CANCER DU SEIN
L’AMBULATOIRE
PARCOURS DE SOINS
L’Institut Paoli-Calmettes est parvenu à dessiner un parcours balisé entre la ville et l’hôpital, pour les patientes traitées en chirurgie ambulatoire. Un exemple de coopération réussie entre les acteurs où la participation de patiente est également essentielle.
Il y a sept ans, à Marseille (13), l’Institut Paoli-Calmettes (IPC) – le centre régional de lutte contre le cancer Provence-Alpes-Côte d’Azur – se lançait un défi : créer un parcours de soins personnalisé autour d’un patient opéré en ambulatoire et dont le séjour à l’hôpital dure tout au plus huit heures. Aujourd’hui, pour la majorité des quelque 1 400 nouvelles patientes soignées chaque année pour un cancer du sein dans cet établissement, ce parcours balisé entre ville et hôpital est devenu réalité. « Lorsque la patiente nous est adressée, dans la majorité des cas, l’annonce de la maladie a été faite. N’étant plus dans l’état de sidération provoqué par cette annonce, elle est plus réceptive à la présentation du parcours de soins », confie le Dr Monique Cohen, chirurgien-sénologue(1), qui reçoit chaque patiente pour une consultation liminaire.
L’infirmière coordinatrice entre alors en scène. C’est elle qui organise l’hospitalisation et explicite le plan de soins à la patiente dans ses moindres détails. Elle est, à ce stade, une balise essentielle du parcours, car une fois la date de l’intervention fixée, il ne reste plus en moyenne que 15 jours à la patiente pour se préparer. C’est le moment de se préoccuper avec l’intéressée du choix d’une infirmière libérale. Si elle n’est pas déjà en contact avec une Idel, l’infirmière coordinatrice propose à la patiente – qui reste souveraine dans son choix – de recourir à l’Ilhup, un réseau de santé polyvalent venant en appui des professionnels de santé(2) fort de 1 600 adhérents. Le circuit est formalisé.
Parallèlement, le médecin traitant est prévenu par courrier(3). L’Idel, elle, reçoit en amont des éléments techniques sur l’intervention et est informée de la date prévue de la sortie. Le jour « J », le protocole s’enchaîne rapidement. Après la tumorectomie et l’exérèse du ganglion sentinelle, la patiente regagne la salle de réveil puis est déclarée « apte à la sortie » après vérification des constantes et d’une check-list par l’IDE. Cette dernière lui remet un numéro d’urgence et un livret pour l’Idel. Une fois revenue à domicile, la patiente reçoit la visite de son infirmière qui a déjà reçu sous format numérique le protocole de soins. « Il est en effet difficile à l’Idel, lors de sa tournée du soir, de prendre connaissance de l’ensemble du dossier papier que lui tendra la patiente », explique Stéphane Fabries, directeur du réseau Ilhup.
Dans le cas de chirurgie complexe, des informations de suivis supplémentaires ainsi que des bonnes pratiques de surveillance sont communiquées aux Idels par le réseau Ilhup. « Nous nous tenons à leur disposition pour toutes remontées techniques ou problème de compréhension des consignes », précise David Ramirez, Idel et coordinateur du réseau. Ilhup peut même, sur demande de l’Idel, proposer un accompagnement plus spécifique. « C’est une sorte de compagnonnage. Si l’Idel éprouve des difficultés au lit de la patiente, nous dispensons par téléphone des conseils et, au besoin, nous détachons un infirmier accompagnateur. Cela permet à la patiente de conserver son infirmière », expose David Ramirez, citant l’exemple des stomathérapeutes qui peuvent être ainsi sollicitées. Il en est de même pour les patientes souffrant de brûlures ou présentant des problématiques de cicatrisation. Dans tous les cas, l’Idel ne sera pas laissé seul face à ses questionnements. L’Ilhup dispose d’ailleurs d’une enveloppe, accordée par l’ARS, pour intervenir sur ces cas précis. Loin d’être une structure fermée, qui épuiserait donc rapidement ses ressources, le réseau dispose d’Idels formées à des compétences spécifiques à même d’accompagner leurs collègues. Une manière de valoriser leur formation, mais aussi « de faire des actes qui les passionnent », précise le coordinateur du réseau. L’Idel peut également compter sur l’appui de l’hôpital. En cas de problème de cicatrisation, elle pourra s’en référer au service de chirurgie. Si les Idels mettent de l’huile dans les rouages tout au long du parcours de soins, cet investissement serait vain si la patiente n’y participait pas activement. Ceci est particulièrement vrai lorsqu’une chimiothérapie orale figure dans le plan de soins(4) ou pour les personnes âgées de plus de 70 ans traitées uniquement par thérapie orale. Dans ce cas, la patiente ne sort pas des radars de l’hôpital. Une fois par semaine, elle reçoit un appel téléphonique de l’infirmier coordinateur. « Nous recueillons les données et essayons, grâce à nos techniques d’écoute et de reformulation, de repérer certaines informations qui ne sont pas explicitement formulées par le patient. Ainsi, si une patiente nous donne comme indication qu’elle prend bien son traitement de chimio orale à la fréquence voulue, nous vérifions la véracité en lui demandant combien de comprimés restent dans sa boîte », développe Éric Cini, infirmier coordinateur de l’IPC.
