SOIGNANTS CONTAMINÉS : L’HEURE DES COMPTES A SONNÉ

L’Ordre national des infirmiers réclame un recensement du nombre d’IDE contaminées par le Covid-19 et décédées. Le Conseil international des infirmières (CII) appelle les autorités « à enregistrer sans plus tarder, et de manière exacte, le nombre d’infections et de décès parmi les personnels de santé » car « la scandaleuse incapacité des gouvernements à enregistrer les taux d’infection et les décès aggrave les risques pour le personnel et minimise l’ampleur réelle du problème ».

Quels points communs lors de la contamination ?

À défaut de chiffres officiels, des études commencent à surgir. Santé publique France a lancé un recensement national des cas Covid-19 chez les professionnels en établissement de santé, soignants, personnels administratifs et d’entretien. Cette enquête est menée en partenariat avec le Groupe d’étude sur le risque d’exposition des soignants aux agents infectieux (Geres).

Ce groupe mène d’ailleurs une autre enquête, en parallèle, avec le soutien de la Haute Autorité de santé (HAS), sur les circonstances des contaminations professionnelles des personnels de santé par le Covid-19. Lancée le 21 mars pour une durée d’un an, elle cible tous les professionnels de santé, libéraux comme salariés de tous types d’établissements sanitaires et médico-sociaux. « Pour remplir le questionnaire, il faut avoir été testé positif au Covid-19 ou avoir été diagnostiqué par un médecin car nous cherchons à connaître le contexte dans les deux semaines qui ont précédé la contamination », fait savoir Cyril Olivier, mis à disposition du Geres par la HAS pour la réalisation de l’enquête.

Le questionnaire interroge sur les conditions d’exercice du soignant, s’intéresse aux tâches réalisées et aux équipements de protection à sa disposition. « Notre finalité est de chercher des points communs entre les personnes contaminées qui nous permettront, sur la base d’éléments factuels, de faire des recommandations », précise-t-il.

Dénoncer les manquements du gouvernement

D’autres enquêtes, menées depuis le début de la crise, révèlent des conclusions édifiantes. La fédération CGT de la santé et de l’action sociale en a mené deux ⁽¹⁾, liées à la gestion de la crise dans les établissements publics et privés, sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

Les derniers chiffres font état, au 27 avril, de 11 844 soignants atteints par le Covid-19. Parmi les répondants, 63 % ont fait savoir qu’ils manquaient de matériel et 54,5 % n’avaient pas accès au test de dépistage. « Les soignants sont onze fois plus touchés par le Covid-19 que la population générale, rapporte Mireille Stivala, secrétaire générale. Concernant les décès des soignants, nous pensons qu’ils sont sous-évalués. Les chiffres sont vraiment difficiles à obtenir… »

D’après des informations du CII, au moins 90 000 personnels de santé auraient été infectés et plus de 260 infirmières seraient décédées à la suite d’une contamination au Covid-19. Dès le début de la crise, la fédération CGT de la santé et de l’action sociale a demandé au ministère de la Santé de communiquer sur les chiffres, « mais nous n’avons obtenu aucune réponse, indique Mireille Stivala. Face à cette omerta et par souci de transparence, nous avons décidé de passer nous-mêmes à l’action. Notre objectif, avec nos enquêtes, est d’obtenir des informations sur la circulation du virus et sur le manque de matériels dans les établissements afin d’établir un lien, car il est inacceptable que les professionnels de santé soient mal protégés pendant l’exercice de leur mission. » Le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI) a lui aussi mené plusieurs enquêtes pendant la crise. « Nous avons prévu d’en réaliser une troisième en lien avec le déconfinement, signale Thierry Amouroux, porte-parole. Elle va porter sur la contamination des soignants. » Le SNPI envisage une procédure collective de plainte à l’égard des ministres et des hauts fonctionnaires, car « les nombreuses fautes commises sont à l’origine de milliers de morts qui auraient pu être évitées », dénonce le porte-parole. Ses enquêtes vont servir d’appui aux plaintes mais aussi à formuler des revendications pour une meilleure gestion de crise à l’avenir.