L'infirmière Magazine n° 417 du 01/07/2020

 

FORMATION

PRISE EN CHARGE

THIERRY PENNABLE  

L’amélioration de la qualité de vie des patients n’est possible qu’avec un arrêt ou une réduction de la consommation. Si le traitement en ambulatoire est préconisé en première intention, une hospitalisation est parfois préférable.

1. OBJECTIFS THÉRAPEUTIQUES

Agir sur la consommation

Le traitement d’un mésusage de l’alcool vise d’abord l’amélioration de la qualité de vie des patients, qui n’est possible qu’avec un arrêt ou une réduction de la consommation. Le traitement porte généralement en premier sur le changement de consommation et sa stabilisation(1). Les objectifs sont alors :

– le maintien d’une consommation à moindre risque à long terme, voire de l’abstinence ;

– la gestion des rechutes ;

– la prévention de la dépendance ;

– la prévention des dommages liés au mésusage.

Abstinence ou réduction

L’abstinence est l’objectif de consommation le plus sûr pour la plupart des personnes dépendantes, qui la considèrent parfois comme le seul objectif à atteindre2

(2). Néanmoins :

– une rémission stable, sans abstinence, est possible chez certaines personnes dépendantes ;

– une réduction de la consommation acceptée donne de meilleurs résultats qu’une abstinence imposée ;

– l’objectif de réduire la consommation évite de dissuader les personnes non disposées à l’abstinence de s’engager dans une démarche de soins.

Les objectifs de réduction

Idéalement, la réduction de la consommation d’alcool vise à descendre sous les repères d’un usage à moindre risque. Cependant, toute réduction significative de la consommation doit être perçue comme un bénéfice pour le patient. Il est recommandé(2) :

– d’accepter et de valoriser toute cible de la réduction de la consommation, toujours préférable au renoncement aux soins ;

– d’adapter les cibles de consommation aux ressources susceptibles d’être mises en œuvre.

2. REPÉRER LES CONSOMMATIONS À RISQUE

Avant les dégâts

« La consommation d’alcool, qui est une des premières causes d’hospitalisation, est repérée bien trop tard. Le repérage précoce, avant la survenue de la maladie, est un enjeu primordial », soutient le Pr Naassila. Le repérage des usages excessifs est moins compliqué que celui des consommateurs dépendants :

– les consommations induisent le plus souvent peu ou pas de dommages ;

– il n’y a pas de culpabilité entraînant la dénégation, même si une minimisation ou une banalisation est possible.

L’infirmière doit préciser qu’elle ne parle « pas d’addiction mais d’un repérage de la consommation d’alcool pour en évaluer le risque », suggère le spécialiste.

Mise en œuvre

→ Des obstacles et des inhibitions. Les inhibitions des professionnels de santé sont un obstacle au repérage des mésusages de l’alcool. Des médecins généralistes interrogés sur ces obstacles soulevaient un manque de savoir-faire et de légitimité, de temps, de valorisation des actes préventifs, ou encore la peur de blesser le patient et donc de le perdre(3). Des obstacles que peuvent partager bon nombre de professionnels

→ Les moments opportuns. S’il n’est pas aisé d’aborder la question de la consommation spontanément, le moment de la prise de médicaments peut être l’occasion d’évoquer le sujet par les interactions de l’alcool avec certains médicaments (voir encadré). La lecture d’un bilan, surtout hépatique, peut être l’occasion d’explications sur les conséquences de l’alcool.

→ Questionnaires de repérage.

• Le questionnaire Cage-Deta, acronyme de « diminuer, entourage, trop et alcool », traduction française de Cage (Cut-down, Annoyed, Guilty, Eye-opener) est rapide, simple et validé. Quatre questions :

– Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisées ?

– Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation ?

– Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez trop ?

– Avez-vous déjà eu besoin d’alcool dès le matin ?

Résultats :

– réponse « oui » à une question : risque de conséquences négatives liées à la consommation d’alcool ;

– « oui » à au moins deux questions : consommation excessive et problématique probable, risque de graves problèmes de santé.

