En Haute-Garonne et dans le Gers, des infirmières libérales se réunissent dans des associations articulées au sein de Sideral santé(1). Elles s’y forment, s’informent et initient une amélioration de la prise en charge. Entretien avec Sophie Beauverger(2), responsable de la commission formation.
L’INFIRMIÈRE MAGAZINE : Quelle est la spécificité de Sideral santé ?
Nous souhaitons promouvoir le maintien à domicile via la formation, la permanence des soins (qu’il s’agisse de fournir les coordonnées d’une Idel à un patient ou de répondre à la demande d’un professionnel sur un soin), ainsi que par le dossier de soins. Sideral santé réunit quatorze associations, dont onze groupements locaux d’Idel, chacun basé sur un territoire, et trois associations thématiques : DomCica, dédiée aux plaies et cicatrisation ; Asteria(3), pour la promotion de la santé ; et Pharmasoins 31, spécialisée dans l’approvisionnement en médicaments et matériel. Chacune a son autonomie, mais est représentée au conseil d’administration du collectif. Cela nous permet de réunir quelque 300 Idel, d’élaborer nos formations et ateliers en interne, de partager l’info dont nous disposons via une chaîne d’emails (congrès, actualité de la profession, évolution des textes officiels, etc.), tout en restant proches des besoins de terrain.
L’I. M. : Qu’est-ce qui incite des Idel à fournir ce travail bénévole ?
C’est délicat, il s’agit toujours d’inciter sans imposer. Mais nous sommes conscientes de nos responsabilités et de nos obligations pour permettre une bonne qualité de soins. L’échange contribue aussi à mettre en évidence nos besoins, voire les risques que la pratique à domicile nous fait courir. Si on ne discute pas, on croit qu’on est seule face à un problème alors que d’autres consœurs le rencontrent. Par exemple en ce qui concerne les prescriptions d’anti-vitamines K, pour lesquelles les médecins ne respectent pas les recommandations officielles. Nous avons aussi observé que nos connaissances en pharmacologie étaient très mauvaises. Nous avons donc organisé des ateliers au cours desquels nous révisons nos connaissances, en partant des produits prescrits à nos patients. Nous complétons ensuite nos informations par des ouvrages et des recherches en ligne. C’est très facile d’apprendre quand on travaille ensemble. Et à partir du moment où nous partageons les mêmes valeurs, on va avoir les mêmes comportements et les prises en charge s’harmonisent automatiquement.
L’I. M. : Laquelle de vos actions a eu le plus d’impact en termes d’harmonisation des pratiques ?
Sans conteste, c’est le dossier de soins, que nous avons élaboré et qui est distribué depuis une dizaine d’années par un éditeur professionnel. Ce document a apporté une traçabilité formidable à tous nos actes. Quand on écrit et trace, on se pose davantage de questions. Le dossier permet d’améliorer notre échange avec le généraliste et les autres intervenants en santé. Par exemple, j’ai relevé récemment chez une patiente l’emploi d’une molécule dont je savais qu’elle était inadaptée à sa situation. J’ai demandé au médecin via le dossier de soins depuis quand ce médicament était prescrit et pourquoi. Cela a suffi pour qu’il vérifie et arrête le traitement. Ce dossier a aussi beaucoup organisé notre travail. Avant lui, nous ne savions même pas ce qu’était une transmission ciblée. Aujourd’hui, 80 % de nos adhérentes utilisent un dossier de soins. Nous faisons également un gros travail en gestion des risques. J’ai moi-même passé un master sur ce sujet, nous avons élaboré des fiches d’évènements indésirables et nous travaillons à une cartographie des risques au domicile. Tout cela débouchera sur des protocoles précis, validés avec les médecins, afin d’harmoniser nos prises en charge et d’améliorer la qualité et la sécurité du soin à domicile.
1 - Structure interdisciplinaire et regroupement d’acteurs libéraux de santé.
2 - Également inscrite au master spécialisé Gestion des risques en milieu de soins.
3 - Améliorer la santé tous ensemble réseau information action.
→ Le blog de Sideral santé :
→ Le site de Sideral santé :
Sideral santé élabore en ce moment une démarche qualité pour les Idel. Elle pourrait être finalisée fin 2018 et mise gratuitement à disposition de la profession. « La spécificité par rapport aux hospitalières, ce sera évidemment la dimension de l’intervention à domicile, qui implique des limites et contraintes, ainsi qu’une organisation spéciale, précise Philippe Bordieu, formateur, administrateur de l’Anfiide(1) et qui travaille sur ce projet avec Sidéral. En outre, il nous faudra prendre en compte une dimension organisationnelle propre. Par exemple, nous inclurons la nécessité de satisfaire à la démarche RGPD(2) dans notre grille d’auto-évaluation. » Le référentiel se fondera évidemment sur la démarche pré-existante de la Fédération nationale des infirmiers, les travaux du Conseil international des infirmières, le code de déontologie et de nombreuses références documentaires.
1 - Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et étudiants.
2 - Règlement général sur la protection des données.