En France, huit millions de personnes sont atteintes d’obésité. Les progrès dans la connaissance de sa physiopathologie ont conduit à considérer l’obésité comme une véritable maladie chronique, bien qu’elle ne soit pas encore reconnue comme telle. Responsable de multiples complications, elle est un problème de santé publique majeur.
L’obésité est une maladie du tissu adipeux. Elle résulte d’un déséquilibre prolongé de la balance énergétique qui favorise les apports par rapport aux dépenses d’énergie. À distance, ce déséquilibre chronique entraîne une prise excessive de poids, une augmentation de la masse graisseuse et des modifications du tissu adipeux ayant des conséquences sur la santé.
L’obésité n’est plus exclusive des pays riches et concerne aujourd’hui de nombreux pays émergents tels que le Mexique, l’Inde et la Chine. Dans le monde, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que sa prévalence a doublé depuis 1980 et qu’environ 13 % des adultes sont en situation d’obésité et 39 % en surpoids. En France, les résultats de l’étude Esteban réalisée en 2015(1) montrent que 54 % des hommes et 44 % des femmes sont en excès de poids et que la prévalence du surpoids augmente avec l’âge pour atteindre plus de deux hommes sur trois et près d’une femme sur deux chez les 55-74 ans. Pour sa part, l’obésité concerne 17 % de la population adulte (plus de huit millions de personnes) à parité entre les hommes et les femmes ; 75 % présentent une obésité modérée et 500 000 une obésité morbide. Chez les jeunes (6-17 ans), la même étude indique que 17 % sont en surpoids (obésité incluse) et que l’obésité concerne 4 % de cette tranche d’âge, avec un gradient social important. Une récente étude de la Drees(2) montre qu’entre 2009 et 2017, la part des adolescents obèses est passée de 3,8 % à 5 % et confirme qu’elle est quatre fois plus élevée chez les adolescents issus des milieux sociaux les moins favorisés. Si ces données montrent une relative stabilisation de l’obésité dans notre pays, l’objectif de « diminuer sa prévalence chez les enfants et les adolescents », fixé par le Haut Conseil de la santé publique dans le cadre du PNNS-3 (2011-2016), n’a pas été atteint. Il demeure une priorité du PNNS-4, qui fixe à - 20 % l’objectif à atteindre d’ici 2023, sachant que la probabilité qu’un enfant reste obèse à l’âge adulte varie, selon les études, de 20 à 50 % si l’obésité débute avant la puberté et de 50 à 70 % si elle s’installe après la puberté(3).
Le diagnostic clinique de l’obésité repose sur le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) et la mesure du tour de taille.
→ L’IMC permet d’évaluer le statut pondéral et correspond au poids (en kg) divisé par le carré de la taille (en m). Selon la classification de l’OMS, le surpoids est objectivé par un IMC > 25 et l’obésité à partir d’un IMC > 30 (voir ci-dessous). Toutefois, pour un même IMC, la composition corporelle et la répartition du tissu adipeux peut varier d’un individu à l’autre. De même, certains individus, comme les sportifs de haut niveau, peuvent avoir un IMC élevé sans pour autant présenter d’excès de masse grasse(3).
Chez l’enfant, l’IMC augmente la première année, diminue jusqu’à l’âge de 6 ans, et augmente à nouveau (rebond d’adiposité) jusqu’à la fin de la croissance. Le surpoids et l’obésité se définissent à l’aide des courbes d’IMC (courbes de corpulence), renseignées jusqu’à l’âge de 18 ans dans le carnet de santé (voir ci-dessus). Un enfant est considéré en surpoids si son IMC est situé au-dessus du 97e centile (ou ligne IOTF-25 en pointillés sur la courbe atteignant un IMC de 25 kg/m2 à 18 ans) et obèse lorsqu’il dépasse la ligne de l’IOTF C-30 atteignant un IMC de 30 kg/m2 à l’âge de 18 ans. Repérer tôt un enfant à risque de développer une obésité à l’aide de cette courbe permet de mettre en place des mesures préventives pour éviter l’évolution vers une obésité qui sera d’autant plus difficile à corriger qu’elle est prise en charge tardivement (lire p.40).
