Curie-Montsouris, à Paris. Un individu qui fume une à deux cigarettes par jour toute sa vie est beaucoup plus à risque qu’une personne qui fume 20 cigarettes par jour pendant quelques années et qui arrête totalement ensuite. » Sur ce point, le message que peuvent relayer les IDE est clair : « Pour éviter ce cancer, il faut au mieux ne jamais fumer, ou a minima, s’arrêter définitivement de fumer précocement. » Et ce qui vaut pour les fumeurs actifs vaut également pour les nonfumeurs de leur entourage qui fument passivement, ce qui augmente de 30 % leur risque de développer ce cancer par rapport aux individus non exposés au tabagisme passif (4). « Les observations cliniques de nos patientèles montrent par exemple que les restaurateurs, cafetiers et serveurs, très exposés au tabagisme passif il fut un temps, sont particulièrement représentés parmi les non-fumeurs qui développent à distance (vingt, trente à cinquante ans plus tard) un cancer du poumon et/ou des pathologies cardiovasculaires (notamment des cardiopathies ischémiques) », cons tate le Dr Guinde. Quant à l’usage récréatif du cannabis, en l’absence de données épidémiologiques spécifiques, les observations cliniques méritent, là encore, de retenir l’attention des soignants quant aux messages de prévention qu’ils peuvent dispenser. « Actuellement, poursuit le Dr Guinde, nous observons une augmentation de ces cancers chez des sujets jeunes (avant 40 ans) et constatons qu’une très forte proportion de ces patients (40 %) déclarent avoir, de longue date, une consommation régulière ou occasionnelle de cannabis. Autant dire qu’il y a certainement une relation de cause à effet. »

→ Les facteurs environnementaux et professionnels. De nombreux agents de l’environnement général (gaz d’échappement des moteurs Diesel, particules fines de la pollution atmosphérique, exposition prolongée à de hauts niveaux de radon dans l’air intérieur…) et de l’environnement professionnel (amiante, arsenic, fumées de soudage, émanations de peinture, substances chimiques utilisées dans la fabrication du caoutchouc…) sont reconnus cancérogènes pulmonaires pour l’homme (5) par le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC). Ils peuvent être impliqués en tant que tels dans la survenue des cancers du poumon mais le risque sera majoré si le patient est fumeur de longue date. « Par exemple, souligne le Dr Julien Guinde, une personne exposée professionnellement à l’amiante présente un risque de développer un cancer pulmonaire multiplié par cinq, et un risque multiplié par cinquante si cette exposition est associée à un tabagisme prolongé. »

À noter : des essais cliniques rapportés dans un rapport collectif de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) révèlent que les fumeurs qui se supplémentent à haute dose (20 mg/j ou plus) en bêta-carotène présentent un risque majoré de cancer du poumon (6).

2. FORMES HISTOLOGIQUES DES CANCERS DU POUMON

En fonction du type de cellules bronchiques à l’origine du cancer, on distingue deux grandes familles histologiques : les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) et les cancers bronchiques à petites cellules (CBPC). Ces deux types de cancer du poumon se comportent très différemment en termes de progression et de sensibilité aux traitements.

→ Les CBNPC, les plus fréquents, représentent 85 % des cancers du poumon. Il en existe trois sous-types histologiques principaux :

– l’adénocarcinome bronchique (50 % des CBNPC). Il prend le plus souvent naissance en périphérie du poumon ;

– le carcinome épidermoïde (35 % des CBNPC). Il se développe généralement dans les grosses bronches situées au centre des poumons ;

– le carcinome neuro-endocrine à grandes cellules (15 % des CBNPC) qui siège indifféremment dans toutes les parties du poumon.

