Le boom des téléconsultations durant l’épidémie de Covid-19 a mis en lumière les plateformes d’assistance où exercent des infirmières, le plus souvent à temps partiel. Les qualités requises ? Autonomie, polyvalence et réactivité.
C’est dans les années 1960 qu’ont été créées les sociétés d’assistance(1). Mises en place pour prendre en charge des personnes malades ou blessées loin de leur domicile, elles ont pour objectif d’évaluer la situation de l’assuré et d’éventuellement mettre en place un rapatriement au domicile ou en établissement hospitalier. Pour cela, ces plateformes téléphoniques, majoritairement situées dans la petite couronne parisienne, font appel aux compétences de personnels médicaux aguerris à l’urgence ou à la réanimation. Aux côtés de médecins régulateurs, les infirmières sont très présentes et exercent les trois types de missions constitutives de l’assistance aux personnes : la régulation, la logistique et le rapatriement.
Depuis quelques années, ces plateformes d’assistance proposent également la télé-consultation aux titulaires d’un contrat d’assurance santé. Comme pour la régulation, les IDE interviennent dans le processus, à la différence de ce qui se passe pour les consultations à distance des médecins de ville.
Sur une plateforme d’assistance, les missions sont donc multiples. L’infirmière de régulation répond aux appels téléphoniques des assurés en détresse, afin de recueillir les informations médicales nécessaires à leur prise en charge et à leur éventuel rapatriement. Sous la responsabilité du médecin régulateur, elle réalise un bilan d’autonomie du patient, déterminant pour décider du rapatriement. C’est l’infirmière qui estimera si le malade peut se déplacer en fauteuil ou s’il faut une civière, par exemple. « Les patients se confient davantage à l’IDE qu’au médecin », observe Nicolas Dhal, infirmier responsable du matériel médical et régulateur chez Europ Assistance. Ainsi, le rapatriement a priori délicat d’une dame de 105 ans, partie seule en Autriche où elle s’est cassé la cheville, s’est fait sans difficulté, car l’IDE à la régulation a su l’interroger et comprendre qu’elle pouvait encore se déplacer seule.
« Chaque rapatriement est un cas très particulier, poursuit Nicolas Dahl. J’aime le fait qu’il faille toujours réfléchir pour trouver des solutions. » Parfois, le vol d’urgence n’est pas la meilleure option. Par exemple pour un patient dans un état grave en Thaïlande, où les établissements sont de qualité, c’est mieux de continuer à être soigné sur place plutôt que de prendre le risque d’un vol d’une douzaine d’heures… L’infirmière peut aussi prendre en charge des appels quotidiens pour un suivi. Tout comme elle doit prendre en compte une autre variable : l’entourage, car conjoints, enfants et animaux de compagnie sont également à rapatrier !
L’infirmière organise en outre la réhospitalisation des patients en provenance de l’étranger, si leur situation n’exige pas une évaluation du ressort d’un médecin. « Dans l’assistance rapatriement, les IDE sont en première ligne : elles aident à trouver des lits dans les hôpitaux et ce sont elles qui ont le contact avec le patient, pour lui expliquer comment s’effectuera le rapatriement », explique le Dr Daniel Boulanger, directeur médical chez Europ Assistance. « C’est intéressant de pouvoir se dire que des sociétés font appel à nous, infirmières, parce que c’est nous qui avons la meilleure capacité à juger de l’autonomie du patient. On a une place dans la prise en charge du patient qui est différente de celle que l’on peut avoir à l’hôpital, précise Évodie Sarasin, infirmière coordinatrice chez Allianz Partners France. À l’hôpital, les actes techniques et la coordination des soins constituent une grande partie de notre activité. Dans l’assistance, on fait appel à notre expertise d’infirmière. » « À la régulation, nous évaluons la situation des personnes qui appellent, mais un médecin revalide toujours nos décisions », précise Nicolas Dhal.
Comme pour tout rapatriement médical, du matériel est nécessaire et les infirmières sont aussi affectées à la logistique. Leur rôle est alors de préparer, contrôler, entretenir et nettoyer les malles et le matériel emportés en mission de rapatriement individuel ou pour une intervention dans le cadre d’un plan catastrophe (tremblement de terre, tsunami…).
