JE ME FORME
DISPOSITIF MÉDICAL
Claire Manicot* Anne Pottier** Célia Dias*** Dr Émilie Tella****
*infirmière de l’équipe mobile « Plaies vasculaires » au CHU de Nantes
**infirmière référente plaie et cicatrisation
***praticien hospitalier, service de dermatologie et médecine vasculaire au CH d’Argenteuil.
La compression médicale est essentielle dans la prise en charge des affections veineuses chroniques. Mais son efficacité dépend du choix des dispositifs, du savoir-faire des soignants et de l’éducation des patients.
Le réseau veineux assure le retour du sang des organes vers le cœur, grâce son extensibilité et son système à basse pression. Les veinules transportent le sang des capillaires vers les veines périphériques, qui se jettent dans les veines caves et débouchent dans l’oreillette droite. Le retour veineux est proportionnel au gradient entre la pression veineuse périphérique et la pression de l’oreillette droite. Il dépend à la fois du volume sanguin, de la contraction des veines, de la pression des muscles sur les veines et de l’action des valvules empêchant le reflux sanguin.
Les vaisseaux lymphatiques, sorte de réseau parallèle au réseau veineux, font partie du système lymphatique qui assure des fonctions immunitaires et le drainage des excès de liquide au niveau des tissus. Ils assurent le transport de la lymphe grâce à la contraction de leurs fibres musculaires et la stimulation des muscles qui les entourent.
La compression est un traitement mécanique des pathologies veineuses et lymphatiques consistant à exercer une pression active sur les vaisseaux pour améliorer le retour veineux. Son mécanisme d’action consiste à :
→ réduire le calibre des veines et augmenter la vitesse du flux veineux ;
→ diminuer le reflux en s’opposant à l’hyperpression des veines et à la fuite valvulaire ;
→ réintégrer les liquides interstitiels du système lymphatique dans les vaisseaux sanguins.
La compression évite ainsi la formation de caillots, réduit le volume des œdèmes et favorise l’oxygénation des tissus.
À noter : les recommandations en vigueur pour la compression médicale sont celles de la Haute autorité de santé (HAS), datées de 2010(1), même si certaines indications ont été revues pour certains dispositifs(2).
Insuffisance veineuse chronique : il s’agit d’un trouble de la circulation des membres inférieurs, dû à un mauvais fonctionnement des valvules et/ou à de nombreux facteurs (sédentarité, position debout prolongée, immobilisation, grossesse, obésité…). La compression médicale est indiquée dans les stades C2 à C6 de l’insuffisance veineuse chronique (œdèmes, varices de plus de 3 mm, troubles trophiques et ulcère).
Thrombose veineuse profonde (TVP) : appelée communément phlébite, elle est consécutive à une altération du flux sanguin, par la présence d’un caillot de sang dans une veine profonde des membres inférieurs. La compression médicale est indiquée en prévention de TVP en post-opératoire, dans certaines pathologies, durant la grossesse et en post-partum, lors d’un voyage aérien long, en cas d’immobilisation, avec certains médicaments. La compression fait partie intégrante du traitement de la TVP, en complément de traitements anticoagulants. À court terme, elle vise à prévenir le risque d’embolie pulmonaire. À long terme, il s’agit d’éviter une récidive ou la survenue d’une maladie post-thrombotique.
Maladie post-thrombotique :
elle est due au thrombus résiduel et à l’hyperpression veineuse qui entraîne une dilatation des veines, une perte de leur élasticité et une incontinence des valvules. Elle regroupe les manifestations veineuses chroniques (stades C2 à C6). La compression est alors un traitement à vie.
Lymphœdèmes des membres :
il sont majoritairement secondaire à une atteinte du système lymphatique, souvent liée à des affections ou traitements. Ainsi, dans le cancer du sein, le curage ganglionnaire et la radiothérapie sont la principale cause des lymphœdèmes du membre supérieur. Sur les membres inférieurs, il est souvent secondaire à une obésité, et notamment abdominale. Toutes les causes de compression au niveau du petit bassin peuvent également donner un lymphœdème. On utilise les dispositifs de compression (élastique et non élastique) en phase intensive (en complément du drainage lymphatique manuel et de la physiokinésithérapie) mais aussi en entretien, et jusqu’à réduction maximale de l’œdème.
Autres indications : prévention de l’hypotension orthostatique ; pathologies ligamentaires et articulaires en orthotraumatologie.
→ L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) avec un index de pression systolique (IPS) inférieur à 0,6 est une contre-indication majeure.
→ La microangiopathie diabétique pour une compression supérieure à 30 mmHg.
→ La phlegmatia cœrula dolens, dite phlébite bleue, associant une thrombose veineuse profonde du membre inférieur à une ischémie aiguë.
→ La thrombose septique.
