L'infirmière n° 001 du 01/10/2020

 

MAISON DE SANTÉ PLURIPROFESSIONNELLE

J’EXERCE EN LIBÉRAL

ORGANISATION

Laure Martin  

La mise en place d’un comité de représentants des usagers n’est pas l’apanage des établissements hospitaliers. En libéral, au sein d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP), la démarche est tout à fait possible même si certains freins limitent leur étendue.

Impliquer les patients dans la vie d’une maison de santé pluriprofessionnelle (MSP) ne coule pas de source. Contrairement aux établissements de santé, il n’existe pas de cadre juridique pour une représentation des usagers en libéral. « Elle ne peut donc se mettre en place et fonctionner qu’à la demande et avec la volonté des professionnels libéraux de la MSP », souligne Philippe Flammarion, président de l’Association des représentants des usagers dans les cliniques, les associations et les hôpitaux de Bourgogne-Franche-Comté (ARUCAH). Elle peut prendre la forme d’un comité de représentants des usagers. Cette instance de participation et d’échanges permet aux usagers de s’exprimer, donner leur point de vue et débattre avec les professionnels de santé sur le fonctionnement de la structure, sur les prises en charge, sur les parcours patients, afin d’être force de propositions.

UN PANEL REPRÉSENTATIF

Pour donner vie à ce comité, les soignants de la MSP devront d’abord réfléchir à sa composition. Afin d’en recruter les membres, ils pourront ensuite déposer en salle d’attente une annonce ou un dépliant expliquant le but et le fonctionnement de l’instance. « Avoir un panel représentatif des usagers est déterminant », conseille Jean-Luc Plavis, patient-expert dans le psycho-traumatisme. En effet, certains patients se rendent occasionnellement au sein d’une MSP, tandis que d’autres viennent en prévention, ou pour la prise en charge de leur maladie chronique. Cette diversité des profils doit être représentée au sein du comité car les usagers, en fonction de leurs besoins, ne vont pas prêter attention aux mêmes détails. Mais cette diversité peut aussi être contraignante « car lorsque le comité rassemble des personnes aux objectifs différents, la cohésion peut être plus difficile à trouver », prévient Jean-Luc Plavis. Aussi, au préalable, les professionnels de santé doivent-ils réfléchir précisément aux profils des membres qu’ils souhaitent regrouper, à leurs attentes, et se mettre d’accord sur la question.

Le comité de représentants des usagers peut par ailleurs devenir une instance intégrée à la gouvernance de l’association. Celle-ci peut d’ailleurs prévoir, dans sa structuration juridique, qu’un ou deux usagers – notamment les plus participatifs – siègent au conseil d’administration, ne serait-ce qu’avec un « simple » avis consultatif afin d’émettre des propositions. L’objectif est cependant de veiller à ce qu’ils trouvent leur place dans la structure. « Tout est affaire de relations interpersonnelles, prévient Philippe Flammarion.

Mais il est impératif que les représentants des usagers se sentent libres de parole vis-à-vis de la communauté professionnelle. »

LES DIFFÉRENTES ACTIONS

Plusieurs actions peuvent être confiées au comité des usagers. Par exemple, la réalisation d’un questionnaire de satisfaction sur le fonctionnement de la MSP, l’accueil au sein de la structure, son aménagement. Le rôle de la MSP étant de réfléchir au parcours de santé des patients, le comité peut aussi participer à la réflexion sur la fluidification des parcours, la coordination, la mise en place d’ateliers d’Éducation thérapeutiques du patient (ETP). Les soignants peuvent également soumettre au comité des questionnements qui touchent à la promotion de la santé, à la prévention ou à la santé publique, l’objectif étant de savoir s’ils répondent aux problématiques du territoire à l’échelle de la MSP, notamment identifiées par les usagers.

Le champ d’intervention du comité peut donc être très large, et le rôle des usagers peut être déterminant, en particulier si le comité est considéré comme un outil de concertation et d’échanges entre les citoyens du quartier, les professionnels de santé et les autres acteurs de la ville comme le Centre communal d’action sociale (CCAS), les élus, etc. Pour un fonctionnement optimal du comité, les professionnels de santé doivent être volontaires, convaincus de la plus-value de la consultation des usagers dans leur fonctionnement, et ne pas la subir. La présence d’une coordinatrice au sein de la structure peut faciliter la mise en œuvre car « son organisation peut être chronophage et avoir un coût », souligne Jean-Luc Plavis. D’autant plus que les professionnels de santé ne sont pas forcément habitués à monter des groupes de travail avec des usagers. La question du secret médical peut aussi se poser et doit être anticipée, par exemple avec la signature d’un formulaire de confidentialité.

