L'infirmière Magazine_Hors série n° 359 du 01/04/2015

 

SOINS DE SUPPORT

DOSSIER

LISETTE GRIES  

Pourtant reconnus comme essentiels dans la prise en charge du cancer, les soins de support sont loin d’être accessibles à tous les patients. Plusieurs facteurs sont pointés du doigt.

Le baromètre publié fin 2014 par l’Association francophone pour les soins oncologiques de support (Afsos) laisse peu de place au doute. Si la quasi totalité des médecins (96 %) déclare proposer des soins de support à leurs patients, ces derniers ne sont que 61 % à affirmer qu’on les a orientés vers une consultation de psychologie spécialisée. Et cette proportion baisse encore pour les autres soins. Un décalage net existe donc entre la perception du corps médical et celle des malades quant à la mise en œuvre de ces soins.

Les Soins oncologiques de support (SOS) sont tous les soins et soutiens nécessaires aux patients et à leur entourage, tout au long de la maladie et en complément des traitements spécifiques à la pathologie, lorsqu’il y en a. Le plan Cancer 3 (2014-2019) prévoit leur renforcement, dans la continuité du plan Cancer 2. Depuis l’annonce de la maladie jusqu’à la guérison ou à la fin de vie, les patients, ainsi que leurs proches, devraient donc se voir proposer un parcours de soins adaptés à leurs besoins. Lesquels vont de l’onco-psychologie et prise en charge de la douleur, à l’art-thérapie ou à la réflexologie plantaire, en passant par une aide à la réinsertion sociale et la socio-esthétique.

Efficacité prouvée

« Dans les centres hospitaliers spécialisés dans le cancer, on trouve les soins minimums : une consultation d’annonce avec une infirmière spécialisée, la prise en charge de la douleur, de la kinésithérapie, des consultations de psychologie, de diététique et des soins palliatifs. Rarement davantage », regrette le Dr Philippe Colombat, hématologue au CHU de Tours et membre de l’Afsos. Pourtant, les soins oncologiques de support ont fait la preuve de leur efficacité. Ils permettent aux malades de mieux vivre leur cancer, les traitements et leur retour à la vie normale. « Des études montrent même que ces soins ont une incidence sur les symptômes et sur l’efficacité des traitements », souligne Chantal Beauchetet.

Alors, comment expliquer que leur mise en œuvre reste aussi insatisfaisante ? « Il existe d’abord un décalage entre ce que le médecin propose et ce que le patient entend, surtout au moment de l’annonce. Le jargon médical utilisé par le médecin est d’autant moins compréhensible que le patient, venant d’apprendre sa maladie, se trouve en état de sidération », avance Chantal Beauchetet cadre de santé et coordinatrice des groupes régionaux de l’Afsos. La consultation d’annonce avec une infirmière est donc primordiale, prévue rapidement après le rendez-vous avec le médecin. Les infirmières d’annonce sont là pour écouter les besoins du patient et de son entourage, puis l’orienter vers un parcours adapté. Leur expérience professionnelle leur a souvent enseigné l’art de la reformulation, pour s’assurer que les patients ont bien compris ce qu’on leur a expliqué. Les infirmières ont à leur disposition de la documentation à fournir en appui à la conversation. Or, selon les chiffres de l’Afsos, moins de la moitié des malades ont pu bénéficier de cette consultation.

Coordination et disparités territoriales

Certains centres hospitaliers ont mis en place des Départements interdisciplinaires de soins de support aux patients en oncologie (Disspo) qui assurent à la fois les soins et la coordination (lire l’article p. 20). « Mais à côté de cela, les plus petits établissements font un peu comme ils peuvent, et à domicile c’est encore plus compliqué », constate Chantal Beauchetet. Hors milieu hospitalier, cette coordination revient en principe aux Agences régionales de santé (ARS), via les réseaux régionaux de cancérologie, qui peuvent installer des réseaux territoriaux. « Nous menons une mission d’accompagnement, d’information, de soutien, de coordination et d’orientation des patients et de leurs proches, tous âges confondus, en complémentarité des structures en santé, des professionnels libéraux et des acteurs de soins en général, détaille Isabelle Denis, assistante de coordination du réseau Onco 41. Selon les situations des personnes que nous accueillons, nous leur fournissons les coordonnées des professionnels qu’elles peuvent contacter ou nous nous chargeons directement de ce volet organisation. » Si les patients de la région Centre ont à leur disposition un réseau territorial par département, la décision reste entièrement dans les mains des ARS(1). « On assiste à de fortes disparités d’une région à l’autre », regrette le Dr Philippe Colombat.

