L'infirmière Magazine n° 416 du 01/06/2020

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

THIERRY PENNABLE  

À l’instar des coronavirus ou des virus « influenzae » de la grippe, la plupart des virus respiratoires sont des virus enveloppés. Plus fragiles que les virus nus, ils se transmettent principalement par voie aéroportée.

1. LES VIRUS

À la frontière du monde vivant, les virus ne sont pas des entités biologiques autonomes. Ils ne disposent pas des fonctions biologiques nécessaires à la reproduction ou à la multiplication, et leur critère d’appartenance au monde vivant se limite à la transmission de leur génome, à ADN ou à ARN, seul élément des virus ayant une existence durable. Ils doivent s’insérer dans une cellule pour se multiplier. Leur structure très simple est composée de deux ou trois éléments : un génome, qui est de l’ADN ou de l’ARN, est contenu dans une structure protéique appelée capside, l’ensemble étant enrobé, ou pas, dans une enveloppe.

Une enveloppe fragilisante

Les virus peuvent être nus ou enveloppés d’une enveloppe externe, ou « peplos » (mot grec signifiant « manteau »). Cette couche lipidique, externe et fragile, entoure l’ensemble génome et capside. « Il est relativement facile de détruire l’enveloppe et le virus est alors altéré. Alors qu’une enveloppe peut évoquer une protection, c’est au contraire un élément de vulnérabilité du virus », souligne le Pr Jean-Paul Stahl, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales au Chu de grenoble.

→ Les virus enveloppés perdent leur pouvoir infectieux lorsque leur enveloppe est dégradée. Ce qui peut se produire : soit dans le système digestif par les enzymes digestives et le ph acide de l’estomac ; soit dans le milieu extérieur par la température, même ordinaire, et le dessèchement (dessiccation). La plupart des virus respiratoires sont des virus enveloppés, à l’exemple des coronavirus, des virus influenzae de la grippe ou du virus respiratoire syncytial de la bronchiolite.

→ Les virus nus résistent beaucoup plus longtemps dans le système digestif et dans le milieu extérieur. Les virus respiratoires fréquents ne sont pas des virus nus, sauf « les entérovirus ou les adénovirus, qui peuvent exceptionnellement provoquer des pneumonies et peuvent être transmis par voie aérienne, mais ce ne sont pas des virus respiratoires au sens strict du terme », fait remarquer le Pr Jean-Paul Stahl.

→ Influence sur la transmission. Plusieurs voies de contamination virale sont possibles : respiratoire, digestive, transcutanée, voie transmuqueuse (notamment sexuelle), voie sanguine, ainsi que par piqûre ou morsure dans le cas de la rage par exemple.

Les virus enveloppés, comme les virus de la grippe, sont trop fragiles pour résister dans le tractus intestinal. Ils ne sont donc pas retrouvés dans les selles et ne se propagent pas par transmission fécale-orale, qui est, en revanche, la voie de transmission essentielle des poliovirus, qui sont des virus nus.

Classement des virus

→ Près de 5 000 espèces répertoriées. les virus sont classés en fonction de leurs propriétés de structure et de réplication à l’intérieur des cellules. Les trois premiers critères de la classification universelle (1) des virus sont la nature de l’acide nucléique du génome, à ADN ou à ARN ; la configuration de la capside, tubulaire ou icosaédrique ; et la présence ou l’absence d’une enveloppe. Une espèce virale réunit des virus ayant des caractéristiques communes telles que l’organisation du génome, la structure du virion, les propriétés de la capside… en 2018, 4 853 espèces virales étaient répertoriées, classées en 846 genres viraux et 143 familles virales, réparties dans 14 ordres (1).

→ Exemple du Sars-CoV-2 : le nom scientifique « Sars-CoV-2 », virus du « Covid-19 », acronyme anglais pour « Coronavirus disease 2019 » ou « maladie à coronavirus de 2019 » en français, indique que le virus :

- fait partie de la famille des coronavirus (CoV), qui tiennent leur nom de leur enveloppe en forme de couronne ;

- provoque un syndrome respiratoire aigu sévère (Sars).