UNE PRÉSENCE OFFICIELLE AU SEIN DES CPTS

Si au sein des MSP, les représentants d’usagers ne revendiquent pas nécessairement une place officielle, c’est en revanche le cas au sein des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). « Ce n’est pas dans un objectif de pouvoir, informe Philippe Flammarion. Il appartient, bien entendu, aux professionnels de santé de s’organiser et de gérer la CPTS. En revanche, les usagers peuvent apporter une plus-value en matière de prévention, de promotion de la santé, d’ETP, autant de thématiques faisant partie des missions des CPTS. » Et de poursuivre : « Ce qui nous déroute, c’est l’absence de directives. Certes, nous disposons d’un système de santé très réglementé, je ne vais donc pas déplorer l’absence de directive concernant la présence des usagers au sein des CPTS. Néanmoins, le choix a été de faire confiance aux professionnels de santé libéraux pour s’organiser. Ils devraient donc au moins se poser la question de l’intérêt de donner une place aux usagers, sous quelle forme et pour quels objectifs. » « La CPTS n’est pas qu’une affaire de libéraux », renchérit le Dr Patrick Vuattoux, médecin généraliste à la MSP Saint Claude à Besançon (Bourgogne - Franche-Comté) et vice-président d’AVECSanté. « Il s’agit d’un espace où les collaborations doivent permettre de tisser des liens et faciliter les services aux patients. La présence d’un collège des usagers paraît donc évidente afin de faire vivre la démocratie participative avec les libéraux, les hospitaliers, les élus, et elle doit, contrairement à la MSP, être formalisée en raison des enjeux politiques. »

AVIS DE L’EXPERT

“Le comité des usagers n’a pas besoin d’être formalisé”

Dr Patrick Vuattoux, médecin généraliste à la MSP Saint Claude à Besançon (Bourgogne Franche-Comté), vice-président d’AVECSanté

« Entre décréter la mise en place d’un comité de représentants des usagers au sein d’une MSP et permettre la participation réelle des usagers à la réflexion, il y a deux mondes. Au sein de notre structure, nous avons mis en place un comité d’usagers, avec des patients qui avaient individuellement manifesté un intérêt pour les problématiques de santé. Ils se sont regroupés en association pour percevoir un financement de l’agence régionale de santé (ARS), ce qui n’a pas plu à certains, qui auraient préféré une participation ponctuelle. Une sorte de rivalité de pouvoir est née au sein de l’association. Elle a alors cessé de fonctionner. Mais la participation des usagers a repris plus naturellement. Certains nous ont signalé un problème sur les sorties d’hospitalisation. Nous leur avons donc demandé s’ils souhaitaient travailler sur cette question ensemble. Nous leur avons laissé la main pour mener une enquête. Ces mêmes personnes nous ont ensuite dit être intéressées pour connaître plus précisément notre travail, l’organisation des ateliers d’Éducation thérapeutique du patient (ETP), des consultations non programmées. Ils nous ont proposé de rédiger un petit journal pour informer l’ensemble des patients. Il faut savoir saisir les volontés au moment où elles se manifestent. Autre exemple : l’une de nos patientes a participé à un atelier d’ETP sur la souffrance au travail, qui lui a fait tellement de bien qu’elle a souhaité aider les autres patients. Aujourd’hui, elle gère les séances, sans pour autant faire partie d’un comité des usagers “officiel”. Nous sommes formatés à formaliser alors que les usagers souhaitent simplement avoir l’opportunité de participer. Nous sommes donc passés d’un comité, à une forme de participation des usagers sans nom. Pour que cela fonctionne, il faut néanmoins une ouverture, des signes concrets de la part des soignants pour que les usagers soient au courant de cette possibilité qui s’offre à eux. »

©photo : AVECSanté

Aller + loin

• Retour sur un cas concret de mise en oeuvre d’un comité de représentants des usagers au sein de la MSP de Saint-Claude à Besançon : bit.ly/31nq52M