Les IDE partent aussi en mission de rapatriement sanitaire. Dans ce cadre, plus de relation à distance ou de maintenance de matériel : l’IDE va dispenser tout type de soins infirmiers (anticoagulant, antalgique, perfusions, pansement, nursing…) au cours du transport. Il faut donc avoir de la pratique, mais aussi du sang-froid et de l’initiative pour faire face aux péripéties matérielles et administratives, qui n’ont pas toutes été prévues lors de l’organisation du rapatriement depuis la plateforme. En fonction de la gravité du cas, l’IDE peut être seule avec le patient, qui lui est souvent avec sa famille. « En rapatriement, il y a de longs moments avec le patient, souvent inquiet et vulnérable. On redécouvre ses inquiétudes et son anxiété par rapport à des gestes qui nous semblent anodins, une pose de perfusion, de sonde urinaire… Nous, ce sont des soins qu’on fait quinze fois par jour », raconte Évodie Sarasin. L’exercice du rapatriement l’a d’ailleurs amenée à réfléchir sur sa pratique en service d’urgence à l’hôpital. « Dans l’assistance, on est dans la prise en charge globale du patient. Souvent, il faut aussi faire avec les inquiétudes du conjoint. Aux urgences, dans le soin pur, on oublie parfois un peu le reste », explique-t-elle.
À côté des missions du service d’assistance rapatriement, les plateformes ont mis en place depuis plusieurs années des services de téléconsultation, où les IDE ont leur place. Concrètement, comme pour la régulation médicale, il s’agit de prendre les appels téléphoniques et de recueillir des informations, pour juger si une téléconsultation est justifiée ou si un simple conseil suffit. Lors du confinement, faute de voyages et de déplacements, l’activité d’assistance des personnes blessées ou malades loin de leur domicile s’est très fortement contractée. IDE et médecins se sont alors focalisés sur la prise en charge des assurés qui voulaient bénéficier d’une consultation sans se déplacer. « Pendant la Covid et avec le boom de la téléconsultation, le rôle des infirmières a été prépondérant, pour leur capacité à identifier, parmi les très nombreux appels, ceux qui nécessitaient vraiment une consultation et ceux qui avaient seulement besoin d’être rassurés et conseillés », souligne Daniel Boulanger.
Dans la plupart des sociétés d’assistance, les IDE peuvent être affectées à toutes ces missions, sous forme de vacations de régulation, de maintenance du matériel médical et, depuis quelques années, de téléconsultation. Il s’agit en grande majorité de CDI à temps partiel, pour une dizaine de vacations par mois. En effet, la règle générale fixée au personnel médical dans l’assistance est de maintenir une activité en service d’urgence ou réanimation. Le service est assuré vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, et suppose des vacations en conséquence. Les plannings sont fixés plusieurs mois à l’avance, chacun ayant aussi une activité hospitalière. Le niveau de salaire est du même ordre qu’à l’hôpital, mais s’ajoutent les avantages sociaux d’une grande entreprise (comité d’entreprise, complémentaire santé…). Par ailleurs, les missions de rapatriement – une dizaine par an – sont rémunérées en vacations supplémentaires. La voie d’entrée est souvent la même : lors des pics d’activité, des CDD sont proposés pour renforcer les effectifs. Il faut souvent faire plusieurs CDD, sorte de période d’essai avant le CDI. En plus de l’expérience professionnelle dans un service de soins intensifs et/ou d’urgences, la maîtrise de l’anglais, ou d’une autre langue étrangère, est un plus. Le DU « Transports aériens et rapatriements sanitaires » est apprécié, mais pas incontournable (voir encadré). Pour travailler dans l’assistance, « il faut avoir l’esprit vif, et au-delà des capacités professionnelles, être autonome et malin », rapporte Nicolas Dhal. Enfin, il faut garder en tête que les sociétés d’assistance sont des entreprises dont la stratégie peut varier rapidement : ces derniers mois, la restriction des déplacements a limité l’assistance et les rapatriements alors que la téléconsultation a explosé. Chacun s’est adapté, y compris les IDE.
1- Notamment Axa Partners, Europ assistance, Inter mutuelles assistance et Mondial assistance.
Il n’existe pas de formation dédiée à l’exercice du métier d’IDE pour une plateforme de société d’assistance, mais un DU « Transports aériens et rapatriements sanitaires », qui vise à donner toutes les connaissances utiles au transport aérien médicalisé. Cette formation traite à la fois de la réglementation dans le domaine de l’aviation civile et du contrôle sanitaire aux frontières mais aussi de la physiologie et des pathologies liées à l’altitude en transport aérien. Cette formation de 45h30, dispensée pour l’essentiel à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, se déroule de novembre à mars, un jeudi aprèsmidi par mois. Ce DU accueille 90 à 120 étudiants, médecins et infirmiers. Il ne constitue pas un prérequis pour travailler dans l’assistance, mais un avantage apprécié, qui permet de rencontrer des professionnels qui exercent déjà dans le secteur.