200 espèces pathogènes

les virus et les bactéries sont au premier rang des agents à l’origine d’infections, suivis dans une moindre mesure par les champignons et les parasites. Environ 200 espèces de virus sont identifiées comme pathogènes chez l’homme. Ces virus provoquent le plus souvent des maladies bénignes comme des rhinites, mais aussi des maladies graves, voire mortelles, telles que le Sida, les encéphalites ou les hépatites.

Virus et cancer

Certains virus augmentent le risque de survenue de cancer par l’inflammation chronique qu’ils entretiennent et qui peut conduire à la formation de lésions précancéreuses et cancéreuses. En intégrant son propre génome au génome cellulaire, le virus transforme parfois les cellules hôtes en cellules cancéreuses. L’infection virale est alors dite “transformante” et le virus est appelé virus oncogène ou oncovirus. Les infections transformantes sont toujours associées à des infections persistantes. Jusqu’à présent, aucun virus respiratoire n’est identifié comme oncogène.

Pour induire un cancer, le virus oncogène doit :

- soit provoquer une inflammation chronique : le virus est toujours détecté par le système immunitaire qui ne parvient pas à l’éliminer, donc la réponse inflammatoire se poursuit (par exemple, l’hépatite C) ;

- soit posséder des gènes qui, en intégrant le génome humain, induisent une immortalité de la cellule donc un cancer (par exemple, le virus d’Epstein-Barr, ou EBV, responsable de la mononucléose infectieuse).

2. LES INFECTIONS VIRALES

Physiopathologie

À l’instar de toutes les infections, les infections virales sont causées par l’invasion de certains organes par un agent infectieux. Ces agents, en se multipliant :

- dérèglent le fonctionnement de l’organe ;

- entraînent une activation du système immunitaire ;

- peuvent entraîner la libération de toxines dans le sang ;

- provoquent une réaction immunitaire à l’origine de symptômes tels que fièvre, céphalées et fatigue.

Chaque agent infectieux atteint en général un ou plusieurs organes de prédilection.

Multiplication et diffusion

La multiplication virale est un phénomène complexe. Le virus détourne les fonctions fondamentales de la cellule, sa “machinerie”, pour se répliquer. Pour qu’il y ait infection, le virus commence par se lier à une cellule hôte grâce à un récepteur.

→ Les récepteurs. ils sont le dénominateur commun des infections, qu’elles soient bactériennes ou virales. Situés sur la membrane cytoplasmique des cellules hôtes, ces récepteurs spécifiques à chaque virus permettent l’entrée en contact du virus et de la cellule. Ainsi, les acides sialiques situés à la surface des cellules, principalement des cellules de l’arbre respiratoire, sont les récepteurs de l’hémagglutinine, protéine antigénique présente à la surface du virus de la grippe influenza de type a.

→ La multiplication. l’ADN ou l’ARN du virus est ensuite introduit dans des cellules hôtes, cellules dites “permissives” car le virus peut s’y répliquer, dans le noyau de la cellule hôte pour les virus à ADN, dans le cytoplasme pour les virus à ARN. Lors de la réplication, la cellule hôte libère de nouveaux virus qui vont infecter d’autres cellules. En règle générale, la cellule hôte qui a fabriqué de nouveaux virus meurt. Certains virus appelés rétrovirus utilisent une méthode de réplication spécifique.

→ Dispersion dans l’organisme. la structure et la composition des virus leur permettent de propager l’infection dans l’organisme. Généralement, le virus se multiplie d’abord localement au niveau du site d’infection initial puis :

- reste cantonné et se réplique au niveau du site initial (par exemple, le rhinovirus pour le rhume banal) ;

- ou atteint un organe cible à distance par réplication par voie générale, dans le sang ou la lymphe, ou par voie neuronale dans le cas du virus de la rage ou de la poliomyélite.

Évolution des infections virales

De nombreuses infections virales sont éliminées par les défenses de l’organisme. Certaines persistent à l’état latent et d’autres provoquent des maladies chroniques.

