L'infirmière n° 003 du 01/12/2020

 

ACCIDENT D’EXPOSITION AU SANG

JE DÉCRYPTE

LE MOIS EN BREF

Thomas Laborde  

Le Cpias Nouvelle-Aquitaine a développé un outil pour analyser les raisons profondes de survenue d’un AES. Retour du terrain avec une enquêtrice.

Un matin comme un autre. Cette radiologue d’un centre hospitalier de Charente-Maritime prend sa vacation pour des IRM à 9 h. À 11 h, avec une patiente, elle voit une image suspecte. Elle ajoute à son planning, le même jour, une microbiopsie mammaire non programmée. À 11 h 45, la manipulatrice radio prépare la pièce. À 12 h, la radiologue arrive, pose le champ stérile, à l’envers. 12 h 20, la médecin réalise l’anesthésie sous-cutanée, puis pose l’aiguille sur le champ stérile. Incision, insertion, déclenchement du pistolet à biopsie, retrait. La radiologue reprend ensuite l’aiguille pour faire glisser la carotte dans le formol, puis la repose. À 12 h 30, la radiologue sent une piqûre sur le dos de son pied droit. C’est l’accident d’exposition au sang (AES). La médecin décide de continuer, même si la manipulatrice ne lui a pas ramené d’antiseptique. Et part déjeuner à 13 h. À 13 h 30, elle croise la cadre de service qui lui rappelle le protocole AES. Elle part alors aux urgences à 13 h 35. À 14 h 30, la patiente est prélevée. À 18 h 30, la radiologue reçoit les résultats, ils sont négatifs. « Plus de quatre heures après l’AES, souligne Caroline Bervas, pharmacienne affiliée au Cpias, qui a enquêté sur cet AES. C’est trop tard ! »

UNE ANALYSE DES CAUSES

« Revenir en détail sur les faits permet de pointer plusieurs écarts et de proposer des mesures pour éviter les récidives », analyse Caroline Bervas. Changement de marque de matériel (nouveau champ stérile), plage horaire non adaptée, manque de matériel… Une accumulation de facteurs qui a conduit à un accident.

Ce travail d’analyse approfondi, elle a pu le mener grâce à l’outil développé par le Cpias. À l’aide d’un tableau Excel, l’expérience est divisée en plusieurs étapes : collecter les données, reconstituer la chronologie, identifier les écarts et les facteurs, proposer des actions, rédiger un rapport. L’outil recense ainsi les différentes causes identifiées, organisées selon une typologie : liées au patient, aux tâches, à l’individu, à l’équipe, à l’environnement de travail… « Toute analyse des causes prend du temps. Nous avons collecté des retours de terrain, des éléments, des signalements auprès d’équipes d’hygiène, d’établissements médicosociaux, de divers professionnels. On a pu proposer un outil qui donne des exemples assez exhaustifs de causes immédiates et de causes profondes. Pour l’équipe, c’est moins long parce que toutes les données sont "mâchées" dans l’outil à remplir », explique Anne-Gaëlle Venier, médecin de santé publique, qui a participé à l’élaboration de l’outil.

« Après entretien avec les intervenants, ça a permis de pointer deux facteurs essentiels : l’absence de matériel adéquat et la nécessité de réorganiser le soin », développe Caroline Bervas. Résultat, deux mesures ont été prises : mise à disposition du bon matériel (conteneur, mousse et cassette à biopsie) et recrutement d’un second radiologue. Une méthode simple à disposition de tous. Si la surveillance nationale des AES n’est plus une priorité, cet outil permet d’en décrypter quelques-uns pour rester en alerte.

Lire l’interview d’Anne-Gaëlle Venier sur espaceinfirmier, 13/11

MORTALITÉ EN PSYCHIATRIE

Les personnes souffrant de schizophrénie hospitalisées dans le cadre d’une contamination au Covid ont une mortalité augmentée par rapport à ceux hospitalisés sans pathologie mentale. C’est ce que révèle une étude française, menée auprès de 50 750 patients, dont 823 atteints de schizophrénie (1,6 %). Tous âges confondus, les patients schizophrènes inclus dans l’étude présentaient une augmentation de la mortalité hospitalière de 25,6 %, contre 21,7 % pour les patients témoins, à comorbidités équivalentes, et une diminution du taux d’admission en réanimation de 23,7 % contre 28,4 %. G. Fond, V. Pauly, M. Leone, et al., « Disparities in Intensive Care Unit Admission and Mortality Among Patients With Schizophrenia and COVID-19: A National Cohort Study », Schizophrenia Bulletin, 22 October 2020. Disponible en ligne sur : bit.ly/2J9k7MH

PROJETS PILOTE

Les 22 projets pilotes retenus pour l’expérimentation du service d’accès aux soins (SAS) ont été dévoilés le 13 novembre par le gouvernement. Mesure du pacte de refondation des urgences, ces structures communes à la médecine de ville et aux professionnels des urgences hospitalières des Samu seront déployées à partir de janvier pour s’étendre jusqu’au dernier trimestre de l’année 2021, en métropole et en outre-mer. Ils couvriront 40 % de la population française. Porte d’entrée des soins non programmés, « le service d’accès aux soins permettra à tous les Français de disposer d’une réponse à toute demande de soins », énonce le ministère de la Santé dans un communiqué.