DES PATIENTS À HAUT RISQUE BIEN SUIVIS ET DÉPISTÉS - L'Infirmière Magazine n° 419 du 01/09/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 419 du 01/09/2020

 

COVID-19

ACTUALITÉS

FOCUS

THOMAS BRÉARD  

La pandémie de Covid-19 a amené à repenser l’organisation des services hospitaliers. Exemple avec le Centre Hépato-Biliaire (CHB) de l’hôpital Paul-Brousse où un dépistage et un suivi à domicile des patients en attente de greffe ou transplantés a fonctionné avec succès. Le récit de Thomas Bréard, IDE coordinateur de transplantations hépatique au CHB.

Le Centre Hépato-Biliaire (CHB) de l’hôpital Paul-Brousse où j’exerce est spécialisé dans la prise en charge des candidats à la transplantation hépatique et de l’après-greffe. Il a son actif plus de 4100 transplantations en 35 ans. Confronté à la pandémie, le CHB a, d’une part, hospitalisé des malades atteints de forme grave du coronavirus et, d’autre part, mis en œuvre un protocole de suivi téléphonique à domicile. Dès le début de la crise, nous avons considéré ces patients en attente de greffe et greffés comme une population à haut risque de maladie grave et de décès du Covid-19 en raison de leurs nombreuses comorbidités, de leur âge et de leur fonction immunitaire altérée. Malgré le peu de moyens dédié au dépistage en début de crise, l’ensemble des patients qui nous appelaient pour des symptômes du Covid-19 ont été dépistés. L’objectif étant d’éviter l’afflux de malades dans les hôpitaux, mais aussi de les accompagner au mieux en cas de dépistage positif.

Une organisation rigoureuse

L’organisation du dépistage et du suivi téléphonique s’est appuyée sur notre équipe d’IDE de coordination de transplantation (IDEC). Nous avions pour mission de faire la première évaluation des symptômes par téléphone, puis de transmettre les éléments au médecin. Il s’agissait aussi de rassurer, informer des bonnes mesures d’hygiène et accompagner le patient.

Lors de l’entretien téléphonique, un questionnaire pré-établi nous permettait d’évaluer les signes de gravité de manière rigoureuse. En fonction de ces signes et des antécédents, nous invitions le patient à venir plus ou moins rapidement au CHB pour le dépistage. Ensuite, nous prévenions l’équipe pour le dépistage et organisions le suivi en fonction des symptômes et du résultat de la PCR. Lors de ce dépistage, une évaluation clinique du patient était réalisée par le médecin afin de décider d’un retour à domicile ou d’une hospitalisation.

En cas de PCR positive, un patient, avec peu de symptômes et de facteurs de gravité (obésité, surpoids, HTA, diabète…) rentrait chez lui et était suivi par téléphone. La fréquence des appels était définie en fonction de la date des premiers symptômes et de leur importance. À partir de J 7 et jusqu’à J 11 des premiers symptômes, période de risque d’aggravation des symptômes(1), nous appelions une fois par jour pour une mise à jour de la situation clinique. Ensuite, en cas de non-aggravation du patient, les appels s’espaçaient.

En cas de PCR négative, et suspectant des faux négatifs, le patient avec des symptômes et des facteurs aggravants était suivi à son domicile avec la même fréquence que les patients dépistés positifs. En parallèle, nous inscrivions l’ensemble des patients sur Covidom, l’outil de télésuivi à domicile(2).

Au total, nous avons dépisté 27 patients. 19 PCR Covid-19 étaient positives, 8 PCR étaient négatives. 13 patients transplantés étaient positifs, 14 patients en attente de greffe positifs. Nous avons aussi suivi 12 patients habitant en région s’étant fait dépister dans leur centre de proximité.

Relation de confiance

Notre suivi a été facilité par la relation de confiance que nous avons avec les patients. En effet, nous les suivons dans leur parcours de greffe, ils nous connaissent et nous font confiance. Nous connaissons aussi la spécificité des patients atteint d’une cirrhose ou transplantés ce qui nous permet d’approfondir l’entretien téléphonique pour ensuite transmettre à l’équipe. L’accès aux dossiers médicaux informatisés a aussi facilité la prise en charge.

Nous pensions dépister beaucoup plus de patients, mais le respect de règles d’hygiène, le confinement en grande partie respecté et un niveau « idéal » d’immunosuppression qui module favorablement la réponse immunitaire au Covid-19(3) a permis d’éviter une vague de patients infectés. En cas de deuxième vague de contamination, nous serons prêts à nous réorganiser de cette manière pour prendre en charge nos patients.

1- Lescure F.-X., Bouadma L., Nguyen D., Parisey M., Wicky P.-H., Behillil S., « Clinical and virological data of the first cases of COVID-19 in Europe : a case series ». The Lancet, mars 2020 bit.ly/3hyllNO

2- « Covidom : une solution de télésuivi à domicile pour les patients porteurs ou suspectés Covid-19 co-construite par l’AP-HP et Nouveal e-santé ». bit.ly/3li1C7e

3- D’Antiga, L., « Coronaviruses and immunosuppressed patients. The facts during the third epidemic. » Liver Transplantation, mars 2020.