FORMATION
PRISE EN CHARGE
Au-delà des soins, la prise en charge infirmière de l’insuffisance cardiaque se concentre aujourd’hui sur l’ETP et la surveillance post-hospitalière des patients, dans le cadre de dispositifs visant à limiter les décompensations et éviter les réhospitalisations. L’occasion pour les IDE d’élargir leur champ de compétences.
Dans l’année qui suit leur première hospitalisation, entre 50 et 60 % des patients insuffisants cardiaques sont réhospitalisés, dont la moitié sont réadmis dans les trente jours (1). Ces réhospitalisations précoces sont corrélées à une majoration du risque de décès qui atteint 30 % dans l’année et 40 % dans les deux ans. Les registres et enquêtes de pratiques montrent qu’elles sont souvent associées à un suivi partiel des prescriptions (moins de la moitié des patients prennent correctement leurs médicaments six mois après le début du traitement), et qu’un certain nombre de ces réhospitalisations pourraient être évitées en améliorant le parcours de soins, l’accompagnement éducatif et la surveillance des patients (1).
Dans ce contexte, l’expertise des IDE en matière d’éducation thérapeutique du patient (ETP) est particulièrement mobilisée pour engager le patient dans une gestion active de sa maladie.
Le traitement de l’insuffisance cardiaque repose sur la prise de plusieurs familles de médicaments, auxquels s’ajoutent les traitements des éventuelles comorbidités associées. Il est donc important que les patients comprennent bien les enjeux liés au respect scrupuleux de la prescription. Cela suppose d’insister sur certains points en termes accessibles pour les patients :
→ Le traitement de fond ne doit jamais être arrêté. « Souvent, les patients n’ont pas conscience de la chronicité de leur pathologie et du fait qu’elle impose un traitement à vie pour stabiliser durablement leur fonction cardiaque, explique Sandrine Dias, IDE coordinatrice de la CCICC (cellule de coordination de l’insuffisance cardiaque et des cardiomyopathies des hôpitaux universitaires Henri-Mondor, AP-HP). En premier lieu, nous devons le leur expliquer et nous assurer qu’ils ont bien intégré ce postulat. Ensuite, il nous appartient de vérifier qu’ils ont bien compris à quoi servent leurs médicaments et qu’ils s’exposent à une décompensation potentiellement grave de leur maladie en cas d’arrêt spontané de leur traitement. » En substance, il convient d’expliquer aux patients que les médicaments anti-remodelage (lire p. 41) ont un effet antihypertenseur qui vise à stabiliser leur tension artérielle dans le but d’“économiser” leur cœur. Ils sont indispensables car plus la tension est élevée, plus elle fait obstacle à la capacité d’éjection du muscle cardiaque, qui doit alors redoubler d’efforts pour assurer cette fonction, ce qui précipite l’aggravation de l’insuffisance cardiaque. Pour cette raison, il ne faut jamais les arrêter, y compris lorsqu’ils provoquent des effets secondaires gênants : troubles digestifs, fatigue, extrémités froides, troubles du sommeil et de l’érection… Dans ce cas, le patient doit contacter rapidement son médecin pour qu’il ajuste la dose ou le moment de prise, voire remplace le médicament par un équivalent.
→ Les diurétiques sont essentiels : le patient doit également comprendre qu’une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) réduite signifie que son cœur ne se contracte pas correctement et que l’artère qui amène le sang aux reins manque de pression. La quantité de sang filtrée par les reins diminue, ce qui entraîne une accumulation d’eau dans le sang et favorise la stagnation d’eau au niveau des membres inférieurs et des poumons (risque d’œdème aigu pulmonaire).
