De plus en plus de départements salarient des généralistes pour qu’ils travaillent dans les déserts médicaux. Bonne nouvelle pour les infirmières ?
Face à une démographie médicale plus que jamais en berne, certains départements ruraux ont décidé de prendre le taureau par les cornes en créant euxmêmes des centres de santé. L’idée ? Salarier des généralistes et les positionner dans les territoires où les besoins sont les plus criants. La Saône-et-Loire, la Corrèze, l’Orne, la Vendée ou encore la Dordogne ont franchi le pas ou s’apprêtent à le faire, redonnant le sourire à une patientèle qui se sentait délaissée… mais aussi aux Idels.
« Cela apporte beaucoup, car nous vivons une véritable pénurie de médecins, indique par exemple une infirmière libérale installée à Digoin, en Saône-et-Loire. La présence d’un médecin salarié facilite la vie de beaucoup de personnes, notamment parce que nous pouvons plus facilement obtenir un rendez-vous en cas de besoin. » Il faut dire que la Saône-et-Loire fait partie des départements pionniers en la matière. Initié en 2018, le projet bourguignon compte désormais quarante médecins salariés répartis sur vingt sites.
C’est d’ailleurs en prenant modèle sur la Saôneet-Loire que la Corrèze s’est elle aussi lancée dans l’aventure. Son centre de santé départemental, ouvert en 2019, compte aujourd’hui deux sites, avec pour ambition d’ouvrir deux ou trois nouvelles implantations dans les mois à venir. « Cela fait des médecins supplémentaires, c’est bien pour les patients, se réjouit une Idel d’Égletons, village situé à une trentaine de kilomètres de Tulle. Il m’est souvent arrivé d’avoir des rendez-vous assez vite pour mes patients. »
Mais les centres de santé départementaux ne sont pas exempts de toute critique. « Nous avons un médecin en plus deux jours par semaine, mais personne ne nous a contactées pour nous prévenir, personne ne nous a présentées… », regrette par exemple Valérie Auvray, Idel à Randonnai dans l’Orne, où une antenne du centre départemental flambant neuf a ouvert au mois de juin.
Plages horaires réduites
Autre reproche : les médecins des centres de santé départementaux restent des salariés. « Leurs horaires ne sont pas idéaux, après 18 h on continue à n’avoir pas d’autre solution que d’appeler le centre 15 », remarque l’infirmière corrézienne déjà interrogée. Il est vrai que bien des médecins recrutés exercent à temps partiel, et beaucoup sont des retraités qui ont repris du service pour donner un coup de main. C’est ce qui explique pourquoi dans l’Orne, par exemple, les antennes du centre départemental n’assurent que vingt heures hebdomadaires.
Autre problème : la continuité du suivi médical. « On n’a pas forcément le même suivi qu’avec un médecin libéral, et cela perturbe certains patients de ne pas avoir de médecin attitré », note ainsi l’Idel de Digoin déjà citée. Reste que, comme le souligne Valérie Auvray, « c’est toujours mieux que rien du tout. » Et les départements l’ont bien compris. Ainsi, le conseil départemental de l’Orne, qui a déjà créé trois premiers sites en juin, a annoncé dès septembre qu’il étendait son dispositif à deux autres communes.
Les centres de santé départementaux sont, comme tous les centres de santé, payés à l’acte, à hauteur de 23 euros par consultation. Un modèle économique qui n’est pas forcément équilibré : le conseil départemental de Saône-et-Loire indique ainsi qu’il a dû dépenser 2 millions d’euros pour le lancement de son centre de santé en 2018, et qu’il a dû ajouter une subvention d’1 million d’euros en 2019.