→ Les CPBPC, beaucoup moins fréquents, (15 % des cancers du poumon) sont diagnostiqués à un stade métastatique dans deux tiers des cas (3). « Ils se présentent le plus souvent par une lésion centrale au niveau médiastino-hilaire (zone où les vaisseaux pulmonaires, les bronches, les vaisseaux lymphatiques et les nerfs entrent ou sortent du poumon), explique le Dr Julien Guinde. Ces lésions peuvent venir comprimer les structures adjacentes telles que le cœur, la trachée, les bronches ou la veine cave par exemple. C’est un cancer initialement plus agressif en raison d’un temps de doublement cellulaire très rapide. »

3. SYMPTOMATOLOGIE

Des symptômes non spécifiques

Les symptômes fréquents de ce type de cancer ne sont pas spécifiques et combinent une altération inexpliquée de l’état général et des troubles respiratoires. L’inflammation systémique causée par la tumeur engendre une asthénie, une anorexie et une perte de poids qui peuvent être associées à la présence d’une dyspnée, d’une toux aiguë ou chronique, de crachats voire des vraies hémoptysies (rejets de sang engendrés par la toux) ou d’infections pulmonaires à répétition (bronchite traînante, pneumonie récidivante). Un tel ta bleau clinique doit donc particulièrement alerter chez un fumeur ou un ancien fumeur. Plus rare, un syndrome paranéoplasique peut être observé, qui est plus fréquemment associé aux CBPC. Il se manifeste souvent par des atteintes articulaires (articulations des pieds et des mains gonflées) et/ou une hypersécrétion de cortisol (syndrome de Cushing paranéoplasique). « Un certain nombre de CBPC peuvent être identifiés au décours d’une hospitalisation en urgence consécutive à un syndrome de la veine cave supérieure (7), ajoute le Dr Guinde. Les patients présentent une dyspnée qui s’est brutalement intensifiée et un oedème des membres supérieurs, du cou et de la face associé à une érythrose (visage rouge). Lorsque ce syndrome s’aggrave, on observe le développement d’une circulation collatérale superficielle au niveau du thorax qui permet de favoriser le retour veineux des membres supérieurs et de la tête que la veine cave, comprimée par la lésion cancéreuse, n’est plus en mesure d’assurer. »

Un diagnostic tardif

Le parenchyme pulmonaire n’étant pas un organe douloureux, si la tumeur ne touche pas de structure adjacente (plèvre notamment), les patients ne présentent aucun symptôme douloureux ce qui favorise l’évolution à bas bruit du cancer. La non-spécificité des symptômes et leur aggravation silencieuse expliquent que, dans la majorité des cas, la découverte du cancer du poumon est fortuite ou tardive (voir encadré ci-contre). « Dans 60 à 70 % des cas, ce cancer est identifié à un stade avancé métastatique, confirme le Pr Nicolas Girard. Cela représente une perte de chance pour les patients et pose la question du dépistage systématique de ce cancer réalisé dans certains pays mais pas encore en France, malgré les demandes insistantes des sociétés savantes. »

4. BILAN DIAGNOSTIC

L’âge médian lors du diagnostic est de 67 ans pour les hommes et de 65 ans pour les femmes (1).

Les examens diagnostics préliminaires

Lorsque le terrain (tabagisme actif prolongé) et les symptômes sont évocateurs, la radiographie thoracique (face et profil) est généralement le premier examen réalisé en médecine de ville. La présence d’anomalies radiographiques impose d’orienter le patient vers un pneumologue et de poursuivre le bilan par un scanner thoracique sous injection de produit de contraste (sauf contre-indication) pour confirmer la localisation et la taille des lésions, et procéder à une biopsie. Il n’existe pas d’indication diagnostique pour le dosage des marqueurs tumoraux sériques.

À noter : en cas de forte suspicion clinique, une radiographie normale ne doit pas écarter complètement l’hypothèse d’un cancer du poumon.

