L'infirmière n° 003 du 01/12/2020

 

ÉDITO

Hélène TRAPPO  

Rédactrice en chef de L’Infirmière

Le déconfinement tout juste amorcé, nous entrons dans une nouvelle phase de cette crise sanitaire : celle du déploiement de la vaccination. L’enjeu est de taille compte tenu des effets multidimensionnel de cette pandémie qui mine notre santé physique et psychique, ainsi que notre économie. Et la mise en œuvre dans ce contexte, inédit à plusieurs titres, d’une future campagne de vaccination s’annonce complexe. D’abord, il y a les résultats prometteurs, qui n’ont pas encore été publiés, annoncés par deux laboratoires concernant les vaccins à ARN, dont l’efficacité dépasserait les 90 % pour prévenir les formes symptomatiques du Covid. De quoi susciter, certes, l’espoir mais ausside l’inquiétude et un certain nombre d’interrogations. En effet, le laps de temps est exceptionnellement court entre la fin des essais cliniques et le début de la campagne vaccinale, laissant peu de recul sur un vaccin qui, de surcroît, repose sur des procédés de fabrication nouveaux. Outre la sécurité de ces vaccins se posent également les questions, entre autres, de la durée de l’immunité ou encore des contre-indications éventuelles. Si l’on peut imaginer qu’aucun laboratoire ne prendrait le risque de doubler la pandémie actuelle d’un scandale sanitaire à l’échelle mondiale, il n’en reste pas moins impératif d’éclairer la population dès que les autorisations de mise sur le marché seront accordées… elles aussi en mode accéléré.

Car, faut-il le rappeler, la France est l’un des pays où la méfiance envers la vaccination est l’une des plus élevées au monde. Un scepticisme que même les conséquences dramatiques de la crise sanitaire ne semblent ébranler face à l’inquiétude engendrée par les vaccins contre le Covid-19. Selon un sondage Ipsoscommandé par le Forum économique mondial, 54 % des Français seraient réticents face à un vaccin contre le nouveau coronavirus.

Certes, emporter l’adhésion de tous ne saurait être l’objectif ultime ; la défiance ne date pas d’hier et a de multiples origines, notamment idéologiques (lire notre article « Comprendre l’hésitation vaccinale » en page 44). Néanmoins, il est légitime et nécessaire, dans un soucide santépublique, de jouer la transparence. Le président Emmanuel Macron, anticipant la vague des hésitants, a évoqué, lors de l’annonce du plan d’allègement du confinement, la création d’un collectif de citoyens afin de contribuer à l’élaboration de la campagne de vaccination. L’idée d’associer plus largement la population à la politique vaccinale est tout à fait louable et s’inscrit d’ailleurs dans le droit fil des recommandations émises par la Haute autorité de santé. Mais encore faut-il que l’implication soit réelle et que les avis soient pris en compte. Et cela ne doit évidemment pas reléguer au second plan l’information sur les données scientifiques et techniques.

Les infirmières, qui seront sûrement mobilisées lors de la campagne de vaccination, auront besoin d’avoir toutes les clés en main pour éclairer leurs patients… et elles-mêmes.