→ Période d’incubation. Cette période correspond à la durée écoulée entre l’introduction d’un germe infectieux dans l’organisme et l’apparition des premiers symptômes (un à trois jours pour la grippe). Toutes les infections débutent par une période d’incubation, une phase pendant laquelle l’infection est latente.

→ L’infection abortive. Ce type d’infection est caractérisé par la disparition rapide d’un virus qui a une faible capacité infectieuse et/ou si la cellule visée n’est pas “permissive”, qu’elle ne permet pas l’attachement à un récepteur.

→ L’infection aiguë. C’est l’évolution la plus classique des infections virales. Elle se caractérise par une réplication et une propagation rapides du virus avant d’être rapidement contrôlée par une réponse immunitaire appropriée de l’organisme.

En l’absence d’une telle réponse immunitaire, une évolution vers une infection fulminante est possible sous forme d’une propagation très rapide et non contrôlée du virus, souvent mortelle. À l’exemple de l’hépatite a aiguë qui guérit le plus souvent en environ deux mois mais qui peut, dans de rares cas, provoquer une hépatite fulminante qui s’avère souvent mortelle.

→ L’infection latente. « Dans l’infection latente, le virus intègre le génome humain mais ne prolifère pas. Il n’est plus repéré par le système immunitaire. Il n’y a donc plus de réponse immunitaire. Il peut se réactiver mais il est alors rapidement contrôlé par le système immunitaire qui le reconnaît rapidement, explique le Dr Lydia Pouga, médecin virologue. C’est une sorte de compromis. Le virus peut “rester” dans la cellule humaine à condition d’être “silencieux”. » Chez l’homme, les infections latentes concernent principalement les virus de la famille des herpesviridæ (par exemple, le virus de la varicelle et du zona (VZV), qui, après la varicelle de l’enfance, reste “dormant” dans l’organisme et peut se réactiver sous forme d’un zona, le virus de l’herpès ou le virus Epstein-Barr).

→ L’infection chronique. une infection chronique peut être plus ou moins symptomatique mais elle est active. « Dans l’infection chronique, le système immunitaire n’arrive pas à éliminer le virus. Le virus continue à proliférer et la réponse inflammatoire perdure », schématise Lydia Pouga. L’infection persiste après l’infection initiale, avec un risque de contaminer d’autres personnes. Il n’y a pas beaucoup d’infections virales chroniques et, jusqu’à présent, les virus respiratoires ne sont pas concernés. C’est en revanche le cas de :

- l’infection à HIV qui persiste à bas bruit, partiellement contrôlée par le système immunitaire ;

- l’infection par le virus de l’hépatite B qui, dans environ 10 % des cas, persiste sous forme plus ou moins intense, symptomatique et contagieuse, avec un risque de complications de type insuffisance hépatique, cirrhose ou cancer du foie ;

- l’infection par le virus de l’hépatite C qui se chronicise dans la majorité des cas, avec un risque de cirrhose et de cancer du foie.

3. LES DÉFENSES DE L’ORGANISME

L’organisme dispose de plusieurs moyens de défense pour éviter que la totalité des cellules qui le composent soient détruites à la première infection virale.

La peau saine

La peau est une barrière efficace contre les infections virales grâce à une couche de kératinocytes morts présente en surface. Néanmoins, cette barrière peut être franchie par les virus en cas de piqûre, érosion ou morsure, ou encore par une transfusion de sang ou une greffe d’organe ou de tissu.

Les muqueuses

Moins efficaces que la peau, les muqueuses forment une barrière contre le virus grâce à la sécrétion de mucus, aux ph extrêmes, notamment dans le tube digestif et le vagin, aux enzymes contenues dans les larmes qui détruisent des protéines des virus, ou encore grâce au tapis mucociliaire des bronches, sorte de tapis roulant appelé parfois “escalator mucociliaire”, qui permet de rejeter les particules infectieuses inhalées.

La mort cellulaire programmée

lorsque l’infection s’installe localement au niveau de la porte d’entrée, le “suicide” programmé des cellules infectées, l’apoptose, fait obstacle à la propagation de l’infection. L’apoptose a lieu avant la phase d’assemblage du virus et la diffusion de nouvelles particules virales.