Ce contact régulier permet d’abord de s’assurer de la bonne observance. Dans le cas contraire, l’infirmière coordinatrice peut sonner l’alarme auprès des médecins hospitaliers (chirurgiens, oncologues) qui pourront alors, à nouveau, convoquer le patient. C’est aussi un bon moyen de détecter des effets indésirables, et constitue dès lors un relais essentiel de pharmacovigilance. L’IPC a d’ailleurs lancé, en 2015, une initiative inédite. « Il s’agit d’inciter les patients à nous signaler eux-mêmes, en consultation auprès des IDE ou à leur domicile, les effets secondaires des thérapies ciblées dispensées en ville. Cette démarche contribue, via l’autosurveillance des patientes, à une meilleure connaissance de la tolérance des médicaments anticancéreux », explique Ségolène Duran, pharmacienne de l’IPC qui regrette néanmoins que toute les patientes ne saisissent pas la portée collective de leur déclaration. D’ailleurs nombreuses sont encore celles qui n’osent pas parler des effets secondaires à leur oncologue. « 25 % des patientes sous hormonothérapie cessent même leur traitement à cause d’eux sans en informer leur médecin », déplore la pharmacienne. Elle indique cependant qu’une jeune association de patients(5) s’investit désormais dans la récolte des effets secondaires. Un nouveau vecteur de communication qui ne peut être que bénéfique tant les médecins de ville et les pharmaciens d’officine restent encore trop à l’écart de cette démarche de pharmacovigilance.
Cette initiative pose les jalons de la quatrième phase du parcours de la patiente. Elle consiste en « une consultation dédiée à la sortie de traitement et au cours de laquelle un plan de surveillance est donné de la même manière qu’un plan de suivi de traitement », décrit le Dr Monique Cohen. La sénologue est formelle : grâce à cette implication dans leur traitement, les patientes ont de meilleures chances de réhabilitation. Mais avec 15 % de récidives, le suivi de l’ensemble des patientes s’impose. La médecine de ville (médecin généraliste, gynécologue, radiologue) est à nouveau impliquée pour une surveillance planifiée même si les patientes sont invitées à une consultation annuelle à l’hôpital au cours des cinq premières années. Quant aux 85 % qui sont guéries, il importe qu’elles ne vivent plus dans le stress de la maladie. « Nous aurions sinon raté notre but », lâche le Dr Monique Cohen.
1- Service de chirurgie dirigé par le Pr Gilles Houvenaeghel.
2- Ce réseau émane de l’association Ilhup – Intervenants libéraux et hospitaliers unis pour le patient (www. reseauilhup.com).
3- La version électronique n’est pas encore appliquée, car trop de praticiens ne disposent pas encore de messagerie sécurisée.
4- Soit 10 à 15 jours après l’intervention.
5- Association Restart (association.restart@gmail.com)
1- Ce projet rassemble une demi-douzaine de CHU et de cliniques à travers la France.
2- Elle est née dans le cadre d’un appel à projet de l’InCa lancé en 2015.
« Depuis 2013, l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) porte un projet interétablissements, que je coordonne, dédié à l’éducation thérapeutique des patients sous thérapie orale anticancéreux(1). Pour compléter cette démarche, le CHU de la Timone coopère depuis fin 2016(2) avec le réseau de santé polyvalent Ilhup afin de coordonner la prise en charge de patients atteints d’un cancer (principalement des cancers urologiques, gynécologiques et du sein) bénéficiant d’un traitement oral à domicile. Concrètement, les pharmaciens hospitaliers sont en lien avec leurs collègues d’officine pour les former sur les différents traitements et faire en sorte qu’il n’y ait pas de rupture dans l’approvisionnement.
Les infirmières sont, elles, recrutées et formées par Ilhup selon des indicateurs de suivi que nous avons déterminé avec le réseau. Pour elles, l’objectif est notamment de réassurer la patient et de déceler les effets indésirables du traitement, qui pourraient conduire à son l’arrêt, et de les gérer grâce à un arbre décisionnel que nous avons aussi bâti. Après chaque visite, l’infirmière contacte l’Ilhup afin d’échanger sur le diagnostic clinique infirmier qu’elle a établi et inscrit ses observations et actions dans la carnet de bord patient. Ilhup nous fait ensuite remonter toutes les informations afin qu’elles soient tracées dans le dossier patient. Ce carnet de bord permet au praticien d’avoir une vision précise de l’observance de son patient et des différents problèmes qu’il a pu rencontrer.
D’après les premiers retours de nos patients, ce dispositif correspond à une réelle attente. Et à l’hôpital, de l’avis du personnel soignant, cette coordination avec la ville est vue comme un chaînon qui jusqu’ici manquait. »
PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOISE VLAEMŸNCK