• Questionnaire Face. Plusieurs questionnaires sont disponibles. En France, le questionnaire Face a été retenu dans le cadre du « Repérage précoce et intervention brève » (RPIB) en alcoologie (voir ci-dessous). Face, pour « fast alcohol consumption evaluation » ou « repérage des consommations problématiques » en français, comporte cinq questions. Les deux premières portent sur la fréquence et le volume de la consommation, les trois suivantes sur leurs éventuelles répercussions.

3. « REPÉRAGE PRÉCOCE ET INTERVENTION BRÈVE »

Le RPIB consiste en une discussion invitant le patient à évoquer un mésusage. Tous les professionnels de santé de premier recours sont concernés sous condition de formation préalable estime la Haute Autorité de santé (HAS), qui rappelle qu’un repérage par un professionnel de santé ne se conçoit pas sans une intervention(2).

Objectifs thérapeutiques

La notion d’intervention brève en alcoologie s’adresse aux consommateurs à risque non dépendants pour(2) :

– repérer les consommations à risque de dommages physiques, psychiques ou sociaux ;

– intervenir auprès de ces consommateurs pour qu’ils réduisent leurs risques de dommages ;

– accompagner et soutenir leurs efforts vers un changement de comportement durable.

Entretien motivationnel

L’intervention brève s’appuie sur la notion d’« entretien motivationnel ». Elle est fondée sur une écoute réflective et une attitude empathique. Le but est de conforter le patient dans son désir de changement, à renforcer sa motivation :

– en lui apportant des informations et des aides ;

– tout en respectant ses choix et son ambivalence.

Le changement de comportement découle de l’intérêt perçu par le consommateur de modifier sa consommation d’alcool en raison des risques encourus.

Les six étapes du RPIB

– Évaluation de la consommation ;

– information sur le verre d’alcool ;

– échange sur le risque alcool ;

– explications sur les avantages d’une réduction ;

– proposition de méthodes de réduction ;

– proposition d’objectifs et laisser le choix.

4. PRÉVENTION DES RISQUES ET RÉDUCTION DES DOMMAGES

En 1981, face à l’accroissement des hospitalisations liées à l’alcool, le concept de consommation raisonnable, opposée au mésusage, est développé en grande-Bretagne. L’objectif de la « prévention des risques et réduction des dommages » (RDRD) est de permettre au consommateur à risque de mettre en œuvre des stratégies visant à subir le moins de dommages possibles, avec ou sans poursuite d’une consommation à moindre risque. Et de le faire :

– en impliquant l’usager lui-même ;

– en lui donnant des informations adaptées lui permettant d’évaluer ses prises de risque en termes de dommages sanitaires et sociaux pour lui-même (difficultés financières, isolement social, absentéisme professionnel…), pour son entourage (tensions, conflits familiaux…) ou pour la société (troubles de l’ordre public, accident…).

5. MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE

Différents niveaux d’intervention sont proposés selon la sévérité et la complexité de la situation(4).

En médecine de ville

Comme pour les autres pathologies, le médecin généraliste reste le pivot de la prise en charge et la première personne ressource pour le sujet et son entourage. Son rôle dépend beaucoup de sa formation au repérage du mésusage de l’alcool et à l’intervention brève. Il doit aussi pouvoir s’appuyer sur des partenaires trop souvent mal identifiés (assistante sociale, psychologue…). « Les conférences de consensus successives disent toutes que la cure ambulatoire est à privilégier, souligne Philippe Jaury, médecin généraliste, et professeur émérite de médecine générale à la faculté de médecine Paris-Descartes. Même les situations de dépendance peuvent être prises en charge en ville si la qualité de l’entourage le permet. »

L’aide à distance

L’aide à distance est un recours approprié :

– pour les personnes qui n’osent pas parler de leur consommation ;

– lorsqu’il est difficile de trouver de l’aide ;

– parce que certains questionnements ne justifient pas de prendre un rendez-vous. Exemple : Alcool info service répond tous les jours de façon anonyme et confidentielle à toute personne directement ou indirectement concernée par un problème d’alcool (Tél. 0 980 980 930). Il est aussi possible d’obtenir de l’aide sur le site internet : www.alcool-info-service.fr

Les consultations jeunes consommateurs

Les consultations jeunes consommateurs (CJC) accueillent les jeunes consommateurs en questionnement et/ou leur entourage. Le principe est d’agir avant que la consommation ne devienne problématique. Les CJC proposent un accueil gratuit et confidentiel dans la quasi-totalité des départements français. Elles se déroulent au sein des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) ou dans des lieux spécialisés dans l’accueil des jeunes (maisons des adolescents et points accueil écoute jeunes).