Confirmation du diagnostic, caractérisation et classification des lésions

C’est le scanner et l’examen anatomopathologique des prélèvements réalisés par biopsie au niveau de la tumeur et/ou des adénopathies associées, d’un site métastatique accessible ou encore d’un épanchement pleural, qui permettent de confirmer le diagnostic, d’obtenir une cartographie de la tumeur et de déterminer le type et le sous-type histologique pour les CPNPC. Ces examens diagnostiques doivent être complétés d’un bilan d’extension et de la recherche de caractéristiques spécifiques en fonction desquelles les nouveaux traitements pourront, ou non, être envisagés.

→ Bilan d’extension : il comprend un PET scanner + une imagerie cérébrale pour les cancers localisés; un body scanner ou scanner thoracique + échographie du foie et scanner cérébral, pour les tumeurs métastasées. Ce bilan précise la taille et l’extension locorégionale de la tumeur (T) ainsi que la présence ou non de métastases ganglionnaires (N) ou de métastases thoraciques ou extra-thoraciques (M).

→ Caractéristiques spécifiques des tumeurs.

• Recherche de certaines altérations moléculaires : chez les patients atteints d’un carcinome non à petite cellules non épidermoïde, localement avancé ou métastatique, il est important de rechercher la présence d’une mutation au niveau des gènes EGfR, MET, BRAf, ou d’un réarrangement au niveau du gène ALk ou ROS1. Si l’une de ces anomalies moléculaires est identifiée, le patient pourra bénéficier d’une thérapie ciblée (voir encadré ci-dessus) visant spécifiquement cette anomalie.

• Recherche de l’expression de la protéine ligand-1 de mort cellulaire programmée (PD-L1) : lorsque la tumeur exprime le biomarqueur PD-L1, les récepteurs PD-1 des lymphocytes T vont identifier les cellules cancéreuses comme non pathogènes. La tumeur va ainsi échapper à la détection et à la destruction par le système immunitaire de l’hôte et pouvoir se développer de façon autonome. Il est important de rechercher la présence de ce marqueur à la surface des cellules tumorales car elle rend les tumeurs accessibles à une immunothérapie (voir encadré ci-dessus), qui va avoir pour but d’empêcher la protéine PD-1 d’interagir avec la protéine PD-L1 afin de restaurer et stimuler la capacité des lymphocytes à reconnaître et détruire les cellules cancéreuses.

Ces éléments permettent de stadifier l’étendue et la gravité du cancer à partir de la classification TNM détaillée dans le guide du parcours de soins de la Haute Autorité de santé (8).

→ Classification des lésions. En pratique courante, les cancers du poumon sont classés en quatre stades :

• Stades I et II : cancers localisés de stade précoce. Petites tumeurs de moins de 3, 4 et 5 cm sans métastases à distance ni d’envahissement au niveau des ganglions du médiastin. Ces cancers concernent 20 % des patients et sont accessibles à un traitement curatif.

• Stade III : cancers localement avancés. L’objectif n’est pas de guérir la maladie mais de la contrôler au mieux. Selon que le patient est opérable ou non et la tumeur résécable ou non, on distingue trois sous-stades :

– stade IIIA : patient opérable, tumeur résécable;

– stade IIIB : tumeur résécable ou non;

– stade IIIC : patient non opérable.

• Stade IV : cancers métastatiques. Le plus fréquent au moment du diagnostic (60 à 70 % des cas). Le contrôle de la maladie est aujourd’hui amélioré par les nouvelles avancées thérapeutiques.

5. BILAN PRE-THERAPEUTIQUE

Une fois la tumeur diagnostiquée, son sous-type identifié pour les CBNPC et son stade et ses caractéristiques spécifiques précisés, différents bilans doivent encore être réalisés afin de pouvoir déterminer la stratégie thérapeutique la plus adaptée.