Le patient s’essouffle au moindre effort, ne peut plus dormir allongé et prend du poids d’autant plus rapidement qu’il ne se restreint pas suffisamment en sel. « En augmentant la diurèse et l’élimination de l’excès d’eau, les diurétiques évitent aux patients de s’engager dans cette spirale, commente Sandrine Dias. C’est important de le rappeler car il n’est pas rare que, dérangés par la fréquence des mictions, en particulier lorsqu’ils travaillent ou voyagent, les patients négligent leur traitement diurétique pour limiter les besoins mictionnels. »
→ La prise des médicaments peut être adaptée et facilitée. En général, les médicaments sont prescrits en deux prises quotidiennes, matin et soir. « Dans le cas des diurétiques, on peut être amenés à suggérer aux patients de les prendre une fois arrivés au travail, ajoute la soignante. De même, pour simplifier la prise de bêtabloquants, on peut, sous réserve qu’ils soient bien tolérés, prescrire la dose une fois par jour. » En cas d’oubli, le patient doit savoir qu’il doit prendre ses médicaments dès qu’il s’en aperçoit et sans doubler les doses si c’est au moment de la prise suivante. Pour éviter ces oublis, l’enregistrement d’une alarme sur le téléphone constitue un bon aide-mémoire qui, associé à l’utilisation d’un pilulier, peut faciliter la vie des patients et l’observance du traitement. Enfin, l’attention des patients doit être attirée sur le fait qu’il est judicieux d’anticiper le renouvellement de leur ordonnance et d’en avoir toujours une copie sur eux en cas de déplacement.
Associées aux traitements, les mesures hygiénodiététiques contribuent à prévenir l’apparition des symptômes liés à la rétention hydrosodée (prise de poids, œdème, essoufflement), soulager le travail du cœur et améliorer la qualité de vie des patients. Elles reposent sur une discipline quotidienne visant à :
→ Réduire le sel et boire sans excès : « D’une manière générale, les patients traités pour une insuffisance cardiaque ne doivent pas dépasser 6 g de sel par jour, alors que la consommation moyenne en France est de 8 à 10 g, indique Sandrine Dias. Sachant que 2 g sont apportés par les aliments eux-mêmes, nous conseillons aux patients de se limiter à quatre aliments salés par jour et de privilégier la cuisine “maison” sans adjonction de sel. Le sel de régime n’est pas conseillé car il contient du potassium et peut engendrer une hyperkaliémie dangereuse (qui peut entraîner des troubles du rythme voire, au pire, un arrêt cardiaque, NDLR). Quant à l’hydratation, elle ne doit pas dépasser 1,5 l d’eau par jour, sauf en période de canicule. »
En pratique, l’insuffisance cardiaque impose d’éviter les aliments naturellement riches en sel (morue, fruits de mer, par exemple), les aliments transformés industriellement et les plats préparés (70 % du sel consommé quotidiennement) ainsi que les assaisonnements (moutarde, vinaigrette prête à l’emploi, sauce soja, bouillon cube…) et certaines eaux gazeuses riches en sodium (Badoît, Vichy, Saint-Yorre). Souvent difficiles à observer, ces restrictions peuvent paraître moins contraignantes si elles sont accompagnées de suggestions permettant de remplacer le sel par d’autres saveurs telles que des condiments naturellement pauvres en sel, des herbes aromatiques ou des épices. Les eaux gazeuses doivent contenir moins de 50 mg/l de sodium. Sans devenir obsessionnelle, la lecture des étiquettes doit donc être encouragée afin de sélectionner les produits contenant le moins de sel (NacL) ou de sodium (Na).
Pour rappel : 1 g de sel = 400 mg de sodium et 1 g de sodium = 2,5 g de sel.
→ Pratiquer une activité physique adaptée : comme tout muscle, plus on l’entraîne, plus le cœur est performant et plus la fréquence cardiaque baisse. « Dans l’insuffisance cardiaque, les patients, fatigués et essoufflés, réduisent leur activité physique, ce qui entraîne une fonte musculaire, mais aussi un déconditionnement plus général du cœur et des poumons, ce qui aggrave les symptômes au moindre effort et entretient le cercle vicieux, explique Sandrine Dias. Nous leur expliquons que c’est une composante de leur traitement et leur recommandons de pratiquer a minima trente minutes de marche ou de vélo, trois fois par semaine, pour remettre ces organes en route, améliorer leur fonctionnement et inscrire les patients dans un cercle vertueux. » Bon pour le cœur, ce reconditionnement est aussi bénéfique au sommeil et au moral. Idéalement, il devrait être réalisé dans un centre de réadaptation cardiaque mais seulement 10 % des patients en bénéficient, en raison d’un nombre insuffisant de centres. À défaut, ils peuvent démarrer avec un kiné, un éducateur en activité physique adaptée (APA), dans le cadre d’un club Cœur et santé (263 en France) (2) ou seuls. Dans tous les cas, il est important de les encourager à pratiquer une activité physique régulière et adaptée en intensité, fréquence et durée (voir encadré ci-contre). Quant aux relations sexuelles, « elles sont régulièrement abordées par les patients en termes de risque, mais aussi et surtout parce que la maladie et les traitements engendrent des troubles de l’érection, ajoute l’IDE. Un repère pour les patients : les relations sexuelles représentent un effort équivalent à 50watts ce qui revient à monter deux étages à pied. Quand la vie sexuelle est perturbée, on oriente ces derniers vers l’urologue ou le cardiologue, qui jugent de la pertinence de prescrire des médicaments contre l’impuissance et/ou de modifier le traitement contre l’insuffisance cardiaque. »
→ Mesures d’hygiène de vie complémentaires : lorsque la maladie à l’origine de l’insuffisance cardiaque met en cause la consommation d’alcool et de tabac, l’ETP s’attachera à évoquer ces sujets et à aider le patient à réduire puis arrêter la consommation d’alcool et de tabac, très toxique au niveau cardiaque. « Nous leur proposons l’ensemble des moyens (patchs, gommes, consultation d’addictologie…) pour les aider à arrêter et, pour ceux confrontés à une double addiction, on procède par étape en travaillant d’abord sur l’arrêt de l’alcool, puis du tabac, car il est très important d’arrêter les deux », confirme Sandrine Dias.
De nombreuses réhospitalisations pourraient être évitées si les patients connaissaient les signes précurseurs d’une décompensation de leur maladie et la conduite à tenir dans ce cas. « Nous utilisons l’acronyme Epof, pour essoufflement, prise de poids, œdème et fatigue, afin d’aider les patients à mémoriser les signes d’alerte qui justifient d’appeler leur médecin ou la CCICC lorsqu’ils sont suivis par cette structure, explique Sandrine Dias. L’œdème peut être repéré par la difficulté qu’ont les patients à mettre leurs chaussures ou enfiler leurs chaussettes. Il peut être quantifié par le nombre de zones atteintes (pied, cheville, jambe, cuisse) et objectivé par le signe du godet (la pression des doigts reste marquée) que nous leur apprenons à reconnaître. Un autre repère simple et particulièrement évident de la rétention hydrosodée est une prise de poids de deux kilos en deux jours. Il est donc important que les patients se pèsent tous les jours à la même heure et dans les mêmes conditions (au réveil après la miction matinale et avant le petit-déjeuner) et à le noter sur une feuille de surveillance ou un carnet de suivi. »
Lorsqu’ils maîtrisent ces signes, les patients sont en mesure de savoir quand ils doivent contacter leur médecin ou, lorsqu’ils sont particulièrement bien éduqués et autonomes, prendre les mesures qui s’imposent. « Ces patients “experts” dans la connaissance de leur pathologie et de leur traitement sont en mesure d’adapter leur traitement diurétique eux-mêmes lorsqu’ils ont fait des écarts alimentaires et constatent une prise de poids ou des œdèmes, confirme Michel Frelat, IDE coordinateur travaillant en binôme avec Sandrine Dias. À cet effet, nous leur établissons une ordonnance conditionnelle de prescription et de surveillance biologique qui leur permet, lorsqu’ils n’ont pas la possibilité de nous joindre, de majorer eux-mêmes leur traitement diurétique et de contrôler leur fonction rénale et leur kaliémie (lire p.40). Bien entendu, ils poursuivent le contrôle du poids et corrigent les erreurs alimentaires en cause et nous tiennent informés de l’adaptation du traitement et des résultats biologiques. » une autonomie encadrée qui conforte ces patients dans leur auto-surveillance active, tout en les sécurisant. Cela dit, les patients “experts” restent relativement marginaux. « Pour les autres, et en particulier ceux présentant une insuffisance cardiaque instable, explique le Pr Luc Hittinger, cardiologue de la CCICC, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un défaut d’approche au-delà de l’hospitalisation. Isolés et dans l’impossibilité d’envoyer des alertes dès les premiers signes, ces patients revenaient à l’hôpital avec 5, 6, 8 voire 10 kg de surcharge en eau, ce qui nous a amené à concevoir, dans le cadre du programme Étapes (expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé (3)), un dispositif permettant d’optimiser leur prise en charge post-hospitalière pour éviter les réhospitalisations pour décompensation. »
Depuis quelques années, de nombreuses initiatives répondant au même constat et aux mêmes objectifs que ceux de la CCICC ont vu le jour, à l’instar du programme FollowHeart, mis en place au CHu de Marseille (lire ci-dessus), des réseaux de santé spécialisés dans l’insuffisance cardiaque tels que Cardi-Auvergne (4) ou Resic38 (5) (voir Savoir plus, p. 49) ou encore le dispositif Prado IC (voir encadré p. 48). Tous ont pour but d’optimiser la prise en charge ambulatoire des patients insuffisants cardiaques en maintenant par des moyens techniques et/ou humains la relation soignant/patient.
