L'infirmière Magazine n° 417 du 01/07/2020

 

REPRISE DES VISITES EN EHPAD

ACTUALITÉS

FOCUS

ADRIEN RENAUD  

Les visites des familles en Ehpad ont été suspendues, puis réintroduites, non sans difficultés. Témoignage de Pascale Maury, Idec à l’Ehpad La Pépinière de Fleurance (32).

Comment avez-vous organisé la suspension des visites dans votre établissement ?

L’annonce de l’agence régionale de santé est tombée début mars, un samedi, à 17 h. Nous avons dû tout organiser très rapidement car beaucoup de visites ont lieu le dimanche. Nous avons donc travaillé jusque tard dans la soirée pour fermer les accès, mettre des affiches, prévenir ceux que l’on pouvait prévenir. Et le lendemain, cela a été assez rocambolesque, certaines familles qui ont trouvé porte close étaient très mécontentes.

Nous avons passé beaucoup de temps à leur expliquer la situation, ainsi qu’à appeler les autres familles les deux jours suivants.

Quant aux soignants, beaucoup, surtout au début, étaient en colère : sans masques, nous savions que nos pratiques n’étaient pas conformes à ce qui aurait été souhaitable pour éviter au mieux la contagion. Mais au final, tout le monde s’est serré les coudes dans l’adversité, chacun s’est démené pour ajuster les organisations selon les besoins des résidents. Pour ceux-ci, le confinement a en effet été très douloureux. Chez nous, les trois quarts ont des troubles cognitifs plus ou moins avancés : l’absence de visites leur a fait perdre leurs repères.

Comment la reprise des visites a-t-elle été organisée ?

Nous avons dû organiser un lieu de visite qui permette que les résidents et les familles ne se croisent pas, tout en maintenant une distance minimale d’un mètre. Nous avons également dû mobiliser du personnel pour accompagner les familles et les résidents dans ce lieu, et vérifier que les uns et les autres ne se touchent pas… Il fallait en effet un peu de surveillance, car il s’agit en partie de personnes qui n’ont pas toutes leurs capacités cognitives. Étant donné ces restrictions, nous ne pouvions organiser que quelques visites par jour.

L’interdiction de se toucher n’a pas dû être facile à respecter…

Effectivement. Quand vous avez une personne qui a un syndrome du glissement, qui veut rejoindre sa fille qu’elle croit morte, elle a besoin de toucher cette fille quand elle la revoit. Il est donc arrivé qu’on adapte : tout le monde se lave les mains, ils se touchent et ils se relavent les mains…

Avez-vous, comme dans certains établissements, eu recours à des dispositifs de séparation en plexiglas ?

La question s’est posée. Mais pour les personnes qui ont des troubles cognitifs, nous avons eu peur que le plexiglas, qui leur renvoie en partie leur image et qui rend les choses un peu floues, leur pose un problème quant au caractère réel de la visite. Nous avons donc préféré tenter de gérer la distance, et d’habituer les gens à porter un masque.

Avez-vous constaté une amélioration de l’état des résidents ?

Oui. La reprise des visites a été un soulagement pour tout le monde : nous avions pu mettre en place des solutions pour garder un lien virtuel, par exemple avec WhatsApp, mais c’était largement insuffisant pour plusieurs résidents. L’amélioration a donc pour beaucoup été assez rapide. La frustration continue cependant d’exister, du fait de l’impossibilité de se toucher. La distance est difficile à gérer, les résidents ne comprennent pas tous et aucun ne s’y est vraiment habitué.