L'infirmière n° 003 du 01/12/2020

 

INSTALLATION

J’EXERCE EN LIBÉRAL

FORMALITÉS

Laure Martin  

L’avenant 6 à la convention nationale des infirmières libérales prévoit un nouveau zonage pour l’installation des infirmières en libéral, avec de nouvelles règles et de nouvelles aides. Le point sur les mesures à respecter*.

Lorsqu’une infirmière envisage de s’installer en libéral, elle doit répondre à certaines obligations, notamment celles concernant les conditions générales d’installation (diplôme, ancienneté dans l’exercice, inscription à l’Ordre des infirmiers, à l’Urssaf, à la Caisse primaire d’assurance maladie…). Elle peut alors, sur le principe, s’établir sur tout le territoire. Mais en fonction des zones, des règles s’appliquent.

EN ZONE SURDOTÉE

Impossible pour les infirmières libérales (Idels) de s’y installer librement. En effet, l’accès au conventionnement n’est accordé qu’au seul successeur de celui cessant définitivement son activité, avec l’application de la règle d’une arrivée pour un départ. De fait, si une Idel souhaite s’établir en zone surdotée, elle doit présenter un dossier de conventionnement spécifique à la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam).

Pour cela, il lui est nécessaire de :

→ préciser son nom et prénom, son numéro d’identification, le lieu et les conditions exactes de l’installation projetée (reprise d’un cabinet, intégration dans un cabinet de groupe) ;

→ présenter une « attestation de succession » établie par l’Idel dont elle reprend l’activité, afin d’assurer la continuité de la prise en charge des patients, et qui la désigne nommément comme son successeur. À savoir que dans la convention, il est seulement exigé que l’Idel assure la continuité de la prise en charge des patients. Elle n’est donc pas tenue d’intégrer le cabinet de sa consœur ayant cessé son activité, mais a la possibilité de s’installer dans un cabinet limitrophe ou d’en créer un dans la zone.

En cas de l’arrêt brutal et définitif de l’activité de l’infirmière empêchant la désignation d’un successeur, la Cpam sollicite le ou les membres du cabinet pour en désigner un.

L’avenant prévoit également que la professionnelle ayant obtenu son conventionnement doit s’installer dans les six mois suivant la notification de la décision afin d’éviter le « blocage artificiel » de places dans la zone.

Si cette obligation n’est pas respectée, la Cpam peut là aussi solliciter le cabinet de l’Idel ayant cessé son activité pour désigner un successeur dans les six mois.

À défaut de nouvelle désignation par le cabinet, l’Assurance maladie pourra acter la disparition de la place vacante sur la zone.

EN ZONE INTERMÉDIAIRE

L’infirmière libérale qui s’établit nouvellement dans une zone intermédiaire, ou très dotée en périphérie de zones surdotées (à compter de la parution du nouveau zonage), doit s’engager à réaliser les deux tiers de son activité conventionnée dans sa zone d’installation. Cet encadrement vise à renforcer l’adéquation du lieu d’installation avec les réalités d’exercice, et ainsi éviter que l’Idel effectue en réalité la plupart de son activité en zone surdotée. En cas de non-respect de cet engagement, le conventionnement peut être remis en cause. À noter que cet encadrement de l’activité ne concerne que les nouvelles installations, et non les Idels déjà en place dans ces zones avant la parution de l’arrêté relatif au nouveau zonage infirmier.

EN ZONE TRÈS SOUS-DOTÉE

Si l’Idel choisit de s’établir dans ce type de zone, elle peut adhérer à l’un des trois nouveaux contrats incitatifs infirmiers, lesquels remplacent peu à peu le contrat incitatif infirmier déjà existant et s’appliquent à compter de la publication, par l’Agence régionale de santé (ARS), du nouveau zonage régional.

Le contrat d’aide à l’installation infirmier (CAII)

Il est destiné aux infirmières déjà conventionnées qui s’installent dans une zone très sous-dotée. Elles peuvent percevoir une aide financière de 27 500 euros sur cinq ans, non renouvelable.