4. FORMES D’IMMUNITÉ ANTI-VIRALE

L’immunité innée

→ Une défense “naturelle”. la notion d’immunité innée repose sur la préexistence d’anticorps avant tout contact avec le virus, lesquels sont produits en quantité importante en présence de l’agent infectieux.

→ Les acteurs.

• Les cytokines : les interférons alpha et bêta, produits par les cellules infectées et les cellules dendritiques, se fixent aux cellules saines et y induisent un état antiviral. Ces interférons stimulent les cellules NK (pour « natural killers »).

• Les cellules dendritiques : appelées cellules “sentinelles”, elles organisent la mise en place de l’immunité acquise et produisent de l’interféron et d’autres cytokines.

• Les cellules NK ont une activité antivirale directe. Elles lysent les cellules infectées considérées comme anormales, comme elles le font pour les cellules cancéreuses.

• La fièvre est un autre moyen de défense car la plupart des virus ne se multiplient pas ou se multiplient mal à partir de 40°C.

L’immunité acquise

• Spécifique à un antigène : de nombreux virus sont dits “immunogènes” car ils provoquent une réponse immunitaire spécifique de l’organisme. Plusieurs jours ou plusieurs semaines sont nécessaires à l’instauration d’une immunité acquise. Par la suite, une mémoire immunitaire persiste dans l’organisme grâce à la constitution de “cellules à mémoire”, les lymphocytes B mémoire et lymphocytes TCD8+mémoire. Ces lymphocytes mémoire protègent l’organisme contre une nouvelle infection par le même virus en provoquant le redéploiement rapide de l’immunité acquise. Dans ce cas, la maladie infectieuse est dite “immunisante”, c’est le cas de la rougeole, de la rubéole, de l’hépatite a ou de la poliomyélite. « Pour le moment, toutes les infections virales respiratoires provoquent une immunité acquise dont la durée n’est pas toujours très bien établie », précise le Pr Jean-Paul Stahl.

→ De durée variable : la durée d’une immunité acquise dépend du virus en cause :

- le virus de la grippe, par exemple, induit des anticorps capables d’assurer une immunité durant plusieurs années. Cette immunité vaut pour une espèce de virus donnée, c’est pourquoi, en raison des mutations du virus, il est nécessaire d’adapter le vaccin chaque année ;

- plus de 100 rhinovirus différents ont été découverts. Il est donc difficile pour le système immunitaire d’avoir des cellules mémoire pour tous ces virus. « D’où l’abandon des vaccins pour ce virus, les chercheurs se focalisant plutôt sur des traitements antiviraux », remarque Lydia Pouga ;

- les anticorps contre le virus respiratoire syncytial (VRS) déclinent rapidement après l’infection. Ils ne protègent donc pas d’une infection à VRS d’une année sur l’autre.

→ L’immunité acquise définitive est rare pour les virus respiratoires, pour plusieurs raisons :

- la majorité des virus respiratoires sont des virus à ARN, ils ont plus de mutations et sont donc plus aptes à échapper à l’immunité acquise qui ne les reconnaît pas ;

- le virus de la rougeole, « qui n’est pas toujours classé dans les virus respiratoires malgré une transmission respiratoire mais avec une prolifération surtout dans les tissus lymphoïdes, est un des rares à induire une immunité à vie », souligne Lydia Pouga ;

- l’immunité s’altère au cours du temps, c’est l’immunosénescence. D’autre part, « certains virus empêchent le développement d’une mémoire immunitaire comme le VRS », précise la spécialiste.

Les acteurs

→ Les lymphocytes B et TCD8+ :

- les lymphocytes B aboutissent à l’excrétion d’anticorps dans le sang qui annulent ou réduisent le pouvoir infectieux du virus ;

- les lymphocytes T CD8+ causent la dissolution des cellules infectées. Ils sont appelés « cytotoxic T lymphocytes », « CTL » ou lymphocytes t cytotoxiques.

→ Les lymphocytes T CD4+ organisent l’immunité acquise. Ils favorisent l’évolution :

- des lymphocytes B en plasmocytes producteurs d’anticorps ;

- des lymphocytes T CD8+ en CTL qui vont dissoudre les cellules infectées.