L’aide spécialisée

Le recours à des équipes spécialisées dépend des spécificités territoriales.

→ Indications. Une intervention spécialisée est recommandée(1) si :

– une intervention brève n’est pas possible pour le médecin généraliste, pas indiquée ou pas efficace ;

– l’évaluation globale du patient montre des signes d’alcoolisation sévère ou de gravité, des comorbidités somatiques ou psychiatriques, des précarités sociales, ou en cas de poly-consommation.

→ Les Csapa proposent un accompagnement vers l’arrêt ou la consommation modérée d’alcool sous forme d’approche individuelle, collective ou familiale. Ils sont présents dans tous les départements de France et proposent un accompagnement ambulatoire. Le patient peut opter pour une prise en charge hospitalière et être accueilli dans un service partenaire.

→ Les unités hospitalières d’addictologie proposent :

– des consultations externes et des sevrages hospitaliers de courte durée ;

– des séjours de longue durée si elles disposent de lits au traitement des addictions dans un service dédié.

6. LES STRUCTURES DE SOINS RÉSIDENTIELS

Les « traitements résidentiels » sont dispensés dans des structures qui assurent une prise en charge vingtquatre heures sur vingt-quatre, comprenant l’hébergement complet et les soins du patient.

Un outil dans l’offre de soins

L’aide en structure de soins résidentiels repose sur le changement de cadre, parfois l’éloignement, mais surtout sur un programme thérapeutique destiné à renforcer les compétences du patient hébergé. « L’hospitalisation pour des soins résidentiels fait partie des outils disponibles pour la prise en charge de ces troubles. Le but est de trouver avec le patient les meilleurs options dans son cas, rappelle le Dr Jean-Baptiste Trabut, responsable d’un service des addictions à l’hôpital Émile-Roux (94). En pratique, l’hospitalisation a tendance à arriver le plus souvent en traitement de deuxième ou troisième ligne, après avoir essayé une prise en charge en ambulatoire. »

Indications

– Présence ou antécédent de delirium (confusion mentale +/- hallucinations) ou de crises comitiales ;

– consommation associée de substances psychoactives à doses élevées.

D’autres indications sont envisagées au cas par cas, selon les circonstances :

– importance du syndrome de sevrage, échec de sevrages ambulatoires itératifs ;

– comorbidité sévère ou instable, fragilité liée à l’âge ;

– demande pressante de l’entourage, faible soutien social, situation sociale précaire ;

– grossesse.

Objectifs thérapeutiques

→ Le sevrage. « L’hospitalisation est dans tous les cas un sevrage et vise deux objectifs principaux », souligne le Dr Trabut :

– arrêter l’alcool, en espérant un résultat à lon g terme, surtout si le patient recherche l’abstinence ;

– une mise à l’abri des conséquences de l’alcool pour le patient dans une situation trop problématique.

→ Des objectifs adaptés. « Il faut distinguer les objectifs de sevrage et d’abstinence alors que ces deux notions peuvent être confondues par les patients », précise Jean-Baptiste Trabut. Chez les patients hospitalisés en centre ou en service d’addictologie, « l’objectif de sevrage suivi d’une abstinence totale et définitive est le plus fréquent », observe le spécialiste, qui distingue plusieurs objectifs :

– l’objectif de sevrage peut ne pas être associé à un objectif d’abstinence ;

– l’objectif de sevrage peut être associé à un objectif d’abstinence qui ne sera pas forcément définitive ;

– l’objectif de sevrage peut être associé à une tentative de contrôler la consommation d’alcool après l’hospitalisation. La reprise de la consommation pouvant être fixée à distance de l’hospitalisation, six mois ou un an après par exemple.

