L'infirmière Magazine n° 419 du 01/09/2020

 

INFIRMIÈRE EN PMI

CARRIÈRE

PARCOURS

ÉLÉONORE DE VAUMAS  

À mi-chemin entre social et sanitaire, les centres de PMI et de planification et éducation familiales constituent des lieux d’accès à la santé. les ide et puéricultrices y assurent l’accompagnement et la prévention auprès des enfants et leurs familles.

Un bébé qui a du reflux ? Des vaccinations à faire ? Besoin de conseils sur le régime alimentaire du nourrisson ? Un doute sur le développement moteur d’un enfant ? Des informations sur les différents modes de garde ? Un entretien prénatal précoce à réaliser ? C’est tous ces sujets que les équipes des services de protection maternelle infantile (PMI) ont vocation à aborder.

Au sein d’une équipe pluridisciplinaire regroupant des médecins, des éducateurs de jeunes enfants (EJE), des assistantes sociales, des psychologues, des auxiliaires de puériculture et des sages-femmes, les IDE et les puéricultrices ont un rôle déterminant à jouer. Ce dernier se décline toutefois de façon très différente, les missions des PMI pouvant varier d’un département à un autre. « Nous sommes confrontés à tout type de situation : il peut aussi bien s’agir d’une famille qui consulte pour un bilan de santé de l’enfant que d’une mère qui s’inquiète parce que son enfant ne prend pas assez de poids, d’une assistante maternelle qui vient renouveler son agrément ou encore de parents qui souhaitent participer à un atelier de portage… Quant à l’âge, nous nous intéressons autant à la santé des femmes enceintes qu’aux enfants jusqu’à 6 ans et à leur famille », décrit Céline Mazzoleni, cadre de santé coordinatrice au conseil départemental du Bas-Rhin (67).

UNE APPROCHE MULTIDIMENSIONNELLE

Avec plus de 5 100 sites fixes en France et une dizaine d’unités mobiles, les PMI représentent, derrière l’hôpital, un secteur privilégié d’exercice pour les infirmières puéricultrices (IPDE), avec des missions de terrain importantes et un champ d’action très large. Il n’est donc pas étonnant de les retrouver en nombre dans ces services, qui couvrent tout le champ de la prévention globale et du suivi des enfants de 0 à 6 ans, l’accompagnement des mères, actuelles ou à venir, l’instruction des agréments et le suivi des assistantes maternelles, ainsi que le recueil et le traitement des informations préoccupantes, en lien avec l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Malgré des disparités importantes d’un département à l’autre, les infirmières puéricultrices représentent ainsi environ 40 % des effectifs des PMI, ces quelque 1 300 IDE étant essentiellement recrutées pour des missions spécifiques à la planification et à l’éducation familiales. S’agissant des nourrissons en particulier, le regard expert des IPDE, à mi-chemin entre le médical et le social, s’avère en effet particulièrement pertinent pour apprécier le développement physiologique et psychologique du bébé, mais aussi pour savoir décrypter les liens d’attachement entre la mère et l’enfant. « Leur formation spécifique de puériculture leur permet d’avoir une approche multidimensionnelle de l’enfant, de sorte qu’elles sont capables de distinguer de façon précoce un enfant qui présente des inadaptations dans son développement d’un autre qui est bien portant mais dont les acquisitions sont plus tardives. La grande majorité du temps, toutefois, les enfants vont bien, et leur travail consiste à rassurer les parents sur leur rôle », décrypte Charles Eury, président de l’Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiants (ANPDE). Les puéricultrices de PMI interviennent généralement dès la naissance de l’enfant, à travers une série de rendez-vous individuels ou collectifs, qu’elles réalisent seules ou en binôme avec un autre professionnel (auxiliaire de puériculture, médecin pédiatre, psychologue…). Leur rôle propre consiste alors à évaluer tous les éléments qui ont trait à la santé, au bien-être de l’enfant et à la qualité du lien mère-bébé. « Nous procédons à un recueil de données qui comporte la prise de paramètres tels que la pesée et les mensurations, l’observation du développement global de l’enfant, mais aussi les éléments importants concernant la grossesse, l’accouchement et le ressenti des parents. Ceci dans le but de repérer le plus tôt possible une altération du développement et de compléter les observations du médecin », détaille Virginie Jeanmet, administratrice nationale de l’ANPDE.