Bilan d’opérabilité

Il concerne les patients atteints de cancers du poumon localisés ou localement avancés résécables. « Il convient de s’assurer que les comorbidités respiratoires et/ou cardiovasculaires associées au cancer ne contre-indiquent pas la chirurgie en raison des complications per et post-opératoires qu’elles pourraient engendrer, explique le Dr Guinde. On réalise donc préalablement une exploration fonctionnelle respiratoire, complétée ou non par une épreuve d’effort et une évaluation cardiovasculaire (consultation spécialisée et échographie cardiaque a minima). »

Bilan d’état général

Ce bilan, réalisé à l’aide du score de performance (voir encadré ci-après), est particulièrement requis chez les patients atteints de cancers métastatiques pour s’assurer que leur état général autorise, lorsqu’elle est indiquée, la mise en œuvre de traitements systémiques lourds tels que les chimio thérapies à base de sels de platine (cisplatine, carboplatine). « Celles-ci présentent des effets secondaires majeurs et un risque de toxicité rénale qui nécessitent de peser préalablement le rapport bénéfice-risque pour le patient, commente le spécialiste. En outre, elles imposent de mettre en place un protocole d’hydratation avant, pendant et parfois après l’administration de la chimiothérapie, ce qui est plus éprouvant pour le patient. »

6. STRATEGIE THERAPEUTIQUE

Une fois tous ces éléments réunis, la stratégie thérapeutique est discutée et déterminée dans le cadre d’une concertation pluridisciplinaire réunissant tous les spécialistes concernés (pneumologue, oncologue, chirurgien, anatomopathologiste, radiologue, radiothérapeute, médecin nucléaire). Elle fait appel aux traitements conventionnels du cancer (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie) mais a considérablement évolué, notamment pour les CBNPC métastatiques, qui bénéficient aujourd’hui de traitements de plus en plus personnalisés et performants. Depuis une quinzaine d’années, l’accès aux thérapies ciblées et plus récemment, depuis 2015, à l’immunothérapie, a en effet permis de limiter le recours aux chimiothérapies lourdes et d’améliorer la qualité et l’espérance de vie des patients.

Traitement des CBNPC

Le choix du traitement est directement lié au stade de la tumeur.

→ Tumeur localisée de stade précoce (stade I et II) : la chirurgie est l’indication de référence si le patient est opérable. C’est le seul traitement curatif des CBNPC.

• Patients opérables : l’exérèse anatomique est le plus souvent une lobectomie (exérèse du lobe du poumon où siège la tumeur), associée à un curage ganglionnaire péribronchique et médiastinal (8). Le curage des ganglions lymphatiques qui draînent la zone située à proximité de la tumeur permet de réduire le risque de récidive locale et de déterminer si un traitement complémentaire (chimiothérapie et/ou radiothérapie post-opératoire) est nécessaire. Dans certains cas, une chimiothérapie conventionnelle est réalisée avant l’opération. Une segmentectomie (résection limitée à un ou plusieurs segments du poumon) peut être envisagée chez des patients âgés et fragiles et/ou si la tumeur fait moins de 2 cm et est située à la périphérie du poumon (9). Toute intervention chirurgicale impose l’arrêt du tabac car le tabagisme augmente le risque de morbi-mortalité après une chirurgie thoracique et diminue les chances de guérison. La plupart des patients peuvent aujourd’hui bénéficier d’une intervention mini-invasive (thoracoscopie, chirurgie vidéo-assistée et robotique) qui simplifie les suites opératoires et la reprise d’activité.

À noter : des essais cliniques sont conduits à l’Institut Curie pour évaluer l’intérêt d’administrer une immunothérapie avant ou après l’opération chirurgicale (10).

• Patients non opérables : en présence de comorbités cardiaques et/ou pulmonaires (BPCO, insuffisance respiratoire…) contre-indiquant la chirurgie, un traitement alternatif à but curatif par radiothérapie stéréotaxique extrêmement ciblée peut être proposé. Il présente des résultats presque équivalents à ceux de la chirurgie en termes de contrôle de la maladie.

