L'infirmière n° 005 du 01/02/2021

 

ÉDITO

Hélène TRAPPO  

Rédactrice en chef de L’Infirmièr.e

Et si l’on se préoccupait un peu plus sérieusement de la santé des infirmières ? La question vaut en France comme à l’échelle mondiale. En avril 2020, le Conseil international des infirmières (CII) mettait en garde contre un risque accru de burn-out et de stress post-traumatique, entre autres, parmi les infirmières. Fin décembre, le Conseil remettait le sujet sur la table avec de nouvelles données collectées auprès d’associations membres du CII de différents pays sur une situation de plus en plus alarmante. Par exemple, en Espagne, 80 % des personnels infirmiers signalent des symptômes et un burn-out en progression ; la prévalence de l’anxiété est de 50 % et celle de la dépression frôle les 25 %. Aux États-Unis, selon l’American Nurse association, plus de la moitié des soignantes disent se sentir dépassées…

Le CII parle, dans sa synthèse, d’un « phénomène mondial de traumatisme de masse subi par les infirmières engagées contre la Covid-19 ». Un recueil de données normalisées, comme le demande le CII, serait bien utile pour prendre la pleine mesure de la situation, point de départ d’un meilleur suivi, et mettre en œuvre des actions spécifiques pour préserver la santé des professionnelles de santé.

De fait, les infirmières, et les soignants en général, sont parmi les premiers à subir les répercussions de la crise sanitaire. La confrontation à la mort et à la détresse des familles est d’une grande violence. Sans compter la nécessité de s’adapter à des réorganisations dictées par la pandémie. À peine sortis de la première vague, épuisés, ils ont à affronter la seconde manche avec un mental et un physique bien entamés. Ils sont essoufflés, le mot est faible. Et comme nous tous, il endurent les mesures sanitaires quand il ne se les imposent pas eux-mêmes, conduisant à une forme d’isolement. Tout cela sur fond de système de santé en tension permanente. D’ailleurs, les mouvements sociaux un peu moins audibles ces derniers temps reprennent le flambeau des revendications, en témoigne la mobilisation du jeudi 21 janvier, qui a rassemblé syndicats et collectifs. Rien ne semble réglé et la pandémie est loin d’être terminée.

Si la santé des infirmières passe par une amélioration des conditions de travail, des moyens en adéquation avec une vision humaine du soin ainsi que la reconnaissance, il serait temps de mettre en œuvre une véritable politique de prévention de la santé des soignants. Une politique qui s’appuierait sur des données probantes et des outils. Certes, il y a bien eu une certaine prise de conscience qui a donné lieu à des initiatives comme des hotlines de soutien ou l’accès facilité à des consultations psychologiques. Mais il faut passer à la vitesse supérieure.

Une nécessité pour les soignants et l’humanité tout entière. Car, comme le prophétise le CII, « il n’y aura pas de “santé pour tous” sans un nombre suffisant de personnels infirmiers bénéficiant de soutien pour rester au travail ».