→ Le tour de taille met en évidence un excès de masse grasse dans la région abdominale. Chez l’adulte, la mesure doit être réalisée debout, pieds joints, bras relâchés le long du corps à l’aide d’un mètre ruban placé à mi-distance entre la dernière côte et l’épine iliaque, à la fin d’une expiration et sans exercer de pression sur la peau. Lorsqu’elle est supérieure à 102 cm chez l’homme et 88 cm chez la femme (en dehors de la grossesse), l’obésité est dite abdominale(4). Elle est, indépendamment de l’IMC, associée à un risque accru de diabète, de maladies cardiovasculaires et de certains cancers. Chez l’enfant, l’excès de graisse abdominale s’évalue par le rapport du tour de taille sur la taille. Si celui-ci est supérieur à 0,5, l’enfant présente un excès de graisse abdominale associé à un risque cardiovasculaire et métabolique accru.
L’histoire naturelle de l’obésité a lieu en cinq phases(5) :
→ Phase préclinique : de la période intra-utérine au début de la prise de poids. Elle est matérialisée par le rebond pondéral chez l’enfant et constitue un premier signe d’alerte quand il est précoce (avant 4 ans).
→ Phase clinique initiale de constitution de l’obésité : la prise de poids est régulière ou marquée par une succession de prises et pertes de poids (effet yo-yo) conduisant au surpoids puis, plus ou moins rapidement, à l’obésité constituée.
→ Phase de plateau pondéral : le poids se stabilise et le bilan énergétique s’équilibre.
→ Phase de perte de poids : la personne tente de perdre du poids par elle-même ou avec l’aide d’un professionnel de santé. Elle a fréquemment recours à des méthodes commerciales non médicalisées avec des résultats insuffisants ou transitoires souvent marqués par une reprise de poids suivie d’une aggravation(5).
→ Phase de résistance au traitement : l’obésité devient chronique et son traitement difficile. « Ces différentes phases sont associées au développement et à l’altération progressive du fonctionnement du tissu adipeux qui, sous l’effet de différents mécanismes, devient pathologique, perd ses capacités de régulation du métabolisme et favorise la survenue de complications », explique le Pr Jean-Michel Oppert, chef du service de nutrition de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP).
→ L’hypertrophie et l’hyperplasie des adipocytes : le tissu adipeux est constitué pour partie(4) de cellules spécialisées dans le stockage des réserves énergétiques sous la forme de graisse (adipocytes). « Les adipocytes présentent la particularité singulière d’avoir une capacité d’expansion extrêmement importante et de pouvoir accumuler presque sans limite des réserves en graisse, commente le Pr Oppert. Ils se chargent en graisse jusqu’à atteindre un plateau puis recrutent de nouvelles cellules “vides” qui augmentent la capacité de stockage des graisses. » Le volume global du tissu adipeux peut donc s’accroître par l’augmentation de la taille (hypertrophie) et du nombre (hyperplasie) des adipocytes(4).
→ L’inflammation. « Lorsque les adipocytes sont surchargées en gras, de nombreuses études ont montré que des cellules du système immunitaire comme les macrophages pro-inflammatoires et les lymphocytes sont attirées en grand nombre et provoquent une sur-réaction inflammatoire », explique Frédéric Altare, chercheur Inserm au Centre de recherche en cancérologie et immunologie Nantes-Angers (CRCINA). Si l’inflammation est une réaction de défense ponctuelle de l’organisme contre les agressions, chez le patient obèse, il y a comme un état d’alerte constant qui crée une sur-inflammation permanente(6). « Cette inflammation chronique de bas grade est l’une des anomalies majeures du tissu adipeux, précise le Pr Oppert. Elle peut être potentiellement délétère, en particulier, par l’infiltration du tissu adipeux par des cellules immunitaires qui secrètent de nombreuses substances dont on pense qu’elles ont une action dans la progression de l’obésité et le développement de ses nombreuses complications. Par exemple, les macrophages produisent des interleukines qui pourraient intervenir dans le développement des complications cardiaques liées à l’athérome. » De même, les cytokines produites par les cellules du système immunitaire peuvent altérer une série d’organes (articulation, foie, etc.) et sont impliquées dans des complications de l’obésité telles que l’insulinorésistance.
→ La fibrose. Par ailleurs, à distance, sous l’effet de l’inflammation chronique, le tissu adipeux se fibrose. « Ce phénomène, aujourd’hui bien documenté, constitue vraisemblablement un facteur de résistance à la perte de poids ce qui explique qu’après quinze à vingt ans d’obésité, la perte du tissu adipeux ne puisse plus relever d’un simple rééquilibrage du bilan d’énergie », poursuit le Pr Oppert.