→ Tumeur localement avancée (stade III) : dans ce cas, la chirurgie n’est envisageable que si la tumeur est totalement résécable et le patient opérable (stade IIIA). Elle est généralement suivie d’une chimiothérapie conventionnelle qui, dans certains cas, peut également précéder l’intervention pour réduire la tumeur.

Les tumeurs de stade IIIB relèvent d’un traitement par chimiothérapie et radiothérapie concomitant. Ces traitements peuvent être réalisés l’un après l’autre ou individuellement si l’état du patient impose de privilégier la radiochimiothérapie séquentielle ou contre-indique l’un des deux traitements. « Chez les patients en bon état général dont la tumeur exprime le biomarqueur PD-L1 ≥ 1 % et n’a pas progressé à la fin de la radiochimiothérapie, un traitement de maintenance par immunothérapie IV (durvalumab) peut aujourd’hui être prescrit, après la décision de l’Agence européenne du médicament (EMA), commente le Pr Nicolas Girard. Bien qu’il soit regrettable que ce traitement échappe aux patients dont le biomarqueurs PD-L1 n’atteint pas ce seuil (un tiers des patients) (11), c’est un grand progrès pour les patients qui en bénéficient car l’étude Pacific a montré que ce traitement réduit les risques de récidive et double les chances de survie. »

→ Tumeur de stade avancé métastatique (stade IV). Ces tumeurs sont à la fois les plus fréquentes mais aussi celles qui peuvent bénéficier des nouveaux traitements de précision en première ligne. La chimiothérapie seule n’est donc plus le traitement standard des patients atteints de CBNPC stade Iv. Ceux-ci peuvent être divisés en deux groupes :

• Les patients éligibles aux thérapies ciblées : il s’agit des patients qui présentent une altération moléculaire identifiée que le traitement va pouvoir spécifiquement cibler et bloquer. Ils représentent 20 % des patients (souvent des non-fumeurs) à ce stade de la maladie. Les thérapies ciblées présentent l’avantage d’être administrées sous forme de comprimés à raison d’un ou plusieurs comprimés par jour, et de présenter moins d’effets secondaires (voir encadré p.42) ce qui est appréciable en termes de qualité de vie. « Leur efficacité est de l’ordre de 80 à 90 %, ce qui permet de prolonger la survie médiane de ces patients de quatre à huit ans, précise le Pr Girard. Toutefois, il n’est pas rare que les patients développent une résistance au traitement ce qui oblige à changer régulièrement de médicament. »

À noter : grâce aux techniques de séquençage de nouvelle génération (NGS), il est aujourd’hui possible d’identifier d’autres anomalies moléculaires, ce qui donne à espérer qu’un plus grand nombre de patients pourra en bénéficier dans les années à venir.

• Les patients éligibles à l’immunothérapie : 80 % des patients peuvent en bénéficier. « Historiquement, ces patients étaient traités par chimiothérapie dont l’efficacité moyenne était de cinq mois, commente le Pr Girard. On observait 25 % de patients répondeurs au traitement avec une diminution de la tumeur et une survie médiane à un an. En réactivant la réponse immunitaire contre la tumeur, l’immunothérapie épargne les cellules saines et rétablit un mécanisme naturel (un peu comme le ferait un vaccin) avec peu de toxicité. Elle peut être proposée en première ligne depuis 2017, soit seule, soit combinée à la chimiothérapie, et permet de doubler les chances de survie de ces patients. La survie médiane est de l’ordre de deux ans et 30 % sont vivants à cinq ans. C’est un véritable message d’espoir. D’autant que les effets secondaires des immunothérapies n’ont rien à voir avec ceux des chimiothérapies. »

Traitement des CBPC

En 2019, la chimiothérapie conventionnelle associée simultanément à l’immunothérapie constitue le nouveau traitement de référence du CBPC métastatique (la majorité des cas) et permet d’envisager une possibilité de survie à long terme. Lorsque le cancer est localisé au thorax, le traitement repose sur la délivrance d’une chimiothérapie et d’une radiothérapie (3). Il existe très peu d’indications opératoires dans ce type de cancer. De même, aucune thérapie ciblée n’a d’indication à ce jour dans le traitement des CBPC.

