L’ACCÈS AU DOSSIER D’UN PROCHE DÉCÉDÉ - Ma revue n° 002 du 01/11/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 002 du 01/11/2020

 

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JURIDIQUE

Annabelle Alix  

La famille d’un patient décédé peut accéder au dossier médical du défunt sous certaines conditions. Personnes concernées, motifs valables, délais légaux… Le point sur les modalités d’accès.

Non, le secret médical ne s’éteint pas avec le patient. Les informations concernant la santé du défunt sont donc conservées. Mais l’accès au dossier médical par ses proches est néanmoins strictement encadré par la loi.

DES CONDITIONS À RESPECTER

QUI PEUT VOIR LE DOSSIER ?

Seuls certains membres de la famille sont autorisés à accéder à ces données :

→ les ayants droits, c’est-à-dire les héritiers, en application des règles du code civil (art. 731 et suivants) : successeurs légaux et testamentaires, légataires universels. Sont exclus les bénéficiaires d’un legs particulier ou d’un contrat d’assurance. À noter que la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) considère que lorsque plusieurs personnes ont la qualité d’héritier, donc d’ayants droit, chacune d’entre elles peut exercer son droit d’accès ;

→  le concubin ;

→ le partenaire de pacte civil de solidarité (PACS). Toutefois, ce droit disparaît si la personne décédée s’est opposée, de son vivant, à la consultation de son dossier médical via un écrit signé de sa main ou à d’autres éléments concrets et précis témoignant de ce refus.

DES JUSTIFICATIFS ADÉQUATS

« Les ayants droits doivent adresser leur demande à la direction de l’établissement, sur papier libre, en joignant les pièces justificatives demandées », précise Olivier Sigman, juriste et adjoint au directeur des relations avec les usagers de l’hôpital Barthélémy Durand (santé mentale, 91). En l’absence de ces documents, les demandes ne sont généralement pas traitées. La rigueur est donc de mise, car il s’agit de justifier de sa qualité d’ayant droit, laquelle peut être établie par le livret de famille, un acte de notoriété, un certificat d’hérédité, une attestation de porte-fort… Idem pour le concubinage : certificat de concubinage, bail commun, factures, courriers, photographies, témoignages écrits… Ces éléments doivent prouver la vie commune, sa stabilité, son caractère notoire et la mise en commun, même partielle, de moyens matériels. Concernant le PACS, le partenaire doit prouver la conclusion de ce contrat avec le défunt et que ledit contrat n’était pas dissout à la date du décès.

Dans tous les cas, il est conseillé d’envoyer son courrier en recommandé avec accusé de réception.

DES MOTIFS PRÉCIS

Autre condition à respecter : la demande d’accès au dossier médical doit être motivée, sauf pour les représentants légaux des mineurs décédés. Et le motif invoqué doit être précis. La demande doit impérativement avoir pour objectif :

→ de faire valoir ses propres droits (préciser la nature du droit) ;

→ de défendre la mémoire du défunt (préciser les circonstances) ;

→ de connaître les causes du décès. En pratique, « c’est souvent la volonté de comprendre les causes de la mort qui motive les demandes, rapporte Olivier Sigman. Nous prenons le temps de les expliquer aux proches. Les premières fois, nous nous sommes demandé si ces requêtes allaient déboucher sur un contentieux, mais cela n’a jamais été le cas ». Il faut dire que son établissement a mis en place des entretiens systématiques avec les familles en cas de décès, s’appuyant sur les recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS).

Les hôpitaux ne sont pas toujours exigeants sur le degré de précision du motif. Ils sont pourtant en droit de refuser la demande pour cette raison.

TOUT LE DOSSIER… OU PRESQUE

Les documents accessibles sont limités à ceux qui permettent de répondre au motif de la demande. « La plupart du temps, les demandeurs souhaitent surtout consulter le compte-rendu d’hospitalisation et le certificat de décès », observe Olivier Sigman. Mais si le motif le justifie, toutes les informations d’ordre médical peuvent être transmises : résultats d’examens, comptes-rendus de consultations, d’interventions, d’exploration, d’hospitalisation, protocoles de prescriptions thérapeutiques, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé… La Commission d’accès aux documents administratifs considère qu’entrent également dans ce périmètre les radiographies, clichés d’IRM, notes de médecins, certificats médicaux, rapports d’autopsie, clichés effectués au cours d’une intervention chirurgicale, mais également les enregistrements vidéos de séances de thérapie familiale et les enregistrements sonores de conversations téléphoniques.

