L'infirmière n° 003 du 01/12/2020

 

JE ME FORME

PRISE EN CHARGE

Thierry Pennable  

En traitement pour un cancer ORL, Me G. est dénutrie et une alimentation entérale « rapide » lui a été prescrite par sonde nasogastrique avant une intervention chirurgicale. Elle se plaint d’une douleur au niveau du nez et vous demande s’il est possible d’éviter ce mode de nutrition.

Vous l’informez que l’alimentation par sonde nasogastrique est recommandée pour les nutritions entérales inférieures à un mois, ce qui est son cas. Vous la rassurez en lui expliquant qu’il existe d’autres moyens d’apporter une alimentation entérale, sans passer par le nez, au cas où cette technique poserait trop de problèmes, mais que, dans un premier temps, il est préférable d’essayer de corriger ces désagréments.

1 LES SONDES

Les matériaux utilisés

Les sondes en silicone sont préférées pour leur souplesse, leur très bonne tolérance (matériau biocompatible) et leur inertie chimique très importante. Toutefois, la présence de petites irrégularités à l’intérieur de la sonde oblige à être particulièrement vigilant lors du rinçage. Ce type de sonde peut être maintenu en place jusqu’à 4 semaines.

Les sondes en polyuréthane (PUR), matériau biocompatible de référence après le silicone. Elles sont également très bien tolérées et souples, mais moins que le silicone. Elles ont le meilleur rapport calibre interne/ externe et leur surface interne lisse n’occasionne pas d’adhérence. Leur résistance à l’acidité digestive permet une durée d’utilisation jusqu’à 4 semaines.

Les sondes en PVC ne sont pas indiquées pour la nutrition entérale car elles sont assez rigides et rapidement dégradées par l’acidité digestive.

Longueur et diamètre

La longueur d’une sonde nasogastrique (SNG), généralement de 120 à 125 cm, peut varier de 80 cm pour une sonde gastrique, à 150 cm pour une sonde jéjunale.

La charrière est le diamètre externe de la sonde. Une Charrière (CH), ou un French (Fr), abréviation de French Gauge (FG), est égale à 1/3 mm. Les recommandations chez l’adulte sont de 10 à 12 CH, sachant que :

→ plus la charrière est petite, mieux la sonde est tolérée mais plus grand est le risque de mauvais positionnement et d’obstruction ;

→ une charrière plus importante facilite le passage des médicaments ;

→ pour une même charrière, une sonde en PUR a un plus gros calibre interne que le silicone.

2 CONTRE-INDICATIONS À LA SNG

Contre-indications absolues

→ Contre-indications et non-indications de la nutrition entérale elle-même ;

→ obstacles organique ou fonctionnel des voies aérodigestives ;

→ altération des voies digestives (notamment après ingestion de caustiques) ;

→ traumatisme crâniofacial.

Contre-indications relatives

→ Troubles de la conscience ;

→ troubles de la déglutition.

3 CHANGEMENT DE SNG

Le changement d’une SNG peut être effectué par une infirmière habilitée à poser une sonde gastrique en vue d’une alimentation entérale sur prescription médicale (art. R 4311-7 du Code de la santé publique). C’est un geste simple mais qui nécessite une certaine maîtrise car susceptible d’entraîner des complications chez le patient et plus particulièrement en cas de troubles de la déglutition et/ou de la vigilance. En pratique, les SNG ayant une durée d’utilisation d’un mois, les changements de sonde ne concernent normalement que les nutritions supérieures à cette durée. Mais si le changement est nécessaire et que l’infirmière libérale n’est pas à l’aise avec la technique de pose, le patient est alors orienté vers le service hospitalier qui a effectué la première pose.

4 SOINS QUOTIDIENS DE SNG

Soins bucco-dentaires

Ils visent à assurer une bonne hygiène buccale afin d’éviter la sécheresse des muqueuses par :

→ le brossage des dents ;

→ l’inspection quotidienne de la muqueuse buccale qui doit être rosée et humide ;

→ la réalisation fréquente des soins de bouche et de la langue ;

→ le rinçage de la bouche avec une solution antiseptique ;

→ la lubrification des lèvres (lubrifiant à base d’eau) ;

→ le maintien des apports hydriques par la bouche chaque fois que cela est possible ;

→ l’utilisation éventuelle d’un substitut de salive ;

→ l’encouragement du patient à respirer par le nez.