Une surveillance régulière est obligatoire en cas d’AOMI avec des IPS entre 0,6 et 0,9, de neuropathie périphérique évoluée, de dermatose suintante ou eczématisée, ou d’intolérances aux fibres des dispositifs.
Chaussettes ou mi-bas, bas avec autofixant ou non, collants avec culotte compressive ou non, collants de maternité, hémicollant en cas de lymphœdème… Les dispositifs offrent de nombreuses options (ouverture du pied, adaptation à la morphologie) et existent dans différentes matières. Ils peuvent également être réalisés sur mesure. Il est d’ailleurs possible de renvoyer un article pour retaillage.
Différentes classes de compression
sont proposées selon la pression souhaitée :
→ Classe 1 : 10-15 mmHg
→ Classe 2 : 15,1-20 mmHg
→ Classe 3 : 20,1-36 mmHg
→ Classe 4 : plus de 36 mmHg En pratique, il est souvent compliqué pour les patients d’enfiler des dispositifs de classe 3 ou 4. C’est pourquoi des bas ou chaussettes peuvent être superposées, les classes de pression s’additionnant. Ainsi, pour obtenir une chaussette force 3, il est possible de superposer une chaussette force 1 et une autre chaussette force 2.
Précautions : la prise des mesures (lire encadré p. 32) ainsi que l’essayage sont des étapes essentielles. Ensuite, on donnera les conseils suivants pour l’enfilage au quotidien :
→ le matin au lever, après la toilette, en position assise, jambes sèches, ongles des pieds courts ;
→ retourner le bas/chaussette en ne laissant que le pied du dispositif à l’endroit ;
→ enfiler d’abord le bout du pied puis bien positionner le talon ;
→ sans tirer, retourner le bas/ chaussette, dérouler sur la cheville (et la jambe, pour un bas). Il existe des enfile-bas (non remboursés par la Sécurité sociale) mais ils nécessitent une certaine dextérité et un apprentissage pour être utilisés et adoptés par les patients.
Ordonnance et renouvellement :
la prescription doit comporter le nom du produit, le modèle (chaussette, bas, collant), la quantité et la classe thérapeutique. La quantité est à l’appréciation du prescripteur, mais il est souhaitable que le patient puisse en recevoir trois paires d’emblée pour faciliter l’observance. Le délai de garantie d’efficacité est de six mois. La durée de prescription dépend de l’indication de la compression médicale. Les patients peuvent être remboursés à hauteur de huit paires maximum par an, sur prescription, mais certaines caisses limitent le nombre à quatre. En cas de contrôle, les pharmaciens d’officine sont tenus de présenter la fiche avec la prise des mesures, l’anamnèse (stade de l’insuffisance veineuse selon la classification de la CEAP), la copie de l’ordonnance ainsi que les conseils prodigués au patient.
Elles sont surtout utilisées temporairement en cas d’œdème ou d’ulcères. Elles ont montré leur supériorité en termes d’efficacité thérapeutique dans la cicatrisation de l’ulcère veineux ouvert. Elles sont de longueur et de largeur différentes pour s’adapter aux situations pathologies et aux morphologies. Certaines présentent en outre des repères pour faciliter leur pose. Les bandages sont dits multitype lorsqu’ils associent la pose d’au moins deux bandes achetées à l’unité ou en kit (voir tableau ci-dessus).
Classification : on distingue les bandes selon leur élasticité, soit leur pourcentage d’étirement maximal par rapport au repos. Les bandes à allongement long (> 100 %) ont longtemps été utilisées mais du fait de leur forte pression, elles sont mal supportées par les patients, et doivent être ôtées la nuit car elles exercent une action au repos, à la différence des bandes à allongement court. De plus, la HAS a rendu une évaluation en janvier 2020, déclarant un service rendu insuffisant pour les bandes à allongement long utilisées seules dans les indications relatives à l’ulcère veineux et au lymphœdème. Elle déclare également le service rendu insuffisant lorsqu’elles sont utilisées en bandage multitype dans l’ulcère veineux actif. Elles ne devraient donc être utilisées qu’en bandage multitype dans le lymphœdème.
Les bandes à allongement court (entre 10 et 100 %), quant à elles, sont beaucoup mieux tolérées par le patient. Elles peuvent rester en place plusieurs jours, nuits comprises, et sont très souvent utilisées en bandage multitype. Ce sont également les seules qui peuvent être utilisées en cas d’ulcères mixtes.
La pose se fait toujours au repos, jambes allongées :
→ prévoir (selon les modèles) une bande de ouate ou de jersey pour protéger la peau ;
→ positionner le pied à 90 ° ;
→ démarrer à la racine des orteils ;
→ débuter par 2 tours d’ancrage autour du pied ;
→ envelopper le talon ;
→ refaire un tour sur le pied en faisant un 8 ;
→ remonter sur la cheville puis le mollet et s’arrêter à 2 doigts au-dessous du creux poplité (du bas vers le haut sans jamais redescendre).