À noter : les chercheurs s’intéressent aussi au rôle du microbiote intestinal dans les mécanismes conduisant à la prise de poids. De récentes études (7) montrent qu’un déficit en bactéries intestinales, un appauvrissement de leur diversité et la présence de certains entérotypes sont associés à l’obésité et semblent jouer un rôle dans sa chronicisation.
Au-delà des obésités très rares d’origine strictement génétique ou endocrinienne (déficit en hormone de croissance, hypercorticisme, hypothyroïdie), de nombreux facteurs interviennent dans la survenue de l’obésité commune. « On peut penser que l’évolution de l’espèce humaine a favorisé les sujets biologiquement prédisposés à stocker l’énergie, ce qui est important pour la survie en période de pénurie mais peut être délétère en situation d’abondance, indique le Pr Oppert. Sur ce terrain, un ensemble complexe de facteurs (comportements et modes de vie, prédispositions génétiques, environnement), dont il est difficile de déterminer la part respective à chacun d’eux, vont interagir pour favoriser le stockage de masse grasse et la prise de poids. »
Depuis trente ans, les conditions de vie et l’offre alimentaire ont beaucoup changé. L’alimentation, plus disponible et riche en calories, mais aussi plus industrielle et plus accessible financièrement, a entraîné la consommation plus fréquente de plats préparés et l’augmentation de la ration énergétique. Parallèlement, l’usage de la voiture, des transports en commun et le développement des loisirs sédentaires (télévision, jeux vidéo, Internet) ont induit une diminution de l’activité physique et des dépenses énergétiques. Ces évolutions ont eu des effets péjoratifs sur le bilan énergétique mais n’expliquent pas, à eux seuls, l’augmentation de la fréquence de l’obésité ni le fait que certains prennent plus de poids que d’autres alors qu’ils ont des modes de vie similaires.
De fait, la recherche durant les trente dernières années a permis d’identifier de nombreux gènes impliqués dans la prise de poids, le développement de l’obésité sévère et/ou les complications de l’obésité, et montré qu’un individu a deux à huit fois plus de risque de devenir obèse si des membres de sa famille le sont eux-mêmes(4). D’autres études estiment le degré “d’héritabilité” génétique de l’adiposité entre 25 % et 40 % et celui de l’obésité abdominale à 50 %(3). « Si le rôle de chaque gène, pris individuellement, reste difficile à apprécier et probablement faible, commente le Pr Oppert, en revanche, la contribution de ces gènes devient significative dès lors qu’ils interagissent avec le contexte (mode de vie, alimentation, milieu socio-économique) et l’environnement. »
Certains facteurs de l’environnement ont pour effet de perturber l’horloge biologique qui régule les différentes fonctions de l’organisme et le métabolisme. L’insuffisance de sommeil, la prise irrégulière des repas, le travail nocturne ou posté désynchronisent l’horloge biologique et augmentent le risque de développer un surpoids. Il en est de même du stress, de l’alcool (il favorise le stockage des lipides dans le tissu adipeux), de l’arrêt du tabac non accompagné de mesures adaptées et de la prise de certains mé dicaments (neuroleptiques, antidépresseurs, corticoïdes, insuline, antiépileptiques, sulfamides hypoglycémiants)(4).
Enfin, il ne faut pas négliger l’exposition prénatale aux facteurs de risque d’obésité que sont le diabète ou le surpoids maternel, la prise de poids excessive pendant la grossesse et le milieu socio-économique défavorable dont l’importance est avérée.
L’obésité favorise ou complique de très nombreuses pathologies qui ont, pour la plupart, un impact péjoratif sur l’espérance de vie et la mortalité. Cela a été particulièrement mis en évidence par la crise sanitaire récente du Covid 19 (lire ci-dessus).
Les résultats d’études de cohortes prospectives montrent qu’il existe une relation causale entre l’adiposité corporelle et abdominale et la survenue du diabète de type 2 (44 % des cas imputables au surpoids/obésité), des maladies cardiovasculaires (23 % des cas imputables) et de certains cancers (oesophage, pancréas, endomètre, sein, rein, cancer colo-rectal) dont 7 à 44 % des cas sont liés à l’obésité selon la localisation (3, 4). De même, l’hypertension artérielle est présente chez 40 % des personnes obèses et 60 % d’entre elles présentent un syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (Sahos), qui constitue un facteur de risque supplémentaire de mortalité cardiovasculaire(8). L’obésité accroît aussi le risque de dyslipidémie, d’hépatopathie métabolique (stéatopathie non alcoolique), de maladie rénale chronique, de troubles de la reproduction (perturbation du cycle menstruel, infertilité), de reflux gastrooesophagien et de complications ostéo-articulaires (arthrose de hanche et de genou), et cutanées (mycose consécutive à la macération des plis de peau, psoriasis). Durant la grossesse, elle majore le risque de diabète gestationnel, d’hypertension artérielle gravidique et d’accident thrombo-embolique, ainsi que la morbi-mortalité périnatale(3).