5. LES INFECTIONS DES VOIES RESPIRATOIRES

Des infections fréquentes…

les infections virales respiratoires sont les plus fréquentes parmi les infections virales. Leur gravité est très variable. Les cas les plus sévères concernent souvent les personnes âgées et les nourrissons.

Leurs conséquences pathologiques peuvent être dues à :

- l’infection virale elle-même ;

- l’aggravation de maladies cardio-pulmonaires sous-jacentes ;

- une surinfection bactérienne des poumons, des sinus paranasaux ou de l’oreille moyenne.

… classées par syndrome

les infections virales respiratoires sont le plus souvent classées en fonction des symptômes qu’elles induisent. Sachant qu’un virus peut être connu pour des infections fréquentes et peut aussi être à l’origine d’autres syndromes respiratoires, à l’exemple du virus respiratoire syncytial, connu pour entraîner une bronchiolite qui peut aussi être, plus rarement, à l’origine d’une pneumonie ou d’une laryngite (voir tableau ci-contre).

Modes de transmission

→ Transmission aéroportée. les virus respiratoires peuvent être transmis :

- directement de personne à personne par voie aérosol, au moyen de microgouttelettes excrétées par un patient infecté qui éternue, tousse ou postillonne en parlant ;

- directement par contact entre personnes qui se serrent la main ou s’embrassent ;

- indirectement, par manuportage, lorsqu’une personne touche une surface qui a été contaminée par une person ne infectée et porte sa main à son visage à proximité des muqueuses.

→ Par contact rapproché. « La plupart des virus respiratoires sont enveloppés et ne survivent pas longtemps à l’extérieur, rappelle le Dr Lydia Pouga. C’est pourquoi leur mode de transmission est considéré comme se faisant principalement par contact rapproché. Toutefois, des études récentes sur les coronavirus montrent qu’ils pourraient survivre plus longtemps sur des surfaces inertes. » Sachant que ces délais sont observés dans des conditions expérimentales avec des températures et des taux d’humidité contrôlés. Avec la pandémie de Covid-19, « le fait d’avoir retrouvé du Sars-CoV-2 dans les selles a fait émettre des doutes quant à une possible contamination par voie fécale-orale. Cependant, la méthode de diagnostic utilisée, par PCR (2), ne permet pas de dire s’il s’agit de virus “mort” ou infectant », précise le médecin virologue.

6. DIAGNOSTIC CLINIQUE

Selon le contexte

Le diagnostic des infections respiratoires virales repose le plus souvent sur l’observation des symptômes mis en lien avec l’épidémiologie locale, à l’instar du syndrome grippal pendant une épidémie de grippe. L’identification précise du virus pathogène est rarement nécessaire. En période d’épidémie, les symptomatologies caractéristiques suffisent à engager un traitement.

Symptomatologies fréquentes

→ Bronchiolite : détresse respiratoire, wheezing (bruit relativement aigu à type de sifflement) et crépitements chez le nourrisson de moins de 2 ans.

→ Rhume banal : symptômes de type rhinorrhée, toux et angine, généralement sans fièvre.

→ Laryngite striduleuse : toux grasse et rauque, et stridor inspiratoire (bruit aigu). Elle touche surtout les enfants jusqu’à 6 ans, elle est le plus souvent asymptomatique ou modérée chez l’adulte immunocompétent.

→ Grippe : apparition brutale de fièvre, douleurs musculaires, céphalées, et signes respiratoires de type toux sèche, gorge irritée ou rhinite.

→ Pneumonie : généralement toux, expectorations, essoufflement, fièvre et frissons.

7. DIAGNOSTIC VIROLOGIQUE

Indications

Un diagnostic virologique exact est généralement utilisé :

- lorsque l’identification d’un agent pathogène spécifique conditionne la prise en charge clinique ;

- lors d’une surveillance épidémiologique pour identifier l’origine d’une épidémie, voire pour la contenir ;

-dans les rares cas où un traitement antiviral peut être envisagé.