Ces avancées thérapeutiques ont sensiblement modifié la prise en charge infirmière car désormais, les patients, même avec des tumeurs métastatiques, ont des traitements moins toxiques et mieux, voire bien tolérés. La prise en charge soignante s’inscrit dans un suivi au long court qui change à la fois la vision et l’approche de ce cancer et la relation aux patients.

1- Inca, « Le cancer du poumon », à lire sur : bit.ly/2RCZBvb

2- Inca, « Cancer du poumon : pointsclés », à lire sur : bit.ly/36iMEfl

3- Institut Curie, « Le tabagisme est le principal facteur de risque de cancer du poumon », à lire sur : bit.ly/30JRPwD

4- La ligue contre le cancer, « Tabac et cancer », à lire sur : bit.ly/37hxr3D

5- Cancer environnement, « Classification du CIRC par localisations cancéreuses : agents cancérogènes avec indications suffisantes ou limitées chez l’homme », à lire sur : bit.ly/2Rieqxf

6- Source : Anses, « Nutrition et cancer », mai 2011, rapport d’expertise collective p.38. À lire sur : bit.ly/2RfbOQN

7- Obstruction du retour veineux aiguë ou chronique, partielle ou totale, sur le système cave supérieur des membres supérieurs ou l’extrémité céphalo-cervicale. L’oedème pharyngé peut être responsable d’un stridor (bruit inspiratoire aigu dû au passage anormal de l’air), d’une dyspnée, voire d’une détresse respiratoire. L’oedème et l’hypertension veineuse cérébrale peuvent donner des céphalées, une somnolence, une sensation d’étourdissement, des troubles visuels, des nausées, des syncopes, des convulsions et même un coma.

8- HAS, « Cancers bronchopulmonaires », juillet 2013, annexe 3, p.36. À lire sur : bit.ly/2txcA2M

9- Inca, « Chirurgie du cancer du poumon : les différents types d’intervention », à lire sur : bit.ly/2uriWAs

10- Institut Curie, « Cancer du poumon : des traitements de plus en plus personnalisés », à lire sur : bit.ly/2RigkOp

11- Source : Medscape, « Cancer du poumon : coup de gueule des oncologues contre une décision de l’Agence européenne des médicaments », 30 janvier 2019. À lire sur : bit.ly/2uqTU4Q

ARTICLES RÉALISÉS avec la collaboration du Dr Julien Guinde médecin pneumologue, dans le service d’oncologie thoracique - maladie de la plèvre et pneumologie interventionnelle, du Pr Philippe Astoul (Hôpital Nord de Marseille) et du Pr Nicolas Girard, responsable de l’Institut du thorax Curie-Montsouris (Paris).

POINT DE VUE

Le dépistage systématique, « un enjeu majeur »

Depuis une dizaine d’années, les sociétés savantes militent auprès des autorités de santé pour obtenir la mise en place du dépistage du cancer du poumon en France. Une mesure qui pourrait modifier considérablement la prise en charge de cette maladie.

« Le dépistage systématique constitue un enjeu majeur car, en détectant les patients à un stade précoce, on pourrait les opérer et les guérir, ce qui n’est plus possible lorsqu’ils sont diagnostiqués à un stade métastatique. C’est ce qu’ont fait des pays comme le Canada, les États-Unis, les Pays-Bas et l’Angleterre, avec des résultats probants. Dans ces pays, le dépistage des personnes présentant un sur-risque a permis de diagnostiquer entre 40 et 50 % des cancers du poumon à un stade précoce (contre 20 % en france) et de ramener à 40 % le taux de ces cancers diagnostiqués à un stade métastatique. Les modalités du dépistage consistent à proposer la réalisation d’un scanner des poumons (tomodensitométrie à faible dose) tous les ans ou tous les deux à une population de personnes à risque, à savoir des fumeurs de plus de 50 ans ayant fumé plus de vingt-cinq ans.

