L'infirmière Magazine n° 417 du 01/07/2020

 

CONTINUITÉ PÉDAGOGIQUE

DOSSIER

La crise sanitaire a nécessité des aménagements pour l’évaluation des étudiants et l’attribution de leur diplôme. Le recours au numérique, qui s’est imposé pour la transmission des savoirs, soulève de nombreux questionnements.

Quinze jours avant la reprise des cours prévue début juin, cette cadre formatrice d’un Ifsi d’Occitanie nage en pleine incertitude : « Je vais reprendre avec les étudiants de 2e année pour l’UE recherche. Pour le moment, nous n’avons aucune indication. L’Ifsi va-t-il se doter d’un logiciel de visioconférence ? Y aura-t-il assez de bande passante ? Nous élaborons différents scenarii en fonction des moyens qu’on nous donnera. Les formateurs ont été appelés pour monter une aile Covid à l’hôpital, qui n’avait cessé de supprimer des postes de cadre des années durant. Certains de mes collègues sont encore au CH et ne reviendront que dans deux semaines. Avec une équipe qui n’est pas au complet, ce n’est pas évident d’envisager la continuité pédagogique. » Dans le cadre d’un déconfinement qui recèle encore beaucoup d’inconnues, la projection dans l’avenir est un exercice difficile pour la formation infirmière.

Les Ifsi ignorent toujours si leurs étudiants pourront retrouver leurs murs pour la rentrée de septembre. Les dispositions à suivre pour le diplôme des promotions 2020 ont été formalisées dans un arrêté ministériel, publié le 29 mai et consolidé le 17 juin. Des aménagements déjà anticipés par les Ifsi, qui se sont inspirés des indications données dans la Foire aux questions, régulièrement publiée par le ministère des Solidarités et de la Santé. En lien avec les ARS, les instituts de formation ont aménagé le contenu des mémoires de fin d’étude, moins exigeants pour des étudiants qui disposaient de moins de temps pour les rédiger. En fonction des régions, les soutenances se feront uniquement par écrit ou en visioconférence. Des dérogations exceptionnelles seront délivrées aux élèves de 3e année devant passer en session de rattrapage des unités d’enseignement ne pouvant être évaluées à distance, comme la pose d’une transfusion sanguine. Pour les autres années, les évaluations devant se faire en présence de l’étudiant, comme les gestes et soins d’urgence, sont repoussées à plus tard. Afin de ne pas pénaliser les passages en année supérieure, le nombre minimal de crédits à obtenir devrait être baissé pour cette année.

Inégalités entre étudiants

Le recours aux outils numériques pour évaluer les étudiants et dispenser les enseignements s’est imposé au cours de cette année et ouvre de nouveaux questionnements. En fonction de la qualité des réseaux et des moyens techniques dont disposent les Ifsi, la continuité pédagogique via le recours au fameux “distanciel” n’a pas été la même pour tous les étudiants.

Xavier Vautrin, cadre formateur à Dijon, soulève la question de l’inégalité de l’enseignement à distance selon le contexte de vie des étudiants. « Nous avons fait un test lors d’un TD, au milieu duquel nous avons contacté les étudiants un par un. La moitié n’était plus là. Il y a beaucoup de distractions possibles quand on étudie à la maison. » De son côté, Florence Girard, présidente de l’Andep(1), souligne les inégalités créées en fonction des moyens dont disposent les ESI : « Entre suivre un cours sur un smartphone ou sur un écran géant, il y a une grosse différence. Sans oublier les connexions qui peuvent être partagées ou mises à disposition par le voisin. Quand ils sont en TD ou en cours magistral, ils entendent tous la même chose au même moment. »

Le recours au numérique est donc à manier avec précaution. Sans oublier la spécificité de la transmission du savoir infirmier. « Notre enseignement relève du socio-constructivisme, c’est de la confrontation, de la discussion, de la réflexion, de la concertation avec d’autres personnes », rappelle Martine Sommelette, présidente du Cefiec (Comité d’entente des formations infirmières et cadres). Et pourtant, en pleine crise sanitaire, Stéphane Le Bouler, responsable de la mission interministérielle consacrée à l’universitarisation des professions paramédicales, a lancé un appel afin que les contenus pédagogiques paramédicaux puissent intégrer l’Université numérique en santé et sport (Uness). Une intégration qui prendra un peu de temps mais qui permettra d’asseoir les sciences infirmières.

1- L’Association nationale des directeurs d’école paramédicale.

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