Direct ou indirect

le diagnostic des maladies infectieuses en laboratoire peut se faire :

- directement par la détection de l’agent pathogène lui-même ou de l’une de ses structures moléculaires, les protéines ou les acides nucléiques (ADN ou ARN) ;

- indirectement en mesurant la réponse immunitaire humorale par les anticorps spécifiques ou la réponse cellulaire marquée par une stimulation lymphocytaire (lire p.46).

1- Une classification universelle des virus a été établie sous l’impulsion de l’International Committee on Taxonomy of viruses (ICTV).

2- La PCR, « polymerase chain reaction », diagnostic virologique moléculaire de référence pour la détection d’agents pathogènes difficilement cultivables comme les virus.

CORONAVIRUS

Les espèces identifiées pathogènes pour l’homme

Parmi l’immense famille des coronavirus, sept espèces peuvent infecter l’homme. Ils entraînent le plus souvent des symptômes bénins de type rhume, ils ont aussi été à l’origine de trois épidémies mortelles au cours de ce siècle. Le Sars-CoV-2 est le 7e coronavirus identifié comme pathogène pour l’homme, après :

→ Les HCoV, pour « coronavirus humains », virus saisonniers qui provoquent des rhumes et des syndromes grippaux bénins et ne sont habituellement pas diagnostiqués. Exemples : HCoV 229E et HCoV OC43, qui sont connus depuis les années 1960.

→ Le Sras-CoV, originaire du Sud-Est de la Chine fin 2002 puis répandu au niveau mondial en 2003, avec 8000 cas recensés, dont près de 20 % chez des soignants, et près de 800 décès. L’épidémie a pu être endiguée par des mesures d’isolement et de quarantaine. L’agent causal, un coronavirus inconnu jusqu’alors, a été rapidement identifié.

→ Le Mers-CoV ou Middle East respiratory syndrome, à l’origine du « syndrome respiratoire du Moyen-Orient », apparu en 2012 en Arabie saoudite. Depuis, le Mers-CoV est responsable de 1219 cas diagnostiqués et 449 décès dans 26 pays. À l’heure actuelle, aucun traitement spécifique ou vaccin n’est disponible contre ce virus. L’enjeu est de contenir l’épidémie, puis de poursuivre les efforts de recherche pour mettre au point un vaccin et un traitement (1).

→ Le Sars-CoV-2 est apparu en décembre 2019 dans la ville de Wuhan en Chine. Le 9 janvier 2020, les autorités sanitaires chinoises et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont annoncé la découverte d’un nouveau coronavirus. Fin février, l’épidémie a évolué au niveau mondial, dans des pays où apparaît une diffusion communautaire, sans lien identifié avec des cas importés de Chine. Le 10 mars, tous les pays de l’Union européenne sont touchés. Le 11 mars, l’OMS qualifie l’infection de pandémie, la première déclenchée par un coronavirus (2).

1- « Mers-CoV », institut Pasteur, octobre 2015. À lire sur : bit.ly/2zdVn7i

2- « Maladie Covid-19 (nouveau coronavirus) », institut Pasteur, mars 2020. À lire sur : bit.ly/2SWuuFF

TÉMOIGNAGE

« Le monde des virus reste à découvrir »

JEAN-PAUL STAHL SPÉCIALISTE DES MALADIES INFECTIEUSES ET TROPICALES AU CHU DE GRENOBLE

« Le domaine de la virologie est moins connu que celui de la bactériologie parce que le monde des virus est beaucoup plus difficile à étudier et parce que les chercheurs ne disposaient pas des outils pour le faire. Récemment, la virologie a connu une avancée extraordinaire avec la génomique (1). Avant cela, seules la culture cellulaire et la sérologie étaient disponibles. L’analyse des génomes a permis de faire des diagnostics, et notamment des diagnostics très précoces, qui n’étaient pas possibles auparavant. La virologie est en cours d’investigation grâce à de nouveaux outils. La connaissance a besoin d’éléments concrets pour progresser. Aujourd’hui, des outils de plus en plus performants permettent de toucher du doigt le monde viral. Ils permettent concrètement de diagnostiquer un virus, de l’étudier et d’en faire la généalogie grâce à l’information génétique. Ce qui n’existait pas il y a seulement une quinzaine d’années… »

1- La génomique est la branche de la génétique qui étudie les génomes, leur structure, leur organisation et leur fonctionnement.

ÉTUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’unités d’enseignement et extraits :

→ UE 2.5.S3 : « Processus inflammatoires et infectieux » : pathologies infectieuses chez l’homme, infections émergentes, ré-émergentes, moyens et modes de détection d’un agent infectieux chez l’hôte (examens biologiques, prélèvements, signes cliniques de l’infection), prévention des infections… (compétence 4) ;

→ UE 2.10.S1 : « Infectiologie, hygiène » : les agents infectieux (bactéries, virus, etc.), et leurs mécanismes d’action, les règles d’hygiène, moyens de lutte contre l’infection (compétence 3) ;

→ UE 4.5.S2 : « Soins infirmiers et gestion des risques » : principaux risques dans le domaine de la santé des personnes et des populations, notions de danger et de risque dans les situations de soins, mesures adaptées à mettre en œuvre en situation de risque infectieux (compétence 7) et 4.5.S4.

CAS CLINIQUE

QUAND LA GRIPPE SE COMPLIQUE…

L’état de santé de M.G. se dégrade rapidement après l’apparition des premiers symptômes grippaux. Hospitalisé en urgence, le patient âgé de 65 ans va passer trois semaines en service de réanimation avant d’être orienté vers un centre de rééducation.

CAS CLINIQUE

→ M.G., 65 ans, retraité, vit à son domicile avec sa femme. Il est diabétique non insulino-dépendant et hypertendu traité. M.G. pèse 70 kg pour 1,79 m : IMC = 21,8 (corpulence moyenne/normale).

→ Le 2 janvier 2010, M.G. ressent une forte fatigue avec fièvre à 40°C, courbatures, céphalée et douleurs à la gorge.

→ Il consulte dans la journée son médecin traitant qui diagnostique une grippe saisonnière dans le contexte épidémique du moment. Le médecin lui prescrit du paracétamol et du repos.

→ Les jours suivants, l’état de M.G. se dégrade brutalement. M.G. a toujours de la fièvre malgré le traitement antipyrétique mais surtout, il souffre d’une douleur thoracique diffuse et d’une forte gêne respiratoire qui l’amène à consulter dans le service des urgences de l’hôpital de sa commune.

PRISE EN CHARGE

Arrivée aux urgences

→ Premières constantes : Pa à 15/9, pouls à 115 et SpO2 à 92 % air ambiant, sans signe de lutte respiratoire. Glycémie capillaire à 2,80g/dl.

→ Les bilans sanguins rapportent une déshydratation et une neutropénie.

→ Un prélèvement nasopharyngé est effectué et le test par une méthode PCR(1) confirme le diagnostic d’infection grippale H1N1(2).

→ Oxygénothérapie débutée à 3l/minute en lunettes à oxygène.

→ La radio pulmonaire est normale, sans signe de foyer pulmonaire franc. M.G est hospitalisé aux urgences pour surveillance.

Hospitalisation aux urgences

→ L’état de M.G. se dégrade, dans la nuit du 6 au 7 janvier. Des signes de décompensation respiratoire apparaissent malgré la majoration de l’apport en oxygène à 10 l/min par masque à haute concentration. Les gaz du sang montrent une PaO2 à 75 mmHg, un pH à 7,28 et une PaCo2 à 60 mmhg (valeurs d’une insuffisance respiratoire aiguë).

→ Le patient est intubé, placé sous assistance ventilatoire et transféré dans l’unité de réanimation polyvalente de l’établissement.

En service de réanimation

Installation de M. G. et pose d’un cathéter artériel radial, un cathéter veineux central inséré dans la veine sous-clavière, une sonde gastrique, un système clos pour les aspirations trachéales et une sonde urinaire. Les procédures de protection et d’isolement respiratoire sont renforcées : utilisation de masque pour toute exposition aux liquides biologiques, surblouse et tablier pour les soins d’hygiène et les procédures d’examens cliniques.