En revanche, les informations qui ont été transmises par des tiers ou qui concernent un tiers ne sont en aucun cas accessibles : information d’un parent sur une maladie génétique qui le concerne, témoignage indiquant que le patient consomme beaucoup d’alcool, par exemple. Si ces éléments sont déterminants dans les causes du décès, elles figurent de toute façon ailleurs : prescriptions de traitements pour soigner l’addiction ou encore analyses sanguines.

QUE FAIRE EN CAS DE REFUS ?

Des recours existent. Si l’établissement relève du secteur public, ou participe au service public hospitalier, le demandeur peut saisir la Commission d’accès aux documents administratifs.

Si, au contraire, il relève du secteur privé, il doit s’adresser à la commission interne de l’établissement et, à défaut de réponse positive, à la direction générale de l’organisation des soins au ministère en charge de la santé (DGOS).

La Commission d’accès aux documents administratifs, saisie, a déjà validé que l’enfant d’un patient décédé pouvait accéder au dossier de son père pour évaluer le risque qu’il soit porteur des mêmes pathologies que lui. Il s’agissait là de faire valoir son droit à la santé. En revanche, le fait de vouloir confirmer une filiation avec un patient décédé ne constitue pas un motif légitime.

QUAND ET COMMENT ACCÉDER AU DOSSIER ?

LE RESPECT DES DÉLAIS

Si l’hôpital doit fournir les documents dans des délais fixés à 8 jours, pour les prises en charge datant de moins de 5 ans, et 2 mois, au-delà, il a aussi l’obligation d’appliquer un délai de réflexion de 48 h avant de les transmettre. Passé ce délai, il doit s’organiser. À l’hôpital Barthélémy Durand, « les dossiers récents sont stockés dans les services, indique Olivier Sigman. Si la demande est valide, la direction des relations avec les usagers en informe par mail le service concerné, en précisant le délai dans lequel le dossier doit être envoyé au demandeur ». Quant aux anciens dossiers, les retrouver et les rassembler peut prendre du temps. « Ils sont archivés ailleurs, et si la personne a été hospitalisée plusieurs fois, il faut regrouper les séjours, pointe Olivier Sigman. En moyenne, nous délivrons ces documents sous 15-20 jours. » En Île-de-France, en 2016, le délai moyen dans les hôpitaux était de 14 jours pour la transmission d’un dossier ancien, et 9 jours pour un dossier récent.

À savoir que les hôpitaux doivent conserver les dossiers médicaux 20 ans après la date du dernier passage du patient. Quelques exceptions, toutefois : si le patient décède moins de 10 ans après son passage, son dossier est conservé 10 ans à partir de la date du décès ; la mention des actes de transfusion et, le cas échéant, la copie de la fiche d’incident transfusionnel sont conservées, quant à elles, pendant 30 ans. Mais tous les délais sont suspendus en cas de recours gracieux ou contentieux, si la responsabilité de l’hôpital ou de soignants intervenus dans la prise en charge est mise en cause.

SUR PLACE OU NON

Si la consultation du dossier médical a lieu sur place, elle est gratuite, et un accompagnement médical est proposé. Si les documents sont envoyés, le coût facturé ne peut excéder celui de la reproduction et de l’envoi. Et le support de la copie doit être le même que l’original (papier, CD-Rom…). L’envoi est effectué par courrier, car l’envoi« par mail n’est pas assez sécurisé pour le moment, indique Olivier Sigman. Le plan Ma Santé 2022 prévoit le déploiement d’une messagerie sécurisée avec cryptogramme, mais pour l’heure, nous ne l’utilisons que pour les échanges entre professionnels ». Affaire à suivre…

Des requêtes plus fréquentes

Les demandes d’accès aux dossiers médicaux augmentent légèrement d’année en année. « Nous en recevons une centaine par an, et environ 1 à 3 % d’entre elles sont formulées par un ayant droit », rapporte Olivier Sigman, juriste et adjoint au directeur des relations avec les usagers de l’hôpital Barthélémy Durand (santé mentale) d’Étampes, dans l’Essonne. En Île-de-France, le nombre de demandes total d’accès au dossier médical d’un patient s’élevait à 41 870 en 2016. 21 % d’entre elles étaient formulées par un ayant droit ou par un tiers habilité.

RÉFÉRENCES

• L 1111-7 du code de la santé publique (CSP) : droit d’accès des proches au dossier médical d’un patient décédé.

• L 1110-4 CSP : respect de la vie privée et du secret des informations, motifs de consultation.

• L 1111-5 et L 1111-5-1 CSP : secret médical des patients mineurs.

• R 1111-1 à R 1111-8 CSP : modalités d’accès.

• R 1112-7 CSP : délais de conservation des dossiers médicaux.