Quand ils sont ainsi prodigués en dehors du milieu hospitalier, les soins de support permettent aussi de sortir de l’univers des blouses blanches, un atout important pour de nombreux patients qui se sentent écrasés par le médical. « Il n’y a pas de médecin présent au sein de notre espace d’accueil, souligne Isabelle Denis, qui partage la permanence avec une infirmière de coordination, même si tous les professionnels auxquels nous faisons appel sont sensibilisés à la prise en charge de malades du cancer. » Les associations de patients jouent donc un rôle primordial, offrant un large éventail de soins. Atelier magie pour les enfants, séances de zoothérapie, de sophrologie, activité physique adaptée côtoient des consultations d’assistante sociales. Mais, ces associations sont parfois difficiles à identifier par les patients, notamment quand ils n’ont pas pu bénéficier d’une consultation d’annonce(2).

Crispation budgétaire

Et sans surprise, ces associations manquent cruellement de moyens pour assumer leurs fonctions. « Trouver des financements, c’est notre combat quotidien, raconte Marie-Morgane Le Berre, chargée de projet et coordinatrice de l’association Étincelle Languedoc-Roussillon, qui a accueilli plus de mille femmes depuis 2008. Les soins sont gratuits pour les patientes, en dehors des 50 euros d’adhésion annuelle, et les professionnels qui interviennent chez nous sont tous bénévoles. Nous n’avons presqu’aucun partenaire financier fixe, il faut monter des dossiers de subvention et répondre à des appels à projets tous les ans pour continuer à faire vivre notre structure. » Les difficultés budgétaires touchent toutes les associations, quelle que soit leur taille ou leur nature. « L’ARS finance notre association et met à disposition une enveloppe pour les patients dont les mutuelles ne prennent pas en charge certains soins, mais cela ne suffit pas. Nous dépendons aussi de donateurs privés », explique Isabelle Denis, du réseau Onco 41. « À l’hôpital, certaines infirmières d’annonce ont été redistribuées sur d’autres postes jugés plus urgents », dénonce de son côté Chantal Beauchetet. De plus, les soins non remboursés par l’Assurance maladie sont difficiles d’accès pour les patients les plus précaires, ce qui introduit une nouvelle inégalité.

Derrière cette crispation financière, on sent poindre l’idée que les soins oncologiques de support ne sont pas une ligne prioritaire dans les budgets. Ils sont encore souvent vus, soit comme de simples soins de confort, soit confondus avec les soins palliatifs. C’est d’ailleurs à ce stade de la maladie qu’ils sont le plus souvent proposés. « Pour que les soins de support soient généralisés, il leur faut devenir une préoccupation permanente de tous les soignants, insiste Dr Philippe Colombat. Les staffs pluriprofessionnels sont essentiels, il convient d’accorder la parole en premier aux aides soignantes et aux infirmières, parce que ce sont elles qui connaissent le mieux les patients. » Philippe Colombat plaide aussi, avec l’Afsos, pour une évaluation régulière des besoins des malades, afin que les soins puissent s’y adapter, et pour une traçabilité de ces évaluations. « Le patient doit être remis au cœur du soin, cela passe par un management participatif des équipes soignantes », conclut-il.

1- Lire à ce sujet, dans ce numéro, notre article pp 8-9 sur l’accès inégal. aux traitements

2- Lire aussi l’article p. 18 sur les associations de patients.

Plan cancer 2014-2019

L’amélioration de la qualité de vie par l’accès aux soins de support est inscrit dans l’objectif 7 du plan cancer.

AFSOS

Assistance aux soignants

→  Pour aider les soignants dans leurs pratiques, l’Afsos a édité 51 référentiels thématiques, disponibles sur son site internet, et mis à jour régulièrement.

→ Les réseaux régionaux de cancérologie remplissent également une mission d’information et d’aide à la formation des professionnels de santé, parfois concrétisée par des actions menées au niveau territorial. Ainsi, Onco 41 fait remonter aux professionnels de son réseau toute l’information en cancérologie dont il dispose et organise deux rencontres par an.

→ Enfin, l’Afsos a également développé un volet « soutien aux soignants » pour répondre à leur souffrance et à l’épuisement professionnel.

www.afsos.org