Du fait des complications associées, le surpoids et l’obésité seraient responsables d’au moins 2,8millions de décès par an dans le monde et sont reconnus par l’OMS comme la cinquième cause de mortalité(4). Exception faite des sujets très âgés (> 85 ans), le taux de mortalité augmente avec l’IMC de façon plus prononcée lorsqu’il est égal ou supérieur à 30 kg/m2. La surmortalité est essentiellement cardiovasculaire et masculine(3).
Au-delà de ses répercussions physiques, l’obésité a des conséquences psychologiques (mal-être, mésestime de soi, dépression) et sociales considérables. Stigmatisation, rejet, discrimination professionnelle, entraînent une désocialisation et un isolement qui touchent beaucoup plus fortement les femmes. Ces réactions reposent sur un inconscient collectif qui présuppose que la personne en situation d’obésité manque de volonté et est incapable de se contrôler, ainsi qu’en témoigne Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO) (lire son témoignage ci-contre). Même très jeunes (dès l’âge de 6 ans), les enfants associent la silhouette d’un enfant obèse a des adjectifs tels que « paresseux », « sale », « stupide », « laid », plus souvent que d’autres caractéristiques physiques(3). Quant au corps médical, il a tendance à utiliser les mêmes schémas de raisonnement et les mêmes stéréotypes en tenant les patients pour seuls responsables des échecs thérapeutiques. Cette attitude et ce regard doivent changer car ils constituent un frein à la demande de prise en charge et d’accompagnement thérapeutique dans une situation de pathologie chronique, au cours de laquelle une écoute bienveillante et l’établissement d’une alliance thérapeutique sont des éléments clés du parcours de soin.
1- Charlotte Verdot et coll., « Corpulence des enfants et des adultes en France métropolitaine en 2015. Résultats de l’étude Esteban et évolution depuis 2006 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n° 13, 13 juin 2017. En ligne sur : bit.ly/3dSWLEl
2- Nathalie Guignon, Drees, « En 2017, des adolescents plutôt en meilleure santé physique mais plus souvent en surcharge pondérale », coll. Études et résultats, n° 1 222, août 2019. En ligne sur : bit.ly/3eOeDSp
3- Haute Autorité de santé, « Surpoids et obésité de l’adulte : prise en charge médicale de premier recours », Recommandation de bonne pratique, septembre 2011. En ligne sur : bit.ly/2VzkGm6
4- Inserm, « Obésité : une maladie des tissus adipeux », novembre 2019. En ligne sur : bit.ly/31x8rKH
5- Rapport « Éducation thérapeutique et parcours de soins de la personne obèse », Lavoisier, 4 octobre 2014. En ligne sur : bit.ly/3ghWiNA
6- Marine Benoit, « Covid-19 : pourquoi les personnes en surpoids sont-elles plus vulnérables ? », Sciences et avenir, 7 avril 2020. En ligne sur : bit.ly/2AekDVj
7- Inserm, « Pauvre ou riche (en bactéries intestinales) : pas tous égaux face aux maladies liées à l’obésité », 23 août 2013. En ligne sur : bit.ly/3dJMTg9
8- Collectif national des associations d’obèses (CNAO), « Qu’est-ce que l’obésité ? ». En ligne sur : bit.ly/3f1JF9z
L’obésité de l’enfant est à l’origine des obésités les plus sévères de l’adulte. Sa prévention passe par une surveillance systématique de l’IMC, dans l’enfance et l’adolescence, au minimum deux à trois fois par an, quelle que soit la corpulence apparente (1).
→ Dans de nombreuses circonstances, à l’hôpital, à domicile, à l’école, en centre de PMI, etc., les IDE peuvent s’acquitter de cette surveillance via le carnet de santé en veillant à ce que les courbes de poids, de taille et de corpulence soient à jour. La courbe de corpulence permet de visualiser une ascension continue de la courbe IMC depuis la naissance, un changement rapide de couloir de la courbe et surtout, l’âge du rebond d’adiposité, car plus ce rebond est précoce, plus le risque d’obésité augmente.
→ Autant d’éléments qui facilitent le repérage précoce d’une obésité en train de se constituer, et cela alors même que l’excès pondéral de l’enfant peut ne pas être détectable cliniquement (2). Dans ce cas, il est important d’expliquer ce qu’indiquent ces paramètres sans dramatiser ni culpabiliser, et d’orienter les parents et l’enfant/adolescent vers une prise charge médicale préventive ou curative adaptée, sachant que chez l’enfant, l’objectif prioritaire consiste à ralentir la progression de la courbe de corpulence plutôt que de rechercher la perte de poids (1).
→ Un suivi régulier et prolongé d’au minimum deux ans est recommandé dans le but d’obtenir un changement durable des habitudes hygiéno-diététiques (alimentation, activité physique) et de pouvoir, si nécessaire, mettre en place les bilans complémentaires et l’accompagnement psycho-social.
1- Haute Autorité de santé (HAS), « Surpoids et obésité de l’enfant et de l’adolescent », septembre 2011. En ligne sur : bit.ly/2Bkw2U7
2- H. Thibault, « Stratégies de prévention de l’obésité chez l’enfant », Archives de pédiatrie, vol.10, n° 12, janvier 2003. En ligne sur : bit.ly/31PA0iz
Elle peut être la manifestation d’un syndrome ou liée à la mutation d’un gène (obésité monogénique).
→ Les obésités qui s’inscrivent dans un syndrome (syndrome de Prader-Willi ou de Bardet-Biedl). Dans ce cas, l’obésité constitue un symptôme parmi d’autres dans le tableau clinique. Les gènes de quelques-uns de ces syndromes ont été localisés et permettent un diagnostic génétique de l’obésité.
→ L’obésité monogénique est rare. Elle est liée à une mutation d’un seul gène impliqué dans la régulation du bilan énergétique comme le gène de la leptine (hormone de la satiété). Dans ce cas, la sensation de satiété disparaît, entraînant des formes d’obésité très précoces et très sévères de l’enfant. Les essais thérapeutiques visant à tester l’administration de leptine comme traitement de l’obésité n’ont pas été concluants mais l’identification de ces mutations a permis de faire progresser le diagnostic et la prise en charge de ces cas très rares d’obésité, ainsi que la compréhension des voies physiopathologiques de régulation du poids.
Ainsi qu’en témoignent les données les plus récentes, la population en situation d’obésité figure parmi les plus à risque de développer une forme grave de Covid-19. Une étude conduite par les équipes du CHRU de Lille a montré que plus de 47 % des patients entrant en réanimation durant l’épidémie étaient en situation d’obésité et qu’un IMC > 35 augmente significativement le risque d’être placé sous respiration mécanique invasive indépendamment de l’âge, de l’HTA et du diabète(1). Début avril, le chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Bichat (AP-HP) assurait que « plus de 80 % des patients de moins de 50 ans admis en réanimation à cause du Covid-19 dans cet établissement étaient obèses »(2). Comment expliquer que l’obésité rende les personnes plus vulnérables au Covid-19 ?
Si des études sont nécessaires pour mieux cerner les causes précises de cette vulnérabilité, certains mécanismes biologiques impliqués ont déjà été identifiés, et notamment le lien entre adipocytes et sur-réaction inflammatoire. Ainsi, lorsqu’un virus comme le Covid-19 s’immisce dans les poumons d’une personne obèse, la réaction inflammatoire naturellement induite pour combattre l’infection vient s’ajouter à la sur-inflammation préexistante. « Cette hyper-inflammation chez des patients qui ont déjà des capacités respiratoires affaiblies du fait de l’obésité (elle entrave le bon fonctionnement du diaphragme et des poumons) entraîne une autodestruction avec leurs propres lymphocytes à l’instar de ce que l’on observe chaque année dans les complications de la grippe, explique Frédéric Altare, chercheur Inserm au CRCINA de Nantes (3). Par ailleurs, il a été montré que d’autres cellules de l’immunité (les cellules dentritiques et les lymphocytes “helpers”) chargées de combattre les agents infectieux, voient leur activité fortement réduite dans certains cas d’obésité sévère, réduisant la capacité intrinsèque de ces patients à lutter contre le virus. » Ainsi, en présence du Covid-19, les patients en situation d’obésité conjugueraient deux phénomènes péjoratifs susceptibles d’expliquer leur extrême vulnérabilité à l’infection : une hyper-inflammation autodestructrice et une capacité de réponse au virus affaiblie.
1- Ministère des Solidarités et de la Santé, « Fiche professionnels libéraux et hospitaliers : prise en charge des personnes en situation d’obésité dans le cadre de la gestion de l’épidémie de Covid-19 », 11 mai 2020. En ligne sur : bit.ly/2BLGvrJ
2- « Covid-19 : pourquoi les personnes en surpoids sont-elles plus vulnérables ? », article paru sur Sciences et avenir, 4 avril 2020. En ligne sur : bit.ly/2AekDVj
3- Inserm, « L’obésité, facteur de risque de développer une forme sévère du Covid-19 ? », 16 avril 2020. En ligne sur : bit.ly/38a5fG9
Présidente du Collectif national des associations d’obèses (CNAO) et membre du Conseil national de l’alimentation (CNA), Anne-Sophie Joly mène un combat sans relâche pour changer le regard porté par la société sur les personnes en situation d’obésité. Un pré-requis qui passe, entre autres, par la reconnaissance de l’obésité comme maladie.
Si, depuis une dizaine d’années, les pouvoirs publics et les autorités de santé tentent d’améliorer la prise en charge de l’obésité en France, en revanche, la réalité du terrain montre que les mentalités n’ont guère évolué quant à la perception collective de l’obésité. Le cliché de la personne obèse en train de manger des chips et de boire des sodas affalée sur un canapé est un lieu commun, et au quotidien, que ce soit sur le plan social, professionnel ou sanitaire, les personnes en situation d’obésité souffrent de leur condition et du regard que la société porte sur eux. Une grande majorité de la population n’a toujours pas compris que l’obésité n’est pas un choix de vie. Comment la personne obèse pourrait-elle s’en satisfaire lorsque sa réalité est faite de maltraitance, de rejet social, de mise au placard professionnel, de problèmes financiers, de mal-être et d’isolement ? Sans compter que, sur le plan de la santé, elle favorise pas moins de 19 pathologies dont le Covid-19, auquel les personnes en surpoids et obèses payent un lourd tribut (voir encadré p. 38).
Discours culpabilisant
Pourtant, les soignants ne font pas exception à la règle et, pour une partie d’entre eux, adoptent encore aujourd’hui un discours culpabilisant : « C’est de votre faute, mangez mieux, bougez et faites preuve de volonté ». Ce discours réducteur tient au fait qu’ils ne connaissent pas la physiopathologie de l’obésité et n’ont, comme la plupart des gens, qu’une vision très partielle de cette problématique complexe, entre autres parce qu’elle n’est pas reconnue comme maladie dans notre pays. C’est la raison pour laquelle le CNAO lutte pour obtenir cette reconnaissance en s’appuyant sur l’exemple de l’OMS (elle reconnaît l’obésité comme maladie depuis 1997), du Portugal et de l’Italie. Nous sommes également convaincus que changer le regard, le discours et la manière d’appréhender l’obésité ne peut se faire que par la formation et la connaissance. Il faut mettre en place un chemin clinique avec des professionnels de santé médicaux et paramédicaux habilités, identifiés et formés en cursus initial aux problématiques du surpoids et de l’obésité.
Parcours patient structuré
L’organisation qui est aujourd’hui préconisée par les pouvoirs publics et les autorités de santé dans la feuille de route 2019-2022 est intéressante car elle repose sur une prise en charge multidisciplinaire partagée et coordonnée entre la ville et l’hôpital, à différents niveaux de recours. Un premier niveau permettant d’assurer un accompagnement ambulatoire courant de proximité accessible à toutes les personnes en surpoids ou obèses, et un niveau de recours spécialisé en capacité de prendre en charge plus spécifiquement les cas les plus sévères. Le CNAO se réjouit de pouvoir participer à la rédaction des modalités d’application de cette feuille de route qui vont déterminer l’organisation de l’offre de soins et structurer le parcours des patients. Nous serons très attentifs à la place de la formation des soignants et au travail en réseau de tous les acteurs de santé médicaux et paramédicaux qui interviennent dans l’accompagnement du patient. Faire en sorte que tous les professionnels se parlent, échangent et encadrent dans la durée le patient est une condition majeure pour assurer la continuité et la fluidité des soins, l’observance thérapeutique et le succès de la prise en charge.
PROPOS RECUEILLIS PAR MARIE FUKS