Toutefois, le dispositif mis en place par la CCICC en 2018, et récemment étendu au territoire national par l’arrêté du 27 décembre 2019 (6), va beaucoup plus loin dans la mesure où il repose sur un protocole de coopération qui délègue aux IDE préalablement formées (lire ci-contre) la réalisation d’actes médicaux de façon autonome et sécurisée. Il s’agit notamment d’offrir une offre complémentaire, de manière coordonnée, à la prise en charge par le cardiologue et le médecin traitant.
Au-delà des objectifs médicaux, l’idée sous-jacente à l’organisation de ce protocole de coopération est de « libérer du temps médical pour permettre aux cardiologues de se consacrer aux cas les plus complexes en transférant aux IDE des compétences médicales rigoureusement encadrées », explique Armelle Duchenne, cadre de santé du service de cardiologie de l’hôpital Henri-Mondor. Ces compétences concernent l’interprétation des paramètres cliniques transmis par les patients, la prescription et l’interprétation des examens (ECG, bilan sanguin), l’adaptation progressive des posologies et la prescription des médicaments (titration). « Cette délégation n’est opérationnelle qu’à la condition que des délégants soient joignables à tout moment, prévient Michel Frelat. Dans le cas contraire, on sort du protocole et on re prend la prise en charge classique. Les actes délégués sont encadrés par des arbres décisionnels (voir encadré p. 46) qui fixent les limites d’action des IDE déléguées et les situations nécessitant de faire appel au délégant. » Si le protocole de télésurveillance s’adresse à tous les patients éligibles (hospitalisation pour décompensation dans les trente jours ou dans les douze mois si BNP > 100 pg/mL ou de NT pro-BNP > 1000 pg/mL) (6), la titration ne concerne que les patients à FEVG (fraction d’éjection ventriculaire gauche) réduite. Certains patients sont donc suivis en télésurveillance et titration, et d’autres uniquement en titration ou en télésurveillance.
→ Consultations de titration : la titration repose sur la lecture et l’interprétation de l’ECG et des examens biologiques à partir des arbres décisionnels figurant dans le protocole. Elle est réalisée selon un calendrier de consultations prédéfini pour chaque médicament (IEC, BTB, ARA 2, antialdostérone, entresto, inhibiteur du canal If), conformément à l’arbre décisionnel correspondant. « Par exemple, le bisoprolol (bêtabloquant) prescrit initialement à 1,25 mg doit atteindre idéalement 10 mg à l’issue de la titration. Sa posologie est majorée toutes les deux semaines pour atteindre le niveau le plus proche de cet objectif thérapeutique en cinq à six titrations réparties sur trois mois, délai dans lequel il est recommandé d’optimiser le dosage du traitement. Ce principe de majoration progressive vaut pour chaque médicament des différentes familles thérapeutiques et permet, en cas d’effets secondaires (fréquence cardiaque trop basse, TA trop faible, ECG modifié…) de déterminer la dose maximale tolérée par le patient », détaille Michel Frelat.
→ Télésurveillance : les outils de télésurveillance comprennent une balance connectée à une tablette configurée pour transmettre les informations renseignées quotidiennement par le patient, le matin dans des conditions comparables d’un jour sur l’autre. « Ces informations couvrent l’ensemble des signes Epof ainsi que d’autres paramètres (fièvre ou palpitations, par exemple) qui peuvent nous renseigner très rapidement sur la nécessité de faire venir le patient en consultation non programmée », explique l’IDE. Dans le cadre du protocole de coopé ration, ces consultations relèvent également des IDE de coordination qui, en lien avec le délégant et selon l’arbre décisionnel, décident et organisent l’hospitalisation, si nécessaire.
Prendre en charge des actes médicaux délégués représente une évolution majeure pour la profession. Les infirmières le confirment : ce protocole, et en particulier les actes relatifs à la titration, change totalement la posture de l’IDE dans la relation soignantsoigné. « Cela demande un temps d’adaptation réciproque mais la confiance s’installe très vite et d’autant plus facilement qu’au-delà du relevé et de l’analyse des données préalables à la prescription, nous profitons de la consultation pour renforcer l’ETP, répondre aux questions des patients et leur apporter des explications et conseils utiles. » In fine, cette approche médico-paramédicale s’avère très rassurante et bénéfique pour le patient. « Nous n’en doutions pas, car un certain nombre d’études montrent que les IDE font mieux que les médecins en matière de titration et de surveillance dans le cadre d’une relation délégant-délégué sécurisée », conclut le Pr Hittinger. Un partage de compétences qui, au-delà de l’hôpital, pourrait, dans les années à venir, s’organiser en ville entre médecins, cardiologues et Idel, puisque l’arrêté permet l’application de ce protocole de coopération aux structures de soins de ville telles que les maisons de santé ou les CPTS (7), dès lors que cardiologues délégants et IDE déléguées remplissent les conditions nécessaires et effectuent leur demande d’adhésion au protocole auprès de leur ARS.
1- Haute Autorité de santé (HAS), « Note méthodologique et de synthèse documentaire. Comment organiser la sortie des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque ? », avril 2015. À lire sur : bit.ly/34mtvTx
2- Plus d’infos sur : bit.ly/34kTgn3
3- Plus d’infos sur : bit.ly/2JKPytw
4- Voir : www. cardiauvergne.com
5- Voir : www.resic38.org
6- Lire l’arrêté sur : bit.ly/2uQhkeA
7- Communauté professionnelle territoriale de santé.
→ Les soins infirmiers chez un patient hospitalisé pour une décompensation de son insuffisance cardiaque (IC) concernent les soins de base (pose de perfusion, bilan sanguin, réalisation et interprétation d’un ECG) et la surveillance des diurétiques (furosémide) administrés en première instance par seringue électrique jusqu’à disparition des œdèmes, puis, per os avant la sortie. L’IDE vérifie quotidiennement l’efficacité du traitement en contrôlant le poids et la diurèse.
→ Elle surveille également l’évolution des signes congestifs : œdèmes (signe du godet), dyspnée (gêne respiratoire ressentie par le patient en position allongée, tirage visible, mesure de la fréquence respiratoire et de la saturation en oxygène).
→ Conjointement, en lien avec l’équipe médicale, elle surveille la biologie et notamment la kaliémie (risque d’hypokaliémie lié à la perte liquidienne) afin de s’assurer que le patient ne présente pas de signes d’insuffisance rénale.
Avec Sandrine Dias, IDE de coordination
La fréquence, la durée et l’intensité de l’activité physique adaptée (APA) doivent être déterminées en fonction de l’âge, de l’état de déconditionnement du patient, de ses problèmes physiques (problèmes articulaires, par exemple) et de l’évolution de son état général.
→ Les activités physiques recommandées sont des activités en endurance (marche, vélo d’appartement, jardinage, natation, gymnastique douce, danse, yoga) associées, si possible, à des activités en résistance douce (petits mouvements de musculation en série avec des altères légères, aquagym, par exemple). Les sports entraînant des accélérations violentes (tennis, basket, football…) sont formellement déconseillés.
→ L’APA doit être mise en œuvre progressivement, de manière à ne pas déclencher d’essoufflement, de palpitations et de fatigue. Si tel est le cas, il faut l’interrompre et demander conseil. Idéalement, une marche quotidienne d’une demi-heure ou a minima, trois à cinq fois par semaine, est accessible à la majorité des patients. Lorsqu’il fait mauvais temps, elle peut être remplacée par du vélo d’appartement en augmentant progressivement la durée (dix, puis vingt, puis trente minutes) et l’intensité (force et rapidité), si possible.
Participer à un protocole de coopération requiert :
- un socle de trois ans d’expérience professionnelle ;
- un DU d’insuffisance cardiaque ;
- une attestation de formation de 40 h à l’ETP (incluse dans le DU) ;
- une formation spécifique au protocole de coopération (critères d’inclusion des patients, évaluation clinique, interprétation des examens, titration, critères de télésurveillance…) soit six jours de formation théorique (trois fois deux jours) + 100 consultations encadrées et validées par un cardiologue dont 20 en observation, 50 en binôme actif cardiologue-IDE et 30 en supervision ;
- une AFGSU niveau 2 validée.
