Les règles du cumul d’activités pour les agents de la fonction publique, donc pour les infirmières, sont très strictes. La norme qui prévaut est en effet l’interdiction, avec quelques dérogations, soumises à autorisation.
Le fonctionnaire exerce l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit (…). » L’interdiction faite aux agents publics de cumuler plusieurs activités professionnelles était déjà inscrite dans la loi de 1983 (article 25 septies) sur les droits et obligations des fonctionnaires, tout comme dans celle de 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. Une autre étape est franchie avec la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, qui restreint considérablement les possibilités pour le fonctionnaire ou l’agent contractuel en CDD ou en CDI de cumuler son emploi public avec une autre activité. « Dans le secteur public, les agents fonctionnaires ou sous contrat doivent avoir un exercice exclusif », ex plique Olivier Sigman, juriste spécialiste dans le droit de la santé. L’intégralité de l’activité professionnelle doit se dérouler dans l’établissement qui emploie l’agent. Autrement dit : une infirmière, fonctionnaire ou contractuelle, à temps complet et exerçant à temps plein, a interdiction de cumuler plusieurs emplois à temps complet et de créer ou de reprendre une entreprise, donc d’être auto-entrepreneur.
En revanche, une infirmière à temps non complet ou à temps partiel, fonctionnaire ou contractuelle, peut exercer une ou plusieurs activités lucratives dans le secteur privé à condition d’en faire la demande au préalable comme pour les activités accessoires listées par décret.
• Il existe en effet des exceptions. Un agent public, à temps complet ou à temps partiel, peut être autorisé à cumuler une activité accessoire à son activité principale, sous réserve que cette activité ne porte pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service. Cette activité peut être exercée auprès d’une personne publique ou privée. L’agent doit, au préalable, demander l’autorisation à la commission déontologie de son établissement un mois avant le début de l’activité en lui transmettant une autorisation dûment remplie (voir ci-contre). La commission dispose d’un mois pour donner son accord express écrit. À défaut de réponse dans ce délai, la demande est considérée comme étant refusée. Elle doit être renouvelée à chaque nouvelle activité ou chaque année si elle est amenée à se poursuivre, comme dans le domaine de la formation par exemple.
• Un décret du 27 janvier 2017 liste de manière exhaustive les activités accessoires pour lesquelles les agents de la fonction publique doivent demander une autorisation. Il s’agit notamment des actes d’enseignement, de consultation, de formation, d’aide à domicile auprès de ses ascendants et descendants directs ou son conjoint, des travaux agricoles ou des travaux de faible importance chez des particuliers. « Ces activités sont soumises à autorisation notamment pour éviter tout risque de conflit d’intérêts, fait savoir Olivier Sigman. Prenons l’exemple d’un infirmier qui aide un ami à repeindre une façade. Si cet ami détient une entreprise de fournitures et que l’hôpital est amené à lancer un appel d’offres pour refaire sa façade, il est important que l’employeur connaisse les liens de ses agents avec ce type d’entreprises. »
• Tout agent à temps complet qui souhaite accomplir une activité accessoire doit poser un jour de RTT ou un jour de congé pour pouvoir la réaliser. « L’objectif est de veiller à ce qu’il ne perçoive pas deux fois un salaire pour une activité réalisée sur son temps de travail », indique Olivier Sigman. Dans ce cas également, il existe des exceptions. Si une IDE est formatrice au sein d’un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) rattaché à son établissement d’exercice, elle n’a pas à prendre un jour de congé pour effectuer ce travail. Elle va par exemple être affectée une demi-journée à l’Ifsi. Généralement, son service la rémunère pour cette activité, et l’Ifsi rembourse le montant à l’établissement. « En revanche, pour des formations qui ont lieu au sein d’organismes de formation, il est important que la direction ait un droit de regard, toujours pour une question de lien d’intérêt », précise le juriste.
• La loi prévoit que si une IDE était déjà chef d’entreprise avant d’avoir intégré la fonction publique hospitalière, elle doit l’indiquer au moment de son embauche. Avec l’accord de l’établissement, elle peut maintenir pendant un an, voire maximum deux ans, cette activité. Ensuite, elle doit cesser son activité, toujours pour une question de lien d’intérêt. « Il y a des cas où des agents ont des parts dans des entreprises avec lesquelles des CH peuvent être amenés à conclure des marchés, ce qui peut être aboutir à des situations problématiques », soutient Olivier Sigman.
• Pour un agent fonctionnaire ou contractuel à temps non complet ou à temps partiel, il est toujours possible de créer une entreprise. L’agent doit adresser sa demande, trois mois avant le début de son projet, à sa direction qui est en droit de refuser. « Il y a par exemple des activités difficilement cumulables, pointe du doigt Olivier Sigman. C’est le cas si un agent de la fonction publique hospitalière souhaite monter une entreprise de conseil pour les établissements de santé ou encore si un agent désire créer une entreprise de recrutement dans le domaine hospitalier ou une franchise d’intérim. Il devient alors fournisseur de service pour son employeur. Le lien de subordination s’inverse, ce qui peut amener là aussi à des situations problématiques. » En cas de demande de création d’entreprise par un agent, la direction de l’établissement doit saisir la commission de déontologie. L’autorisation est accordée pour deux ans, renouvelable un an. Après trois années, il devra faire un choix.
