PARCOURS DU PATIENT
JE DÉCRYPTE
SYSTÈME DE SANTÉ
Ces hébergements temporaires permettent aux patients de passer une ou plusieurs nuits dans une structure non médicalisée mais conçue pour répondre à leurs besoins. Une possibilité que le législateur entend généraliser.
Dans certains cas, la géographie peut aller à l’encontre du bon déroulement des soins. Lorsqu’un patient habite loin de l’hôpital et qu’il doit être opéré à 7 heures du matin, par exemple. Ou encore quand il doit rester dans un périmètre restreint autour de l’établissement de santé après une intervention et que son domicile est situé hors de ce périmètre. Il y alors plusieurs solutions, plus ou moins faites de bouts de ficelles : l’hébergement par des amis ou de la famille, le recours aux hôtels commerciaux… Mais, depuis quelques années, une solution plus formalisée émerge : les hôtels hospitaliers.
Les « hébergements temporaires non-médicalisés pour patients » (nom officiel des hôtels hospitaliers) sont des structures, le plus souvent associatives, situées à proximité ou au sein même de l’hôpital. Ils offrent à des patients, ne nécessitant pas de surveillance médicale particulière mais ne devant pas s’éloigner de l’établissement, la possibilité de passer une ou plusieurs nuits dans un environnement approprié. Une expérimentation permettant la prise en charge de ce service par l’Assurance maladie était en cours depuis 2017 dans 41 hôpitaux, et le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS, en discussion au Parlement à l’heure où nous écrivons ces lignes) prévoit de la généraliser en 2022.
Si l’on en croit le rapport d’évaluation de l’expérimentation, réalisé par le ministère de la Santé et publié en juin dernier (lire encadré ci-contre), les avantages théoriques des hôtels hospitaliers sont multiples : ils permettent de réduire le temps de séjour et d’augmenter le confort du patient en lui évitant des transports inutiles, de libérer des capacités d’hospitalisation complète… Mais dans les structures concernées, on tient à souligner l’aspect humain. « Pour nous, le plus important, c’est l’accueil, explique ainsi Claire Vigué, présidente de l’association Le Vallon, qui gère une maison d’accueil hospitalière, dans l’hôpital de Rangueil, à Toulouse. Nous avons du personnel et des bénévoles qui sont aux petits soins pour les gens qui viennent, et les soignants s’en rendent bien compte. »
Marie-Laure de Botton, cadre supérieure de santé en chirurgie au CHU de Lille, préfère, elle, mettre l’accent sur le parcours de soins. « Pour certaines prises en charge chirurgicales, nous drainons une patientèle qui peut venir de très loin : nous avons des gens de Brest, de Toulouse…, détaille-t-elle. La maison familiale hospitalière permet de leur offrir une alternative à l’hospitalisation complète en post-opératoire, de sorte que le parcours de ces patients soit le même que pour ceux qui habitent la métropole lilloise. Nous pouvons ainsi les garder à proximité dans les suites opératoires immédiates, les recevoir en consultation, et valider le retour à domicile de façon sécure. »
Les situations de recours aux hôtels hospitaliers peuvent être très diverses. « Il y a par exemple des patients qui doivent sortir de l’hôpital le soir, qui vont bien, mais qui doivent refaire un pansement le lendemain, explique Élisabeth Tréca, sage-femme et vice-présidente de la maison familiale hospitalière lilloise. En hémato-cancérologie, nous avons par ailleurs des gens qui doivent rester pendant deux semaines dans un rayon de trente kilomètres autour d’un centre hospitalier universitaire (CHU), et nous disposons donc d’un protocole pour cela. En ce moment, nous avons une personne qui vit en région parisienne, mais qui a des séances dans un caisson hyperbare deux fois par jour au CHU. Elle est donc chez nous. »
La généralisation de l’expérimentation prévue dans le PLFSS semble donc être une bonne nouvelle pour les patients comme pour les établissements. Mais cela ne veut pas dire pour autant que tous les centres hospitaliers disposeront bientôt de leur propre hôtel. « Chaque hôpital aura la possibilité de recourir ou non à l’hébergement temporaire non médicalisé, souligne Philippe Frigeri, président de la Fédération des maisons d’accueil hospitalières (Fmah) qui rassemble une quarantaine de structures. Cela dépendra de leur motivation, or, il y a certains soignants qui ne sont pas totalement persuadés de la nécessité de ce service. Avec le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous avons passé une étape juridique, mais il y a également une étape psychologique à franchir. »
C’est ce que semble confirmer la position d’Anne-Hélène Decosne, présidente de la Fédération française des infirmières diplômées d’État coordinatrices (Ffidec), intéressée au premier chef par les hôtels hospitaliers car les infirmières coordinatrices (Idecs) sont à pied d’œuvre en ce qui concerne le parcours du patient. « Je ne suis pas contre leur développement, mais il faut que cela se déroule dans un cadre très clair, avec un cahier des charges très précis sur le profil des patients accueillis, les délais, le passage éventuel de soignants, les personnes qui vont gérer une situation d’urgence… », insiste-t-elle.