Le contrat d’aide à la première installation infirmier (Capii)

Il s’adresse aux infirmières qui s’établissent dans cette zone et sollicitent pour la première fois leur conventionnement auprès de l’Assurance maladie. Elles peuvent prétendre à une aide de 37 500 euros sur cinq ans, non renouvelable.

Le contrat d’aide au maintien infirmier (Cami)

Il est proposé aux infirmières libérales conventionnées déjà installées dans cette zone. Elles peuvent recevoir un financement de 3 000 euros par an, avec un contrat sur trois ans, renouvelable. Toutefois, quel que soit le type de contrat, l’Idel doit :

→ remplir les conditions lui permettant de percevoir les aides à la modernisation et à l’informatisation (logiciels DMP-compatibles, messagerie sécurisée de santé, taux de télétransmission, utilisation du dispositif SCOR et, pour la facturation, d’une version du cahier des charges SESAMVitale à jour) ;

→ exercer, à compter de la date d’adhésion, pendant une durée minimale de trois à cinq ans, selon le contrat, dans la zone ;

→ justifier d’une activité libérale conventionnée réalisée à 50 % dans la zone très sous-dotée, en ayant un honoraire annuel sans dépassement de plus de 10 000 euros sur la zone la première année et 30 000 euros les années suivantes ;

→ exercer au sein d’un groupe formé d’infirmières, d’un groupe pluriprofessionnel, appartenir à une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ou à une équipe de soins primaires (ESP).

Chaque contrat prévoit que la professionnelle peut percevoir 150 euros supplémentaires par mois si elle s’engage à accueillir un étudiant en soins infirmiers pendant toute la durée de son stage de fin d’études.

Ces trois contrats, désormais tripartites (Idel, Cpam et Ars), sont individuels, donc conclus avec l’infirmière, et non avec sa structure d’exercice. L’Idel disposant de plusieurs cabinets est tenue de formaliser sa demande d’adhésion au contrat auprès de sa Caisse primaire d’assurance maladie de rattachement, soit celle du lieu d’installation du cabinet principal. À ce jour, seules trois Agences régionales de santé ont publié leur arrêté de zonage pour les Idels (Centre-Val de Loire, Guadeloupe et Provence-Alpes-Côte d’Azur). Pour définir leur zonage en région et pour chaque profession de santé concernée, les ARS s’appuient sur une méthodologie déterminée par les dispositions conventionnelles s’agissant des zones sur-denses, et sur une méthodologie fixée par arrêté ministériel s’agissant des zones sous-denses. Cet arrêté ministériel pour les infirmières date du 10 janvier 2020, soit peu de temps avant le début de la crise sanitaire, ce qui, selon la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), justifie les retards de publication des arrêtés.

* Source : Assurance maladie.

CONSEILS D’EXPERT

Dans les zones surdotées, je leur déconseille de s’installer seules

Catherine Kirnidis, présidente du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil)

« Les Idels doivent réfléchir à leur projet professionnel avant de s’établir. Je les mets en garde contre les installations en zones intermédiaires à proximité d’une zone surdotée, car elles doivent s’assurer qu’elles auront suffisamment d’activité. C’est aussi le cas en zone sous-dense. Elles ne doivent pas hésiter à se rapprocher des médecins, pharmaciens et autres Idels du territoire pour obtenir des renseignements sur la patientèle. Dans les zones surdotées, je leur déconseille de s’installer seules. Déjà parce que l’activité est généralement intense, mais aussi parce qu’il n’est possible de s’y installer qu’à la seule condition qu’une autre libérale cesse son activité. De fait, si une infirmière commence par s’installer seule, elle ne pourra certainement pas tout de suite s’associer ou collaborer avec une autre Idel, car il faudra attendre qu’une place se libère. Elle devra donc assurer seule sa tournée. D’autant plus que le recours régulier à un remplaçant n’est pas la solution… Contrairement à la pratique, le remplacement ne peut être que ponctuel et ne peut pas avoir lieu une semaine sur deux pour partager la tournée. Aujourd’hui, le respect des règles du remplacement est de plus en plus contrôlé par les Cpam. Pour l’ensemble de ces raisons, je pense qu’il ne faut jamais faire l’économie d’une étude de marché en amont du projet d’installation. »

Arrêté de zonage des infirmiers libéraux 2020 pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur