EMPREINTE ENVIRONNEMENTALE
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Parmi les réflexions qui ont suivi la crise du coronavirus, plusieurs contributions ont appelé à réduire l’empreinte environnementale de l’hôpital. S’agit-il d’une véritable prise de conscience écologique hospitalière ? Possible, mais le chemin est encore long.
Un rapport publié l’année dernière par l’ONG HealthcareWithoutHarm estimait que le secteur de la santé pesait 4,4 % dans les émissions mondiales de gaz à effets de serre. À ce bilan carbone défavorable, il faut ajouter des problèmes liés à la pollution des eaux par les effluents de médicaments, ou encore à la gestion des déchets nucléaires médicaux. Si bien que le constat est implacable : l’empreinte environnementale des blouses blanches est loin d’être immaculée. Longtemps, pourtant, cet aspect de la pratique médicale a été ignoré : l’hôpital sauvait des vies au jour le jour, et laissait à d’autres le soin de se préoccuper des générations futures. Mais la crise du coronavirus est venue bouleverser cette façon de penser.
Depuis le printemps dernier, on voit fleurir les initiatives de soignants appelant à repenser non seulement l’organisation interne du secteur de la santé, mais aussi sa relation à l’environnement. C’est ainsi qu’en juin, le syndicat Jeunes Médecins a fait à l’occasion du Ségur de la santé dix propositions « pour la transition écologique en santé ». Parmi elles, la création d’un fonds pour la rénovation énergétique hospitalière, la limitation de l’usage unique et du plastique jetable, la création de filières locales de revalorisation des déchets ou encore la modification de la formation initiale et continue des soignants pour mieux intégrer des questions telles que l’écoconception des soins ou l’exposition aux perturbateurs endocriniens.
Autre exemple : en mai dernier, un collectif réuni autour de l’association Agir durablement en santé en Nouvelle-Aquitaine (ADSNA) a rédigé un manifeste appelant à « penser les établissements de santé, après ». Ce texte entend mettre à profit les capacités de transformation dont les hôpitaux ont fait preuve durant la crise du coronavirus pour enclencher une transition écologique hospitalière. La cinquantaine de professionnels signataires souhaitent par exemple la création d’unités de soin durable. L’objectif ? « Produire moins de déchets et mieux trier, limiter les consommations d’eau et d’énergie, limiter le gaspillage de médicaments, optimiser le parcours de soins », écrivent-ils.
Reste à savoir si ces louables intentions sauront se traduire dans les faits. C’est en tout cas la mise en garde lancée par Philippe Perrin, infirmier et directeur de l’Institut de formation en santé environnementale (Ifsen), qui travaille depuis des années sur les liens entre santé et environnement. « Pour l’instant, on est dans la réflexion plus que dans l’action, juge celui qui se définit comme un “éco-infirmier”. Les progrès effectués par les hôpitaux sur ces problématiques sont à ce stade modestes, etilssonttrèsliésàlapersonnalitéetàlavolontédesdirecteursd’établissement. »
Mais ce n’est pas une raison, selon Philippe Perrin, pour étouffer les initiatives, bien au contraire. L’écoinfirmier n’est d’ailleurs pas avare de conseils pour les professionnels qui souhaiteraient agir concrètement sur les questions environnementales au sein de leur établissement. « Dans beaucoup d’établissements, il y a des groupes techniques développement durable, note-t-il. Les infirmières peuvent s’y investir, et y être force de proposition. » Il est également possible selon lui, et même souhaitable, de se former sur ces questions. Plusieurs instituts (et pas seulement l’Ifsen) proposent des diplômes, DU et autres masters en santé environnementale qui permettront aux infirmières d’être plus actives sur ces questions au sein de leur établissement.
Car, Philippe Perrin le reconnaît, seules et non formées, les infirmières sont relativement démunies face à l’ampleur des changements à mener. « On peut toujours chercher à limiter la consommation d’eau de son service, à mieux trier les déchets, mais les marges de manœuvre sont assez limitées au niveau individuel, estime-t-il. D’où l’intérêt de s’impliquer collectivement. Car il ne faut pas oublier que la machine hospitalière a une très grosse force d’inertie », souligne-t-il. Mais on peut aussi voir le bon côté des choses : quand une grande force d’inertie se met en branle, elle devient difficile à arrêter.