DÉPISTER AU PLUS TÔT

En PMI, une partie des consultations peut se dérouler à domicile, dans le cadre d’un accompagnement postnatal ou si la mère a besoin d’un suivi renforcé, par exemple en cas d’accouchement difficile, d’une prématurité de l’enfant, d’antécédents médicaux parentaux… Ces consultations “hors-les-murs”, réalisées par les puéricultrices, visent à informer les familles et à les soutenir au mieux dans leur rôle auprès de leur enfant. « Nos conseils portent à la fois sur l’alimentation (allaitement, diversification alimentaire), la croissance, le sommeil, l’hygiène (bain, change, soins de l’enfant), la prévention des accidents domestiques, le mode de garde ou encore la vaccination, détaille Emmanuelle Bonnet, infirmière puéricultrice dans un centre de PMI de secteur à Paris. L’idée, ce n’est pas tant de calquer une façon de faire mais, au contraire, de permettre aux parents de s’appuyer sur nos conseils pour prendre en charge leur enfant à leur façon. Il s’agit donc de faire preuve de bienveillance et de tact pour instaurer un climat de confiance. » En sus de fournir des informations et des conseils, ces visites à domicile (VAD) constituent un socle important pour le repérage d’éventuelles fragilités, qu’elles soient d’ordre physiologique, sensoriel ou psychologique. Aux IPDE aussi d’être vigilantes à l’environnement dans lequel évolue l’enfant. Car c’est une autre des missions de la PMI que celle d’assurer la protection des enfants en danger, en lien étroit avec l’ASE ou la CRIP (cellule de recueil des informations préoccupantes). La mobilisation des équipes se décline alors en VAD pour réaliser l’évaluation de la situation au sein de la famille et assurer le suivi des signalements, et en participation à des réunions de synthèse sur les suites à donner. Une mission délicate à laquelle les puéricultrices prennent une part importante, mais qui nécessite qu’elles soient accompagnées par des professionnels extérieurs. « On est toujours mandaté à deux services, en général le service social du département, les travailleurs du lieu d’hébergement, les assistantes sociales de la Caf ou le service social scolaire, poursuit Emmanuelle Bonnet. Ce qui nous permet de poser des regards croisés sur la situation et de proposer un accompagnement approprié. »

UN PUBLIC ÉLARGI

Mais les enfants en bas âge ne sont pas les seuls sur lesquels les professionnels de la PMI veillent. Une attention particulière est également portée aux familles, via notamment la conduite du projet d’éducation à la santé ou le volet CPEF (centre de planification et d’éducation familiales), quand celui-ci est rattaché à la PMI. Ce dernier assure des consultations médicales en lien avec la contraception, des entretiens de conseil conjugal ou de planification familiale et dispense des informations individuelles et collectives de prévention portant sur la sexualité et les infections sexuellement transmissibles (IST). C’est, dans ce cas, des infirmières qui ont la charge de ce volet, en binôme avec des sages-femmes, des conseillers conjugaux ou des gynécologues. Dans le cadre des consultations qu’elles animent, elles reçoivent aussi bien des couples qui ont un désir d’enfant, que des jeunes gens qui ont des conduites sexuelles à risque ou qui souhaitent une contraception. Elles mènent aussi des actions de prévention collectives auprès des collégiens de 4e et 3e. Et si le relationnel est au cœur de leurs missions, elles effectuent également des actes techniques (tests de grossesse, analyses d’urine, délivrance de contraception d’urgence…).

Les IPDE, quant à elles, sont les interlocutrices privilégiées pour réaliser les bilans de santé en école maternelle (BSEM) quand cette mission revient à la PMI. À ce titre, elles se rendent dans les établissements scolaires pour prendre en charge les dépistages (sensoriel, auditif, visuel) et les prises de mesures obligatoires, et, en cas de trouble, orienter l’enfant vers le médecin de la PMI, le médecin traitant ou un médecin spécialiste. Autre mission qui incombe également à ces dernières dans la plupart des PMI : l’instruction des agréments des établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE), des assistants maternels et des assistants familiaux, qui accueillent des enfants à plein temps. Selon l’organisation du département, certaines puéricultrices se dédient même entièrement à cette activité.

Pour les demandes d’agrément, après un premier entretien au sein du service, une part non négligeable de l’évaluation se déroule au domicile des postulantes, le plus souvent de concert avec une EJE. Outre les motivations des candidats, elles s’attachent à apprécier leurs capacités d’organisation, leurs connaissances en matière de gestes de première urgence, mais aussi leurs savoirfaire et savoir-être avec les enfants et les parents. « Nous avons trois mois pour rendre notre évaluation. Ensuite, nous présentons le dossier en commission pluridisciplinaire, qui accorde l’agrément ou le refuse », décrit Antonella Menuge, puéricultrice et responsable du centre itinérant Les Petits Pas, à Étampes, dans l’Essonne. En cas d’accord, les infirmières puéricultrices ont également en charge le suivi et la formation des assistants maternels. Dans ce cadre, environ deux VAD par an sont prévues.