Les unités d’insuffisance cardiaque de l’hôpital Nord et de l’hôpital de la Timone (CHU de Marseille) ont mis en place en août 2019 le dispositif « FollowHeart » (1). Le Dr Jennifer Cautela nous en explique le principe.
Le programme de télésurveillance Followheart associe un télésuivi des patients à domicile et un accompagnement éducatif par téléphone. Il peut être proposé par le cardiologue hospitalier, le cardiologue traitant ou le médecin généraliste du patient.
Il s’adresse aux patients ayant été hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë dans les trente derniers jours ou douze derniers mois sous réserve qu’ils présentent un Nyha 2 et un taux de BNP > 100 pg/mL ou de NT proBNP > 1000 pg/mL (voir « Le dosage des peptides natriurétiques », p. 39). Ces patients sont les plus à risque à court terme, ce qui justifie d’intensifier leur surveillance. Le programme comprend la mise à disposition, au domicile des patients, d’un pèse-personne connecté, d’un capteur digital permettant le recueil de la fréquence cardiaque et de la saturation en oxygène, et d’un algorithme capable de détecter et transmettre des alertes aux professionnels de santé des unités de télésurveillance. Les IDE intervenant à domicile (HAD et/ou Idel) ont accès à une application mobile leur permettant de remplir les données relatives à l’évaluation quotidienne du patient (tension artérielle, œdème, fatigue…) et de les transmettre immédiatement à l’équipe de télésurveillance. Ainsi, en cas de prise de poids rapide, d’apparition d’œdème ou de désaturation, par exemple, des mesures correctrices (majoration des diurétiques, prescription d’un bilan sanguin…) sont immédiatement mises en place, soit par contact téléphonique, soit par programmation d’une consultation en urgence, de préférence avec le cardiologue traitant ou le médecin généraliste ou, en dernier recours, le cardiologue hospitalier. Par ailleurs, les IDE de l’unité de télésurveillance assurent l’ETP, le plus souvent non présentielle, à raison de trois séances semestrielles. L’ensemble de ce dispositif s’ajoute au suivi cardiologique habituel du patient. Prescrit pour six mois, il peut être renouvelé en fonction de l’évaluation clinique et éducationnelle du patient. Ainsi, nous espérons diminuer le nombre d’hospitalisations en urgence pour insuffisance cardiaque aiguë, lesquelles constituent un facteur de mauvais pronostic dans cette pathologie. »
1- Cette mise en place fait suite à l’étude multisite (osicat) conduite par le CHu de Toulouse en 2015 en vue d’optimiser la surveillance ambulatoire et la prise en charge des insuffisances cardiaques chroniques par télécardiologie.
Mis en place par la Cnam en 2013, le dispositif Prado IC a pour objectif de permettre aux patients stabilisés après un épisode d’insuffisance cardiaque aiguë, de quitter l’hôpital tout en bénéficiant d’une surveillance rapprochée à domicile par une infirmière libérale. L’organisation initiale est assurée par un conseiller de l’Assurance maladie. Le but est d’accompagner le patient durant deux mois pour renforcer ses compétences et lui permettre de devenir pleinement acteur de sa prise en charge.
→ Ce dispositif comprend une consultation médicale chez le médecin traitant dans la semaine qui suit la sortie de l’hôpital et une surveillance hebdomadaire par une Idel (soit huit visites). Celle-ci couvre l’ETP, le contrôle de l’observance des traitements et des mesures hygiéno-diététiques, l’utilisation de l’auto-mesure tensionnelle, la surveillance des effets secondaires et de la tolérance des traitements, le contrôle des constantes et le repérage des signes de décompensation.
→ À l’issue des deux mois, après un bilan éducationnel, le patient est vu en consultation longue par le médecin traitant en coordination avec le cardiologue. À cette occasion, les patients Nyha 3 et 4 peuvent bénéficier d’un prolongement du dispositif jusqu’au sixième mois, à raison d’une visite de l’Idel tous les quinze jours (soit quinze visites au total). En 2019, 18 075 patients ont bénéficié de ce dispositif impliquant 391 établissements, 11 700 médecins traitants, 3 133 cardiologues et 12 194 IDE.