PLURIDISCIPLINARITÉ
DOSSIER
Si, contrairement aux médecins libéraux et pharmaciens, les Idel ne sont pas soumises aux contraintes d’harmonisation des pratiques par l’Assurance maladie, la notion peut les concerner directement, notamment dans le cas des maisons de santé pluridisciplinaires.
Réaliser au moins deux dosages de l’hémoglobine glyquée chez les patients diabétiques, prescrire des traitements de l’asthme ou de l’incontinence urinaire dans le répertoire des génériques, vacciner plus des trois quarts des patients de plus de 65 ans contre la grippe… Voici quelques-uns des objectifs auxquels sont soumis les médecins par l’Assurance maladie au travers de la Rosp(1), mise en place en 2012 et qui leur rapporte, cette année, 4 500 € de prime en moyenne. Un dispositif similaire a été mis en place pour les pharmaciens mais rien n’a encore été initié pour les Idel même si, au sein de l’Assurance maladie, l’idée semble faire son chemin.
En revanche, ce qui existe déjà pour les infirmières, ce sont les entretiens réalisés par les délégués de la CPAM dans les cabinets. Ces derniers ont notamment pour mission de rappeler aux Idel les recommandations de bonne pratique pour les pansements depuis que la profession a gagné le droit de les prescrire. « Ce n’est pas toujours bien vécu par les infirmières, qui se voient dirigées dans leur pratique quotidienne par des administratifs qui n’y connaissent pas forcément grand-chose et qui se contentent de distribuer des plaquettes », souligne Catherine Kirnidis, présidente du Sniil(2).
En l’espèce, même si ces recommandations proviennent de la HAS(3), l’objectif premier de la Sécurité sociale est de faire des économies. « Ce sont des recommandations que les Idel connaissent déjà, rappelle Catherine Kirnidis. Mais il ne faut pas oublier qu’on ne peut pas toujours plaquer une recommandation sur la réalité du terrain. Si une plaie est très exsudative, ce n’est pas parce que la recommandation est de refaire un pansement tous les trois jours qu’on ne va pas le faire tous les jours. » Pour autant, l’harmonisation des pratiques entre soignants peut aussi parfois venir du terrain, notamment quand elle répond à un besoin. Michèle Andrieu est Idel dans une maison de santé pluridisciplinaire (MSP) à Carbonne, en Haute-Garonne. L’établissement compte trente professionnels de santé, dont six infirmières. « Entre Idel, nous faisons chaque jour, en fin de matinée, un bilan pour discuter des prises en charge, explique-t-elle. Harmoniser les pratiques autour du patient dans une maison de santé, cela va dans le sens de l’histoire même si, nécessairement, cela prend plus de temps. »
Dans ce contexte, l’harmonisation dépasse même la profession infirmière et rejoint une préoccupation des médecins généralistes. « Dans une maison de santé, l’idée est qu’un patient puisse être pris en charge par n’importe quel praticien dans une parfaite continuité des soins, décrit le Dr Sophie Renard, l’un des sept médecins généralistes. Cela passe notamment par un logiciel partagé et une réflexion commune sur les référentiels et les recommandations. » Depuis l’ouverture de la maison de santé, en février 2017, les médecins se réunissent toutes les semaines durant une heure trente pour « apprendre à travailler ensemble ». Maintenant que cette routine est installée, l’équipe veut « essayer de réfléchir de façon pluriprofessionnelle ». Un projet de « dossier domicile partagé », auxquels auraient accès tous les acteurs de la prise en charge du patient, dont les Idel du canton, même celles qui n’exercent pas dans la MSP, est en cours. Mais cette initiative a rarement d’équivalent entre ville et hôpital. « Il n’y a pratiquement jamais de fiche de liaison entre l’hôpital et la ville, déplore Michèle Andrieu. Nous avons la chance d’avoir des médecins disponibles à la MSP pour débloquer les choses. » Cette Idel a décidé de suivre une formation pour prendre un poste Asalée(4) dans la MSP à l’automne, avec l’espoir que ce dispositif permette justement de faciliter l’harmonisation des pratiques pour les malades chroniques. Celle-ci se heurte aussi parfois aux contraintes pratiques : les pansements commandés par les pharmacies hospitalières ne sont pas toujours disponibles à la prescription en ville ou ne sont pas remboursables. « Les pratiques de l’hôpital ne sont pas transposables car, en ville, les infirmières ont une plus grande latitude d’initiative », relativise néanmoins Catherine Kirnidis.
1 - Rémunération sur objectifs de santé publique.
2 - Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux.
3 - Haute Autorité de santé.
4 - Action de santé libérale en équipe.