→ Prescriptions d’entrée :

500 cc sérum salé 0,09 % + Phocytan 2g par jour + 2g CaCl2 ; Midazolam 15mg/h (benzodiazépine, hypnotique sédatif) ; sufentanil (opioïde permettant une analgésie profonde) 20 µg/h ; paracétamol 1g IVL x quatre par jour.

Alimentation entérale : 500ml/2kcal.

Protocole insuline IV.

Matelas à air à pression alternée pour prévention et traitement des escarres. Surveillance continue avec relevé des constantes toutes les quatre heures.

Bilan entrée/sortie. Oxygène à 60l/min par ventilateur avec Fi02 à 0,6 (3) et PEEP à 10 (4).

→ Soins paramédicaux :

nursing deux fois par jour ;

- prévention cutanée par effleurage trois fois par vingt-quatre heures ;

- soins des yeux et de bouche ;

- kiné pour mobilisation passive.

• J+1 :

Fièvre à 38,2°C, marbrures cutanées, cyanose des extrémités.

Noradrénaline à 0,2µg/kg/minute pour dégradation de l’hémodynamique ; curarisation par Cisatracurium 0,18mg/kg/h pour améliorer la qualité de la ventilation (5).

Augmentation de la FiO2 à 0,7 et PEEP à 15 avec pour objectif une SpO2 > 94 %.

Réfection des pansements des cathéters.

• J+2 :

Un scanner thoracique montre un œdème pulmonaire lésionnel. Majoration de la noradrénaline pour le maintien d’une pression artérielle moyenne > 80 mmhg (6).

Échographie cardiaque : fonction cardiaque conservée, pas d’insuffisance cardiaque, pas de péricardite. Bilan ionique : légère insuffisance rénale.

• J+4 et 5 :

Au regard de l’absence d’amélioration des constantes ventilatoires : séances de douze heures en procubitus (décubitus ventral).

Résultat PCR : présence du virus de la grippe H1N1.

Gaz du sang : amélioration de PaO2, alcalose respiratoire modérée.

• J+8 :

Les aspirations trachéales deviennent sales, signe d’une surinfection bactérienne.

Prélèvements bronchiques et mise en place d’une antibiothérapie à spectre large :

Pipéracilline/Tazobactam 4g/500mg quatre fois par jour.

Surinfection bactérienne confirmée : présence de klebsiella pneumoniae sensible à l’antibiothérapie débutée.

• J+12 :

Amélioration des constantes respiratoires avec diminution progressive des besoins en oxygène.

Diminution de la Fi02 à 0,4 et diminution de la Peep à 8. M.G. n’a plus de fièvre.

Les sécrétions trachéales sont propres et peu abondantes.

Prescription Furosémide 120mg/24h.

• J+15 :

Baisse des sédations avec essais de ventilation spontanée.

• J+18 :

Extubation de M. G. avec mise en place de séance de ventilation non invasive et kiné respiratoire. Scanner de contrôle : séquelles fibreuses pulmonaires.

• J+21 :

Sortie de réanimation vers un service de médecine.

Le 9 février, M. G. entre en centre de rééducation.

T.P.

1- La PCR, « polymerase chain reaction », diagnostic virologique moléculaire de référence pour la détection d’agents pathogènes difficilement cultivables comme les virus.

2- La pandémie de grippe A (H1N1) a duré de 2009 à 2010.

3- Fi02 à 0,6 = 60 % d’o2 dans le mélange inspiré par le patient (21 % dans l’air ambiant).

4- La pression expiratoire positive, PEP ou PEEP, est la pression résiduelle maintenue dans les voies aériennes pendant l’expiration. Permet de prévenir un collapsus alvéolaire en fin d’expiration.

5- Curare, myorelaxant à action périphérique, qui peut être utilisé comme adjuvant de la sédation pour relâcher les muscles striés, faciliter l’intubation trachéale et la ventilation assistée.

6- Pression théorique qui assurerait un débit de sang dans l’organisme identique tout au long des cycles cardiaques.