Durée de l’hospitalisation

Deux niveaux de sevrage sont distingués :

– le sevrage simple, ou sevrage « physique », réalisable dans certains services de médecine et dans tout service d’addictologie avec un suivi médical « standard ». Sa durée est d’une semaine environ ;

– le sevrage complexe, réalisé dans des unités dédiées avec une organisation plus complexe des soins et notamment des ateliers thérapeutiques. Sa durée est d’au moins deux semaines. En pratique, « la question de la durée de l’hospitalisation dépend du souhait du patient et de chaque service ou centre d’addictologie en fonction des programmes thérapeutiques proposés », remarque Jean-Baptiste Trabut.

Hospitalisations répétées

En matière d’addiction à l’alcool, la rechute fait partie de l’histoire naturelle de la maladie. Encore faut-il distinguer la rechute d’un simple dérapage. « Considérer que seul le sevrage total et définitif est un traitement réussi est une représentation dépassée », estime le médecin.

→ Rechute ou dérapage. La rechute correspond à la reprise d’une consommation problématique d’alcool après un sevrage par une personne ayant un problème de dépendance à ce produit. Elle doit être distinguée d’un “dérapage” ou d’un “faux pas”, qui désignent le fait pour cette même personne de consommer une ou plusieurs fois de l’alcool en faible quantité, puis de s’abstenir à nouveau complètement de boire. Sachant qu’un dérapage n’est jamais banal et que toute nouvelle consommation, même minime, est un véritable danger qui peut déboucher sur une rechute conséquente(5). Pour certains, « la reprise d’une consommation contrôlée d’alcool ne doit pas être forcément considérée comme une rechute », ajoute Jean-Baptiste Trabut.

→ Une expérience et pas un échec. Deux hospitalisations peuvent se succéder si le patient a repris une consommation problématique immédiatement après le sevrage. Elles peuvent aussi être distantes, séparées par cinq ou dix ans d’abstinence par exemple. Dans ce dernier cas, le fait d’« avoir une vie de bien meilleure qualité pendant quelques mois ou années d’abstinence doit être perçu comme un bénéfice du sevrage », insiste le Dr Trabut. En cela, la rechute ne peut être considérée comme un échec de l’hospitalisation, mais plutôt comme une expérience dans le parcours de soin. Une rechute apporte de nouvelles informations au patient quant à sa relation problématique avec l’alcool. Les soignants doivent pour leur part « analyser ce qui n’a pas marché » dans ce cas. Il est par exemple possible d’essayer une hospitalisation plus longue avec une autre équipe dans un autre centre. À l’inverse, « si la reprise d’alcool est consécutive à un événement de vie, une hospitalisation courte pour un sevrage court peut être mieux indiquée », suggère le spécialiste.

Apport d’un traitement pharmacologique

Une aide pharmacologique peut être proposée à tout patient en difficulté avec sa consommation (lire aussi p. 48). Le choix du médicament est alors fait avec lui, en fonction des effets attendus. Par exemple, la naltrexone sera retenue pour une aide au maintien de l’abstinence et afin d’éviter les rechutes. Le baclofène, pour sa part, sera préféré dans l’objectif de rendre le patient indifférent à l’alcool.

Ces médicaments peuvent être choisis par élimination, jusqu’à trouver celui qui sera le mieux supporté et le plus efficace pour le patient en question. « À l’exception du disulfirame [Espéral], toujours prescrit à la demande du patient dans la prévention des rechutes, qui provoque un effet antabuse potentiellement grave en cas de prise d’alcool », précise le Pr Philippe Jaury.

1- « Mésusage de l’alcool, dépistage, diagnostic et traitement », Alcoologie et addictologie, vol. 37, n° 1, mars 2015. À lire sur : bit.ly/2zNpA7x

2- « Outil d’aide au repérage précoce et intervention brève : alcool, cannabis, tabac chez l’adulte », HAS, novembre 2014. À lire sur : bit.ly/2xvneTQ

3- « Intervention brève auprès des buveurs excessifs », La revue du praticien – médecine générale, mars 2003.

