L'infirmière Magazine_Hors série n° 359 du 01/04/2015

 

COCKTAIL D’ACTIVITÉS

SUR LE TERRAIN

TÉMOIGNAGE

GENEVIÈVE SCELLIER  

Lorsque moral et force sont au plus bas, un accompagnement physique et psychologique constitue un appui efficace pour aider les patients dans leur lutte contre le cancer. Jacques a retrouvé énergie et espoir grâce au programme anti-fatigue mis en œuvre à la maison Sainte-Catherine, à Avignon. Témoignage de sa femme.

Le diagnostic est tombé le 16 novembre, dans toute sa brutalité : cancer du pancréas. Celui que tout le monde redoute venait de frapper mon mari, Jacques, 68 ans. Lorsque vous entendez ces mots, votre vision de la vie se modifie, la maladie occupe tout l’espace et se met à guider tous vos actes, toutes vos décisions. Vous vous sentez dépossédé, livré à la maladie et aux médecins, contraint de subir sans possibilité d’influer sur le cours des événements.

Le temps presse, les choses vont aller très vite : examens complémentaires, consultations, notre vie est rythmée par les rendez-vous qui s’enchaînent. La tumeur étant circonscrite à la tête du pancréas, sans métastases, l’équipe médicale opte pour l’intervention. Celle-ci sera précédée de quatre cures de chimiothérapie par un protocole plutôt agressif, le Folfirinox, dont les effets secondaires sont nombreux et sévères. Le scanner montre un ligament arqué, une malformation vasculaire gênante qui est levée dans un premier temps opératoire. Lors de la consultation de préchimiothérapie, l’oncologue trouve Jacques dans un état général altéré, après avoir mal récupéré de sa première intervention. Son moral, non plus, n’est pas très bon, Jacques se sent très fatigué et découragé. L’équipe lui propose alors d’intégrer le programme anti-fatigue, mis en place à la maison Sainte-Catherine, à Avignon, par un médecin et une kinésithérapeute (lire page suivante) et destiné aux patients en rémission ou en cours de traitement.

Effets immédiats

Après un bilan cardiovasculaire réalisé systématiquement, Jacques débute ce programme qui se compose de deux séances hebdomadaires de deux heures d’activité physique en petits groupes. Parallèlement, les chimiothérapies débutent, à raison d’une cure tous les quinze jours. Dès le début des séances, le ressenti est positif : fatigue physique certes, mais aussi détente, sensation de bien-être, satisfaction de se sentir capable de réaliser les exercices. Rapidement, Jacques décide d’assister à chaque séance, même pendant ses périodes de cures de chimiothérapie. Doit-on en déduire une relation immédiate de cause à effet ? Pas si sûr, mais force est de constater que les effets secondaires annoncés sont d’emblée beaucoup plus discrets que prévus et restent tolérables. La fatigue est certes présente, mais les actes de la vie courante redeviennent possibles : jardinage, bricolage, sorties, maintien de la vie familiale et sociale… Et conséquence non négligeable, les séances de chimiothérapie sont abordées sans angoisse.

Regain d’espoir

Au fil des séances, la condition physique de Jacques s’améliore, ses forces reviennent, lui permettant de vivre presque « comme avant », comme si la maladie n’était plus, du moins à la première place. L’espoir de parvenir à surmonter cette épreuve renaît petit à petit. La volonté de Jacques, son courage face à la maladie, sa détermination à lutter contre elle et à ne pas se laisser abattre sont des déterminants importants. Le traitement homéopathique préventif des effets secondaires (nausées, diarrhée, lésions buccales et fatigue) a certainement joué, lui aussi, un rôle précieux. Cependant, l’élément déclencheur de ce processus est bel et bien la participation de Jacques au programme anti-fatigue de la maison Sainte-Catherine. Aujourd’hui, la tumeur s’est calcifiée sous l’effet de la chimiothérapie, l’intervention est programmée, l’avenir a un sens malgré les obstacles qui restent à franchir.

RÉÉDUCATION

LE CORPS MALMENÉ… RETROUVÉ

Le programme d’activités physiques est adapté à chaque patient. Initié en 2006, il a déjà concerné 500 patients et les résultats au plan thérapeutique ont été publiés.

Implantée au sein de l’institutSainte-Catherine, spécialisé dans le traitement du cancer, la maison Sainte-Catherine est dirigée par le Dr Daniel Serin, cancérologue et Joëlle Duret, kinésithérapeute. Cette structure propose un programme de rééducation composé de deux séances hebdomadaires de deux?heures, dès l’annonce du diagnostic. Ces dernières sont prescrites par le médecin oncologue référent et réalisées dans une structure adaptée avec un kinésithérapeute formé à cette prise en charge.

Du sur-mesure

→ Une partie des exercices concerne tous les participants, une autre est ciblée en fonction du type de cancer, par exemple un travail spécifique pour les femmes atteintes d’un cancer du sein en prévention du lymphœdème.

→ Après la prise de tension artérielle de chaque participant, la séance débute par 20 minutes d’échauffement sous forme d’étirements.

→ Elle se poursuit par 40 minutes de travail d’endurance d’intensité progressive sur appareils : vélos et tapis de course. Le rythme est adapté à chacun selon son état physique.

→ Des exercices au sol sont également réalisés : renforcement segmentaire et musculaire, rééducation de l’équilibre et de la coordination, travail des abdominaux, auto-massage, pilates.

→ Chaque séance se termine par un temps de relaxation. Tous les exercices ont pour objectif d’aider les patients à se réapproprier leur corps malmené par la maladie et les traitements.

→ Le programme est complété par des informations livrées au patient sur l’hygiène de vie, en particulier sur la nécessité de poursuivre une activité physique et sportive au-delà du programme de rééducation.

Une meilleure qualité de vie

→ Plusieurs études ont, en effet, montré que les personnes pratiquant une activité physique ont un risque de mortalité par cancer significativement plus faible que les inactifs.

→ La rééducation adaptée pendant et après le traitement améliore la qualité de vie avec des bénéfices sur l’anxiété, la dépression, le sommeil, l’image du corps et le bien-être. Elle diminue la sensation de fatigue sans effet secondaire, réduit le risque de mortalité et le taux de récidive. L’activité physique adaptée joue un rôle thérapeutique et améliore le pronostic des cancers de la prostate et du colon.

→ Les responsables de ce programme ont, pour leur part, déjà publié les résultats suivants : une amélioration de la synthèse protéique des muscles, du rendement cardiaque et de la fonction cardiorespiratoire ;une limitation de la fonction œstrogénique et de l’ostéoporose ; une diminution de doses d’insuline et de l’insulino-résistance ; une meilleure captation du glucose. G. S.

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