Soins du nez

Changement de la fixation de la SNG : instiller du sérum physiologique dans la narine et laver le nez à l’eau et au savon. Le dispositif de fixation doit être changé systématiquement en cas de souillure, de décollement, d’inconfort ou d’arrachement accidentel. En dehors de ces situations, le changement peut être effectué à une fréquence déterminée ou à la demande du patient.

Prévention de l’escarre de l’aile du nez

→ Réaliser les soins d’hygiène locaux quotidiennement ;

si possible, modifier l’emplacement de la fixation de la sonde afin de déplacer les zones de pression entre la narine et la sonde ;

→ dépister la survenue d’une escarre, par la surveillance de l’aile du nez et de la narine, l’apparition d’une rougeur, érosion cutanée ou de la muqueuse nasale, ou douleur imposant de changer la sonde de narine ;

→ fixer efficacement la sonde, sans appui ou traction excessive, afin d’éviter un déplacement secondaire en recherchant à la fois efficacité, confort et esthétique.

5 ADMINISTRATION PAR SONDE NASOGASTRIQUE

Vérifier la bonne position de la SNG

→ Visualiser le repère qui a été fait sur la SNG au moment de sa pose avant toute utilisation. En cas de doute, prévenir le prestataire de service. Il est possible d’effectuer un contrôle du bon positionnement de la SNG en injectant de l’air dans la sonde tout en auscultant l’abdomen du patient avec un stéthoscope à la recherche d’un gargouillis, sachant qu’il existe un risque de faux positif ;

→ vérifier la bonne fixation de la sonde et son positionnement dans l’alignement de la narine pour éviter une compression du bord extérieur de l’aile du nez.

Prévenir le reflux

Installer le patient obligatoirement en position demi-assise (30° au moins) ou en proclive au lit pour éviter le risque de reflux gastro-sophagien pendant l’administration de l’alimentation et dans les deux heures suivant le passage de l’alimentation.

Prévenir l’obstruction de la SNG

Rincer avant et après toute administration de nutrition ou de médicament. Cela permet à la fois de vérifier la bonne perméabilité de la sonde et de prévenir son obstruction. Le rinçage se fait le plus souvent avec 20 à 60 ml d’eau (sauf indication contraire). Il peut être nécessaire de quantifier ces volumes en fonction de l’état clinique du patient.

En cas d’obstruction de la SNG

Si la sonde est bouchée, rincer par injection-aspiration d’au moins 10 ml d’eau tiède (ou bicarbonates 14 %, papaïne, cola…). Pour cela, il est recommandé d’utiliser une seringue d’au moins 50 ml, car une seringue plus petite risquerait de provoquer une rupture de la sonde, surtout si celle-ci est bien obstruée.

Arrêter la nutrition

En cas de :

toux, qui peut-être le signe que la sonde s’est déplacée ;

troubles respiratoires : polypnée, cyanose, respiration « barbottante » ;

vomissements, douleurs abdominales, régurgitations ;

diarrhée soudaine.

6 ADMINISTRATION DES MÉDICAMENTS

L’écrasement des comprimés ou l’ouverture pour les gélules est parfois inévitable, mais cela entraîne une modification de la forme pharmaceutique qui peut avoir des conséquences cliniques parfois graves pour le patient. Nombreux sont les médicaments qu’il vaut mieux ne pas écraser ou ne pas ouvrir et pour lesquels il est préférable de rechercher une alternative.

Les précautions à prendre

→ Ne rien ajouter directement dans la poche de nutrition ;

vérifier si le médicament en comprimé ne peut pas être remplacé par une forme buvable (liquide, sachet, comprimé effervescent, dispersible, suppositoire, voie transdermique) ou par un autre médicament ;

→ vérifier si le comprimé peut être écrasé ou coupé, ou si la gélule peut être ouverte ;

→ ne pas écraser les comprimés à l’avance (certains principes actifs peuvent devenir instables à l’air et/ou à la lumière) ;

→ ne pas écraser plusieurs comprimés en même temps ;

→ pratiquer un rinçage de la sonde de nutrition entérale avant l’administration avec 20 ml d’eau, entre chaque médicament (5 ml d’eau) et après l’apport médicamenteux (20 ml d’eau).