• ARUCAH : arucah.fr

• France Assos Santé : france-assos-sante.org

• AVECSanté : avecsante.fr

TÉMOIGNAGE D’UNE IDEL

“Le parcours de santé doit être co-construit avec l’usager”

Florence Delcey, infirmière libérale à Besançon (Bourgogne-Franche-Comté), coordinatrice d’un groupe de travail sur la constitution d’une Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS)

« J’exerce en cabinet de groupe avec une consœur en exercice isolé. Mais nous avons beaucoup de liens avec les Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) des alentours. Et je suis également coordinatrice d’un groupe de travail qui réfléchit à la construction d’une CPTS sur le territoire de Besançon. Dans le cadre de mon exercice, je considère que l’usager a toute sa place dans la co-construction de son parcours de santé. C’est pour cette raison qu’il doit également l’avoir dans la gouvernance des CPTS dont la mission est de répondre aux besoins de santé d’un territoire. Qui de mieux placés que les usagers pour les identifier ? Il s’agit vraiment de la co-construction d’un parcours de santé avec l’usager au centre, qui s’articule avec tous les acteurs. Mais, actuellement, au sein du groupe de travail sur la future CPTS, composé de médecins, pharmaciens et infirmiers, nous sommes en désaccord sur le mode de gouvernance. Nous réfléchissons notamment à la mise en place d’un collège des usagers avec une voix décisionnaire mais non majoritaire. Deux médecins s’y opposent et ne souhaitent lui attribuer qu’une voix consultative. Pour la majorité d’entre nous, le risque est de retomber dans les travers actuels du tout libéral. N’étant pas parvenus à nous entendre, l’agence régionale de santé, qui a impulsé cette réflexion, va organiser un groupe de travail plus large avec éventuellement la nécessité de trancher par vote. »

©photo : Florence Delcey

LE CARNET DE BORD DE MARIE-CLAUDE DAYDÉ, infirmière libérale

[ Cotation ]

Suite au BSI, un patient dépendant relève d’une prise en charge légère (BSA). Peut-on facturer en plus du forfait les prélèvements sanguins et les injections d’héparine à bas poids moléculaire que nous effectuons régulièrement ? Ou est-ce que ces cotations sont réservées aux prises en charge lourde (BSC) ?

Depuis le 1er janvier 2020, certains actes techniques (code AMX), dont les prélèvements sanguins, sont cumulables à taux plein avec le forfait (ou l’AIS). Ce, quel que soit le forfait : A, B ou C. Depuis le 1er mai dernier, de nouveaux actes techniques sont devenus cumulables avec le forfait (ou l’AIS), notamment les injections intramusculaires, intradermiques ou sous cutanées (exemple : les HBPM). C’est aussi le cas des injections d’insuline et de la réalisation des contrôles extemporanés pour les patients nécessitant une adaptation des doses d’insuline. Toutefois, l’article 11B de la NGAP s’applique, et le 2e acte est alors coté à 50 % de son coefficient. Pour mémoire, à chaque déplacement, les indemnités de déplacement et les majorations sont facturables en plus du forfait.

[ Vu ]

À PROPOS DE MAJEUR PROTÉGÉ

Un patient majeur, sous tutelle, attend impatiemment la réévaluation de cette mesure de protection. Bien que ses facultés mentales restent défaillantes, il a préparé une lettre pour dire ce qui ne lui convient pas. Sa sœur lui explique qu’étant donné ses défaillances il ne sera pas entendu à l’audience. Ce dont doute l’infirmière qui lui prodigue des soins. En effet, le juge des tutelles doit entendre la personne protégée tant avant le prononcé de cette mesure qu’à l’occasion de son renouvellement. Des dérogations existent. Elles sont contrôlées et peuvent être sanctionnées. Il s’agit de situations où l’audition du patient est « de nature à porter atteinte à sa santé ou s’il est hors d’état d’exprimer sa volonté » (Art. 432 du Code civil). Par ailleurs, cette dérogation est émise « sur avis d’un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République » (Art. 431 du Code civil). La personne à protéger peut-être accompagnée par un avocat ou, sous réserve de l’accord du juge, par toute autre personne de son choix. Lorsque leur parole n’est pas ou peu entendue, il s’agit souvent d’une souffrance supplémentaire pour ces personnes. Dommage !