Pour l’heure, les autorités de santé françaises n’ont pas conclu à la pertinence de ce dépistage (1) que les professionnels de santé appellent de leurs vœux et qui permettrait d’inscrire la france dans une démarche préventive indiscutablement bénéfique aux malades. »

1- En 2016, la HAS avait conclu à la non-pertinence du dépistage organisé du CP. Néanmoins, il est inscrit, dans son programme de travail, de revoir l’opportunité de ce dépistage si des données scientifiques tangibles sont publiées.

NOUVEAUX TRAITEMENTS

QUELS EFFETS SECONDAIRES ?

Les nouveaux traitements peuvent être associés à des effets secondaires différents et moins systématiques que ceux des chimiothérapies conventionnelles et sont, d’une manière générale, beaucoup mieux tolérés.

Effets secondaires des thérapies ciblées

Ils sont très variables d’un traitement à l’autre et peuvent se manifester par des atteintes au niveau des muqueuses (éruptions cutanées, prurit, fissures, affections oculaires), des oedèmes, des troubles digestifs (digestion difficile et douloureuse), une HTA, une insuffisance rénale, une phlébite susceptible de provoquer une embolie pulmonaire (1). Ils doivent faire l’objet d’une information préventive assortie de la prescription de traitements symptomatiques et d’une surveillance adaptée.

Effets secondaires de l’immunothérapie

Ils sont assez rares (15 % des cas) et se traduisent le plus souvent par des manifestations auto-immunes. Le fait de stimuler le système immunitaire contre la tumeur peut en effet engendrer une atteinte de n’importe quel organe et en premier lieu des poumons (pneumopathie secondaire à l’immunothérapie) mais aussi de la thyroïde (dysfonctionnement thyroïdien), du cœur (myocardite) ou du tube digestif (colite). En fonction de la gravité de l’atteinte l’arrêt temporaire ou définitif du traitement peut être envisagé. Les symptômes (symptômes pseudo-grippaux, fièvre, frissons, fatigue, rougeurs, démangeaisons, sécheresse cutanée…) sont pris en charge par une corticothérapie dont le but est de faire chuter le nombre de lymphocytes.

1- Voir sur le site de l’Institut national du cancer, « Chimiothérapie conventionnelle, thérapies ciblées et immunothérapies spécifiques : les effets indésirables possibles », 19 février 2018. En ligne sur : bit.ly/3aw28Jj

ÉTUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’unités d’enseignement et extraits :

→ UE 2.2.S1 : « Cycles de la vie et grandes fonctions » : aspects anatomiques et physiologiques (compétence 4) ;

→ UE 2.3.S2 : « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie » (compétence 1) ;

→ UE 2.9.S5 : « Processus tumoraux » : mécanisme de la cancérogénèse, caractéristiques des tumeurs malignes, prévention et dépistage des tumeurs malignes, traitements (compétence 4) ;

→ UE 2.11.S3 : « Pharmacologie et thérapeutiques » : familles thérapeutiques, interactions médicamenteuses, antibiothérapie, chimiothérapie anticancéreuse (compétence 4) et 2.11.S5 ;

→ UE 4.2.S3 : « Soins relationnels » : relation de confiance, alliance thérapeutique, conduite d’un entretien infirmier (compétence 6) ;

→ UE 4.4.S2, 4.4.S4 4.4.S5 : « Thérapeutiques et contribution au diagnostic médical » (compétence 4) ;

→ UE 4.6.S4 : « Soins éducatifs et préventifs » : démarche d’éducation thérapeutique en interdisciplinarité (compétence 5) ;

→ UE 5.5.S5 : « Mise en œuvre des thérapeutiques et coordination des soins » (compétences 4 et 9).