UN TRAVAIL EN INTERDISCIPLINARITÉ

Travailler en PMI suppose donc d’aimer se déplacer puisqu’une part non négligeable des missions se déroule à l’extérieur des services. Résistance physique, tolérance, empathie mais aussi grand sens de l’observation font ainsi partie des savoir-être incontournables. Tout comme la capacité à mener les actions en réseau. « En PMI, nous intervenons souvent en binôme avec d’autres professionnels du service, mais nous sommes aussi à l’interface de tout un panel d’interlocuteurs extérieurs : centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), réseaux de périnatalité, maternités, municipalités, écoles, professionnels des lieux d’accueil parent enfant (LAPE), professionnels libéraux…, avec qui nous entretenons des liens quotidiens. Cela nous permet d’être vraiment dans l’accompagnement des familles et pas dans un accueil ponctuel, et c’est ce qui fait tout l’intérêt d’exercer dans ce cadre », confie Virginie Jeanmet. Participation aux staffs de maternité, aux commissions d’agrément, aux instances profession nelles… ces échanges pluridisciplinaires sont également source de grande satisfaction pour Emmanuelle Bonnet : « Nous avons la chance de pouvoir acquérir un bagage technique qui nous permet un accompagnement ciblé au plus près des besoins des familles. Bien que l’IPDE soit seule au domicile, les décisions importantes et les orientations proposées aux parents se prennent en concertation avec l’équipe disciplinaire. » Entre la polyvalence des missions, l’alternance d’actions collectives et de suivis sur-mesure, et la richesse des publics rencontrés, l’exercice en PMI, certes intense, ne connaît pas la routine.

HISTOIRE

Des actions qui vont s’élargissant

→ C’est au lendemain de la seconde Guerre mondiale qu’apparaissent pour la première fois les services de protection maternelle et infantile (PMI). ils visent prioritairement à lutter contre la mortalité infantile et les inégalités de santé. dans ce but, des consultations de suivi de grossesse et de pédiatrie préventive sont mises en place, ainsi que des visites à domicile par des infirmières.

→ dès l’origine, la notion de maillage de proximité est présente pour faciliter l’accueil inconditionnel et gratuit, grâce à des modalités adaptées aux besoins des populations (permanences avec ou sans rendez-vous de puéricultrices et d’infirmières, durées de consultation plus longues que chez les médecins, consultations itinérantes, etc.).

→ À partir des années 1970, la PMI élargit ses champs d’intervention à la lutte contre la mortalité périnatale et la prématurité, la création de centres de planification et d’éducation familiales, l’implication des services dans l’agrément et le suivi des crèches et haltesgarderies, ainsi que celui des assistantes maternelles.

→ elle étend également son approche médico-sociale à la dimension psycho-éducative et psycho-relationnelle, avec des pratiques attentives à la vie psychique des enfants et à la relation parents/enfants.

→ décentralisée depuis la loi du 23 juillet 1983, la mise en œuvre de la PMI est confiée aux départements.

→ l’organisation du service départemental de PMI, ainsi que les qualifications professionnelles de ses personnels, est encadrée par le code de la santé publique, par un décret paru en 1992.

→ selon ce dernier, la PMI du département doit ainsi disposer d’au moins une puéricultrice (ou une infirmière ayant acquis une expérience appropriée) à plein temps pour 250 nés au cours de l’année précédente. Une norme qui ne serait toutefois pas atteinte dans tous les départements.

→ le gouvernement planche actuellement sur une réforme de la PMI, qui se fonde notamment sur un rapport de la députée Michèle Peyron. parmi les préconisations, ce dernier propose une remise à plat du système économique actuel et une valorisation des actes de prévention des puéricultrices.

FORMATION

Tout pour actualiser ses savoirs

→ Le diplôme d’État de puéricultrice, accessible aux infirmières diplômées d’état et aux sages-femmes, est généralement requis pour exercer en PMI. toutefois, les ide pouvant justifier de connaissances en santé infantile peuvent également être recrutées pour des missions identiques aux puéricultrices, et accéder ensuite à la spécialisation via la formation professionnelle continue.

→ Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) propose différents modules de formation continue à destination des puéricultrices, comme « projet d’accueil individualisé en santé scolaire : législation, élaboration et mise en œuvre », « Mise en œuvre d’une consultation de puériculture dans les services de PMI », « PMI et santé scolaire : renfort et valorisation de la fonction parentale », « accueil en PMI des nouveau-nés en sortie précoce de maternité » ou encore « accompagnement de l’allaitement dans la précarité sociale ».

→ De son côté, l’Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiants (ANPDE) dispose d’un vaste catalogue de formations, accessibles aux puéricultrices, permettant l’acquisition de compétences à l’exercice du métier en PMI : « Mettre en place des consultations de puéricultrices en PMI », « sensibilisation à l’observation du bébé et de l’enfant », « particularités des maisons d’assistants maternels (MAM) dans le paysage des modes d’accueil ».

→ L’accès au grade de cadre de santé peut s’acquérir via l’école de cadre ou la validation des acquis de l’expérience (VAE). pour cette dernière option, l’agent devra aussi satisfaire au concours sur titre (dossier + entretien avec des professionnels du métier).