La pression est modulable en fonction du rapprochement des spires. Les spires sont recouvertes à moitié, ou plus selon la prescription. On peut poser les bandes en circulaire ou en épi. Pour les kits de bandage multitype, consulter les notices et les vidéos mises en ligne par les laboratoires. Certains kits présentent une deuxième bande auto-adhérente qui s’accroche facilement sur la première. Enfin, il faudra se référer à des protocoles spécifiques et personnalisés pour les bandages en cas de lymphœdème (réalisation d’une couche de capitonnage, spires montées en circulaire, épi, ou semi-épi). Certains bandages complexes sont posés par des kinésithérapeutes.
Pour les membres supérieurs, il existe des manchons de compression de classe 2, 3 ou 4. Ils sont indiqués en cas de lymphœdème et peuvent être fabriqués sur mesure.
Nous avons vu que l’AOMI est une contre-indication absolue. Devant un ulcère dont on ne sait déterminer l’origine, il est nécessaire de rechercher des signes d’artériopathie, notamment par la palpation des pouls périphériques. Il sera ensuite important de mesurer l’index de pression systolique (IPS) avant de mettre en place ou de poursuivre une compression médicale. Cette mesure est généralement effectuée par certains médecins, car elle permet de sécuriser la prise en charge.
L’IPS se mesure sur un patient allongé à l’aide d’un brassard relevant la pression systolique au niveau du bras et d’un doppler continu à haute fréquence relevant la pression au niveau des artères tibiales antérieures (et/ ou pédieuses) et postérieures. Cet IPS correspond au rapport entre les pressions obtenues. En l’absence de sténose artériel, il est proche de 1. La valeur seuil est de 0,9 ; entre 0,9 et 1,3, il s’agit d’un ulcère veineux pur, la compression médicale élastique est donc autorisée. On parle d’ulcère mixte pour une valeur comprise entre 0,7 et 0,9, et la compression médicale devra dans ce cas être allégée (bande à extension courte uniquement). Lorsque l’index de pression systolique est inférieur à 0,6, l’ulcère est d’origine artérielle. La compression est alors contre-indiquée.
Les bas, chaussettes et bandes réutilisables doivent être lavés régulièrement à une température de 30 °C, sans assouplissant, avec un essorage modéré. En cas de lavage à la main, il faudra éviter toute torsion à l’essorage. Le séchage se fait à plat, loin de toute source de chaleur. Enfin, recommandez aux patients de nettoyer chaque jour à l’alcool les bandes autofixantes des bas pour préserver leur adhérence.
Les principales raisons de non-observance sont l’intolérance au dispositif, le défaut de compréhension, la difficulté à la pose ou le chaussage. Il en résulte donc une nécessité constante pour les soignants d’accompagner les patients afin qu’ils « adoptent » leur dispositif de compression médicale.
En pratique
COMMENT PRENDRE DES MESURES ?
Idéalement, les mesures doivent être prises le matin, juste après le lever, en position debout, jambes nues, sans chaussures. La pointure est relevée.
3 mesures pour les chaussettes ou mi-bas :
- tour de cheville sur la partie la plus fine, 3 cm au-dessus de la malléole ;
- tour du mollet à l’endroit le plus large ;
- hauteur demi-jambe : du sol à la tête du péroné ou 2 doigts en dessous du genou (la chaussette ne doit pas comprimer le creux poplité).
2 mesures supplémentaires pour les bas :
- tour de cuisse à l’endroit le plus large ;
- hauteur jambe, du sol à l’entrejambe, sous le pli fessier.
1 mesure supplémentaire pour les collants :
- tour de hanche, au niveau des crêtes iliaques, à l’endroit le plus large.
DES PISTES POUR S’INITIER
« Les bandes de compression doivent être posées par un personnel entraîné », recommande la HAS. Certaines formations « Plaies et cicatrisation » ont un enseignement de la pose de compression. Les infirmières peuvent aussi demander conseil auprès des kinés formés à ce geste. Certaines vidéos proposent également des approches didactiques (exemple : « Ulcères et compressions veineuses en pratique », réalisée par le Groupe hospitalier Paris Saint- Joseph, sur : https://cutt.ly/NheLLpu.
Tarification :
- il n’existe pas de cotation pour la pose et la dépose de dispositifs de compression seules ;
- depuis le 1er juillet 2020, l’acte « Pansement d’ulcère ou de greffe cutanée, avec pose de compression » correspond à une cotation AMI 5,1 + MCI.
Prescription : les infirmières libérales sont autorisées à renouveler la prescription à l’identique de la prescription médicale pour les bas et les chaussettes, mais pas pour les bandes.