• L’activité libérale n’est pas considérée comme une création d’entreprise par la loi puisqu’un cabinet infirmier n’est pas enregistré au registre du commerce et des sociétés. De fait, si l’infirmière salariée exerce à temps partiel au sein de la structure hospitalière, elle peut demander l’autorisation à sa hiérarchie de pratiquer en parallèle une activité libérale mais uniquement à condition qu’elle ne concurrence pas l’activité hospitalière. « Il faudra bien entendu veiller à ce que l’infirmière ne prenne pas en charge, en libéral, les patients dont elle s’est occupée à l’hôpital, car cela serait considéré comme du détournement de patientèle », précise Olivier Sigman. Il est également possible pour une Idel d’effectuer des vacations dans un établissement de santé.
• Dans le secteur privé, contrairement aux fonctionnaires, les soignants peuvent cumuler des emplois sans nécessairement devoir en informer leur employeur. Ils peuvent travailler dans deux cliniques, sur leur temps de repos, à condition de respecter les heures légales de travail à savoir dix heures par jour, quarante-huit heures par semaine, ou quarantequatre heures sur douze semaines consécutives. Des durées qui doivent être respectées quel que soit le nombre d’employeurs et la durée du travail de chaque contrat. Il peut cependant y être spécifié une clause de non-concurrence. Tout dépend de la convention collective, des accords de branche et du contrat de travail qui lie les parties.
Une demande d’autorisation à l’employeur n’est pas requise pour exercer certaines activités. Par exemple : activités de bénévolat dans des associations caritatives ou culturelles, artistiques ou de création, contrats pour faire les vendanges ou des travaux agricoles (limités à un mois et à la période des congés). Dans un souci d’information et de valorisation de leur engagement, les agents peuvent néanmoins indiquer cette activité auprès de leur employeur.
• Nom et prénom • Grade, service • Description de l’activité principale exercée • Fonctions exercées • Temps complet ou temps partiel.
Projet de cumul avec une activité accessoire
A/ • Description de l’activité accessoire : identité, nature et secteur d’activité de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité accessoire ;
• Nature de l’activité accessoire : durée, périodicité et horaires approximatifs de l’activité ;
• Conditions de rémunération de l’activité ;
• Conditions particulières de réalisation de l’activité (déplacement, variation saisonnière de l’activité) ;
Exercez-vous déjà une ou plusieurs activités accessoires ? ………… |_| Oui |_| Non
Si oui, quelles sont-elles ? (caracte`re public ou prive´, dure´e, pe´riodicite´ et horaires approximatifs, etc.).
• Informations complémentaires que vous souhaitez porter à la connaissance de l’administration.
B/ Avis du supérieur hiérarchique.
C/ Décision de la direction des ressources humaines : accord / refus. Si refus, motif…
SOURCE : WWW.FONCTION-PUBLIQUE.GOUV.FR/CUMUL-DACTIVITES-A-TITRE-ACCESSOIRE
1- Décret 2017-105 du 27 janvier 2017 (voir Savoir plus).
→ Loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : bit.ly/2W553TY
→ Décret du 27 janvier 2017 relatif à l’exercice d’activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d’activités et à la commission de déontologie de la fonction publique : bit.ly/2YASphi
OLIVIER SIGMAN JURISTE SPÉCIALISTE DU DROIT DE LA SANTÉ
Face à une demande de cumul d’activités de la part d’un agent, quelle est l’obligation de l’employeur ?
• L’employeur n’est pas dans l’obligation de répondre. De fait, s’il ne répond pas dans le mois qui suit la demande, cela signifie qu’elle est refusée. L’employeur ne dispose pas de texte de droit sur lesquels s’appuyer pour fonder sa réponse, cette dernière est donc discrétionnaire. Néanmoins, l’employé peut se pourvoir en justice, devant le tribunal administratif, pour contester le refus, l’employeur doit donc pouvoir motiver sa décision.
Quels sont les risques qu’encourt un agent s’il cumule une activité malgré l’interdiction de son employeur ?
• Cela fait maintenant quatre ans que les textes sont parus. Les agents peuvent donc facilement avoir accès aux renseignements nécessaires sur le cumul d’activités en s’adressant à leur service de ressources humaines. Il peut néanmoins avoir des oublis. Dans 70 % des cas, les personnes vont d’elles-mêmes effectuer la démarche de demande d’autorisation. Pour les 30 % restants, environ 25 % vont d’elles-mêmes rectifier la situation et pour les autres, la situation peut être plus problématique. Généralement, un rappel au règlement va être effectué avant de sanctionner. Car les sanctions sont lourdes. Un agent qui exerce une seconde activité professionnelle sans en avoir l’autorisation s’expose à l’engagement d’une procédure disciplinaire à son encontre, fondée sur la commission d’une faute déontologique. En effet, l’interdiction du cumul d’activités est une obligation déontologique dont l’objectif est d’empêcher que toute autre activité ne nuise au fonctionnement normal du service ou ne mette en doute l’indépendance et l’impartialité des agents publics. L’agent risque également une sanction financière, qui peut se traduire par le reversement des sommes perçues au titre des activités interdites par voie de retenue sur le traitement. Enfin, il risque une sanction pénale, dès lors que l’activité irrégulièrement exercée est à l’origine d’une prise illégale d’intérêts. Ces sanctions peuvent être cumulatives.
PROPOS RECUEILLIS PAR L.M.