PRÉVENTION PRIMAIRE
JE DÉCRYPTE
SANTÉ PUBLIQUE
La campagne de vaccination contre la grippe a démarré le 13 octobre et, cette année plus que les précédentes, elle revêt une importance particulière. Les points les plus saillants.
Chaque année, la grippe hivernale provoque en France un surcroît de fréquentation des hôpitaux en général, et des urgences en particulier. Certes, selon le Bilan de la surveillance de la grippe 2019-2020, publié par Santé publique France en octobre dernier, l’année dernière a été plutôt clémente, avec 59 476 passages aux urgences pour syndrome grippal et 860 admissions en réanimation. Mais les années précédentes, elles, avaient été beaucoup plus sévères : 65 822 passages aux urgences et 1 886 hospitalisations en réanimation pour la saison 2018-2019 ; 75 500 consultations aux urgences et 2 770 entrées en réanimation en 2017-2018. Alors, qu’arriverait-il si les établissements de santé devaient faire face à un afflux de patients atteints de grippe sévère alors qu’ils affrontent la deuxième vague du Covid-19 ? C’est une question que personne n’a vraiment envie de se poser… d’où l’importance encore plus affirmée de la vaccination contre la grippe cette année. Certes, celle-ci ne protège pas à 100 %, mais elle peut néanmoins permettre d’atténuer sensiblement la pression sur les établissements hospitaliers.
D’après le Bilan de Santé publique France, la couverture vaccinale des populations à risque (personnes de plus de 65 ans, femmes enceintes, personnes souffrant de pathologies chroniques, d’obésité…) n’était, en 2019-2020, que de 47,8 %. Voilà qui est encore très loin des 75 % préconisés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Face au double risque d’engorgement que font peser sur les hôpitaux la grippe et le Covid, certains appellent à une campagne de vaccination plus intense cette année. C’est par exemple le cas du médecin généraliste et député LREM Julien Borowczyk, à l’origine d’une tribune, publiée mi-septembre avec d’autres députés de la majorité, dans le JDD, demandant « une vaccination massive et solidaire contre la grippe ». Ce texte préconise notamment que les professionnels de santé libéraux puissent détenir des vaccins à leur cabinet, et que les complémentaires santé remboursent intégralement la vaccination pour les personnes qui ne font pas partie des publics cibles (qui, elles, sont prises en charge à 100 % par l’Assurance maladie).
Pour faire face à une possible demande accrue, le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé en septembre que le gouvernement avait commandé 30 % de doses en plus par rapport aux années précédentes. Pour rappel, 13 millions de doses ont été commandées par les pharmaciens et 2 millions par Santé publique France. Mais certains craignent tout de même une pénurie de vaccins si tout le monde cherche à se faire vacciner. D’ailleurs, un sondage mené par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo), a révélé, le 20 octobre, que 60 % des répondants étaient en rupture de vaccins, une semaine après le début de la campagne, sachant qu’il reste encore 40 % de doses à livrer. Ainsi, dans un communiqué publié au début du mois d’octobre, l’Académie nationale de pharmacie demandait « que le vaccin contre la grippe soit délivré d’abord aux personnes prioritaires », et mettait en garde contre « une psychose qui pourrait, via une demande trop importante, entraîner des ruptures, au risque de ne pas pouvoir vacciner en priorité les 12 millions de personnes les plus fragiles ». Les recommandations officielles restent d’ailleurs, au moins jusqu’à la fin de l’année, de réserver la vaccination aux personnes prioritaires.
Santé publique France a estimé que la couverture vaccinale antigrippale chez les soignants était, pour la saison 2018-2019, en moyenne de 35 % dans les structures de soins, et de 32 % dans les établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Des chiffres largement insuffisants pour des professionnels amenés à être en contact plus souvent avec le virus. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui ont demandé à rendre la vaccination antigrippale obligatoire pour les blouses blanches cette année. Dans un communiqué diffusé le 19 septembre dernier, l’Académie nationale de médecine rappelle ainsi que la France avait brièvement adopté une telle obligation en 2006, avant de la suspendre la même année. « La pandémie impose aujourd’hui de reconsidérer cette décision », estiment les académiciens. Une éventualité que le ministre de la Santé a balayée fin septembre, sur RTL : « Je vous donne un cas pratique : j’ai besoin d’avoir des infirmières en Ehpad. Si elles refusent de se faire vacciner contre la grippe, elles ne viendront pas y travailler. Je fais comment en période épidémique ? » Pas d’obligation pour les soignants, donc… mais une très forte recommandation.
Sans vouloir minimiser l’importance de la vaccination contre la grippe cette année, on ne peut nier que certains scénarios envisagent une épidémie de grippe très clémente cette année. « Il se pourrait que le coronavirus prenne le pas sur la grippe », indique ainsi le Pr Bruno Lina, directeur du Centre national des virus à transmission respiratoire, au CHU de Lyon. Plusieurs raisons à cela, détaille ce virologue, membre du Conseil scientifique sur le Covid. Tout d’abord, le phénomène d’interférence virale pourrait empêcher, pour des raisons immunitaires, que deux virus aussi importants que le coronavirus et la grippe circulent ensemble. Et, d’autre part, ajoute le professeur, « les mesures d’hygiène appliquées contre le Covid fonctionnent aussi contre la grippe ». Le port du masque et la distanciation sociale étant généralisés, le virus de la grippe a actuellement moins de chance de circuler. C’est d’ailleurs ce qui semble s’être passé au cours de l’hiver austral, dans l’hémisphère Sud, région du monde où la pandémie de grippe n’a pas été très sévère, note Bruno Lina. Reste que celui-ci continue de recommander la vaccination contre la grippe cette année. On n’est jamais trop prudent…
Lire l’article « Vaccination antigrippale : les Idels néo-aquitaines prennent les devants » sur espaceinfirmier.fr, du 10/09
Les Idels vont devoir se faire une raison : la vaccination antigrippale par les pharmaciens est entrée dans les mœurs. Alors que démarre la campagne de vaccination 2020-2021, on a vu tout ce que le monde officinal compte de syndicats et d’institutions se mobiliser pour faire comprendre que face au risque de double épidémie, les croix vertes étaient prêtes à jouer les premiers rôles et à pratiquer les injections. Résultat : dès le 13 octobre, jour de lancement de la campagne, bien des médias locaux et nationaux titraient sur la « ruée dans les pharmacies » de personnes cherchant à se faire vacciner contre la grippe. « Ça fait 30 ans que j’exerce. Je n’ai jamais vu autant de monde le premier jour de la campagne de vaccination contre la grippe pour récupérer le vaccin. C’était un peu prévisible mais quand même pas à ce niveau-là », déclarait par exemple sur France Bleu Champagne-Ardennes Fabrice Camaioni, pharmacien à Revin, dans les Ardennes, et président de la commission métier pharmacien à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF).
LA PIQÛRE DE RAPPEL DES IDE
Une surexposition médiatique de la profession officinale qui risque de ne pas être du goût de bien des Idels. Celles-ci s’étaient massivement plaintes l’année dernière de la publicité dont avaient bénéficié les pharmaciens lors de la généralisation de la vaccination en officine, et avaient regretté que les médias oublient de dire que d’autres professions, à commencer par la leur, sont habilitées à vacciner. Certaines ont même pris les devants. C’est ainsi que l’URPS infirmiers libéraux de Nouvelle-Aquitaine a lancé, au mois d’octobre, une campagne de communication, avec notamment des affiches et des messages radiophoniques, pour mettre en avant le rôle des infirmières dans la vaccination. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.