Et il ne faut pas non plus oublier que si le gouvernement cherche à développer les hôtels hospitaliers, c’est en grande partie pour des raisons financières. L’étude d’impact du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021 est à ce titre éclairante. Celle-ci limite à une durée de trois ans l’accompagnement financier du développement des hôtels hospitaliers. « Les établissements qui souhaiteraient entrer dans le dispositif au cours des trois ans bénéficieront du financement au prix de la nuitée, détaille le document. Passé les trois ans d’aide à la mise en œuvre du dispositif, les établissements qui souhaiteraient développer une offre d’hébergement pour patient devront le faire en assurant son autofinancement. » En d’autres termes et de façon plus claire, c’est en générant des économies pour l’hôpital que les hôtels hospitaliers doivent assurer leur pérennité.
Anne-Laure de Botton ne se fait d’ailleurs aucune illusion à ce sujet. « On ne peut pas se cacher qu’il y a un objectif de maîtrise de la durée moyenne de séjour et de majoration du taux d’occupation des lits, notet- elle. Pour nous, l’objectif premier n’est pas celui-là : il s’agit d’abord et avant tout de la qualité de la prise en charge. » Et la Lilloise de préciser. « C’est quelque chose qui nous permet de renforcer notre logique qui veut que le patient soit acteur de sa prise en charge, et que, dans certains cas, même après des interventions très lourdes, il puisse reprendre une mobilité avec des gestes simples, tout en étant sécure car proche de nous s’il se passe quelque chose. » Alors, de la logique financière ou de la qualité des soins, laquelle prendra le dessus ? Réponse en 2022 avec un rapport d’évaluation sur la généralisation des hôtels hospitaliers.
Le rapport d’évaluation sur l’expérimentation des hôtels hospitaliers, réalisé pour le Parlement par le ministère de la Santé et publié en juin, constate que, sur les 41 établissements concernés au départ par le projet, seuls 29 ont effectivement développé une activité d’hébergement non médicalisé. L’activité est par ailleurs concentrée sur une poignée d’établissements « têtes de pont », qui totalisent 75 % des séjours et nuitées. Ce qui explique pourquoi l’objectif initial de 35 000 séjours et 56 000 nuitées est loin d’avoir été atteint : le rapport fait état de 7 800 séjours et 17 500 nuitées sur la période. Les séjours non médicalisés sont majoritairement proposés dans le cadre de parcours de soins courts, l’ambulatoire représentant plus de 80 % d’entre eux en 2017 et près de 60 % en 2018. On note cependant une diversification vers des séjours de 1 à 3 jours et de 4 à 7 jours. En outre, les séjours de faible sévérité représentent aussi plus de 95 % des séjours avec hébergement non médicalisé et ainsi moins de 5 % de ces séjours ont un niveau de sévérité 2, 3 ou 4. Le taux de satisfaction des patients est quant à lui jugé satisfaisant, et la sécurité des soins semble assurée, avec « peu de dysfonctionnements signalés », précise le rapport. A.R.