4- Trouver les structures de proximité sur : alcool-info-service.fr

5- « La rechute – qu’est-ce que c’est ? », association Stop Chut, 2013. À lire sur : bit.ly/304m5zy

VIGILANCE

Les interactions entre alcool et médicaments

→ L’éthanol peut interagir avec un médicament :

– en retardant la dégradation du médicament et en allongeant son action dans l’organisme et ses effets secondaires ;

– en accélérant la digestion des molécules et en rendant le traitement beaucoup moins efficace.

→ Plusieurs formes d’interactions pharmacodynamiques :

– interaction additive si les effets des deux produits s’ajoutent sans potentialisation ;

– synergie s’il y a potentialisation ;

– antagonisme si l’effet résultant est inférieur à la somme des effets séparés.

→ Plusieurs classes de médicaments :

– le risque de potentialisation de l’effet sédatif doit être surveillé avec les médicaments exerçant un effet dépresseur du système nerveux central, recherché ou indésirable ;

– d’autres classes de médicaments. Exemples : aspirine et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour un risque accru d’hémorragie gastro-intestinale, les hypoglycémiants oraux pour un risque accru d’hypoglycémie et d’acidose lactique.

TÉMOIGNAGE

« La notion de réduction des risques fait son chemin en France »

PHILIPPE JAURY MÉDECIN GÉNÉRALISTE, PROFESSEUR ÉMÉRITE DE MÉDECINE GÉNÉRALE À LA FACULTÉ DE MÉDECINE PARIS-DESCARTES

Quelle est la présentation d’un mésusage de l’alcool aujourd’hui ?

La représentation de l’alcool reste liée à la personne dépendante, qui tremble le matin et ne peut arrêter de consommer plus d’une journée. Le traitement de la consommation d’alcool est encore associé à la cure de désintoxication, alors que l’idée qu’une hospitalisation de deux ou trois semaines va régler le problème est une erreur. Nous souhaitons faire changer ces représentations, par exemple avec l’opération « Janvier sans alcool », qui permet aux consommateurs de vérifier leur capacité à arrêter, ou encore avec la notion de « réduction des risques et de limitation des dégâts ».

Quelle est la place de la réduction des risques dans l’offre de soins ?

Tout le monde n’est pas d’accord. Il y a quelques années, une enquête de la Société française d’alcoologie montrait que 60 % des alcoologues ne sortaient pas du dogme de l’abstinence. Des spécialistes peuvent encore se contenter de répondre « buvez moins » à quelqu’un qui dit par exemple « boire beaucoup, deux à trois fois par semaine », sans entendre que la personne ne peut pas ne pas boire, elle n’y arrive pas. La réduction des risques, ou RDR, est une notion qui fait son chemin en France.

TÉMOIGNAGE

« Accompagner le patient dans son choix »

JEAN-BAPTISTE TRABUT MÉDECIN, RESPONSABLE D’UN SERVICE DES ADDICTIONS À L’HÔPITAL ÉMILE-ROUX (94)

« Le patient n’est pas toujours au clair avec ses objectifs, il peut aussi être hésitant. Notre rôle est alors de travailler avec lui pour clarifier les objectifs. En revanche, lorsque le patient a arrêté un objectif, nous sommes obligés de nous y conformer. Si un patient veut atteindre une consommation contrôlée, même si nous ne sommes pas persuadés que c’est la meilleure option et qu’un objectif d’abstinence totale et définitive serait mieux indiqué, il vaut mieux accompagner le patient dans son choix. Avec parfois la bonne surprise de le voir atteindre l’objectif qu’il s’était lui-même fixé. Dans le cas où il n’y parvient pas, le patient peut alors se rendre compte que son objectif n’était pas réaliste et nous pouvons l’accompagner pour fixer un autre objectif, l’abstinence par exemple. Dans tous les cas, il faut travailler sur un objectif choisi ou clairement accepté par le patient. »

TÉMOIGNAGE

« L’IDE est le premier interlocuteur du patient »

CHRISTOPHER DANGLADE INFIRMIER EN SERVICE DES ADDICTIONS À L’HÔPITAL ÉMILE-ROUX (94)

« Dès l’entrée du patient, l’entretien infirmier est axé sur la consommation et le ou les produit (s) en cause. Les patients ont souvent tendance à minimiser leur consommation dans un premier temps. Il est parfois utile de rappeler que le soignant n’est pas dans le jugement du comportement. Les patients très alcoolisés parlent généralement facilement de leur consommation mais c’est alors la fiabilité des informations qui est en cause.

Il vaut mieux reporter l’entretien dans certains cas. Dans la suite de l’hospitalisation, l’IDE a aussi un rôle d’intermédiaire entre le patient et l’équipe pluridisciplinaire. Il est le premier interlocuteur du patient. Il a un rôle important dans l’alliance thérapeutique indispensable à la prise en charge. Les relations patient-médecin et patient-IDE sont très complémentaires. L’infirmier se voit souvent adresser les questions que le patient n’ose pas poser au médecin. »

ÉTUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’unités d’enseignement et extraits :

→ UE 1.2.S3 : « Santé publique et économie de la santé » : les grands problèmes de santé publique (Compétence 5) ;

→ UE 2.3.S2 : « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie » : les concepts en santé, bien-être, qualité de vie, maladie, etc. ; les notions de risque, danger, violence, et leurs rapports avec la santé (Compétence 1) ;

→ UE 2.6.S5 : « Processus psychopathologiques » (Compétence 4) ;

→ UE 4.2.S2 : « Soins relationnels » : les concepts (relation, négociation, communication, médiation) et UE4.2.S3 : la relation d’aide, les entretiens infirmiers (typologie, conduite d’entretien, analyse des interactions), l’alliance thérapeutique (attentes, besoins, désirs, demande de soin…), les réactions comportementales et leurs manifestations (Compétence 6) ;

→ UE 4.2.S5 : « Soins relationnels 7 » : caractériser les concepts, prévention, promotion de la santé, éducation en santé, ETP. (Compétence 4).

EN PRATIQUE

LES CONSEILS AUX PATIENTS

Pour diminuer la consommation d’alcool

• Prenez votre premier verre seulement après le début du repas ;

• étanchez votre soif avec des boissons non alcoolisées avant de boire de l’alcool ;

• prenez une boisson non alcoolisée avant chaque verre d’alcool ;

• privilégiez les bières faiblement alcoolisées ;

• buvez à petites gorgées, en mangeant et en alternant avec de l’eau ;

• planifiez des tâches aux heures où vous consommez habituellement de l’alcool ;

• si vous êtes stressé (e) ou agacé (e), essayez l’activité physique au lieu de prendre un verre ;

• cherchez de nouveaux centres d’intérêt ;

• évitez de passer au bar après le travail ;

• évitez de passer trop de temps avec vos amis quand ils boivent beaucoup d’alcool ;

• si l’on vous incite à boire, dites que “vous levez le pied” pour des raisons médicales ;

• réduisez la quantité totale d’alcool bue à chaque occasion ;

• rappelez-vous qu’aucun remède ne permet de redevenir plus vite sobre en accélérant la décomposition de l’alcool. Boire plus de café, prendre une douche froide ou aller prendre l’air frais ne donne qu’une impression d’être plus sobre sans changer l’alcoolémie.

Pour connaître les risques encourus

• Faites-vous une idée sur les risques encourus pour votre santé en fonction de votre consommation d’alcool, même si celle-ci vous semble modérée. Le site Alcool-infoservice.fr propose un test à réaliser soi-même.

Pour se faire aider

• Conseillez à la personne qui s’interroge sur sa consommation d’alcool d’en parler avec son médecin si cette consommation est au-dessus des repères de consommation à moindre risque ;

• conseillez à la personne anxieuse d’une consommation qu’elle juge excessive de contacter le Centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) à proximité, en rappelant que ces structures ne sont pas réservées aux dépendances sévères ;

• conseillez à la personne qui ne pense pas avoir besoin d’une consultation de se renseigner par téléphone auprès d’Alcool info service, au 0 980 980 930, de 8 h à 2 h, sept jours sur sept. L’appel est anonyme et non surtaxé.