ONE HEALTH
JE DÉCRYPTE
COLLOQUE
Les 17 et 18 décembre s’est déroulé, dans les locaux de TF1, à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), le colloque « One Health Joint Action », organisé par le groupe média 1Healthmedia*. L’occasion de nous éclairer sur le concept « One Health », qui prend tout son sens avec la crise de la Covid-19.
One Health » est un concept décloisonné et transdisciplinaire d’une seule santé, porté par des organisations internationales de santé publique comme l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Alors que la pandémie de Covid19 continue de sévir et qu’une troisième vague est à craindre en France, le sujet est plus que jamais d’actualité.
De fait, Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II de Monaco, qui a introduit le colloque, l’a rappelé : « Les épidémies à répétition qui s’abattent sur nos sociétés sont issues du monde animal pour plus de 60 % d’entre elles. La santé de notre planète, la santé animale ainsi que la santé humaine sont des notions étroitement liées, voire indissociables. Les acteurs qui sont impliqués dans ces domaines d’activité doivent dorénavant dialoguer, travailler ensemble, s’unir afin d’apporter ensemble une réponse globale à ces maladies si complexes à soigner. » Jean-Luc Angot, inspecteur général de santé publique vétérinaire et président de l’Académie vétérinaire de France, a d’ailleurs regretté que le gouvernement français n’ait pas fait appel aux vétérinaires dès le début de la crise, notamment pour les tests. « Il y a plus d’épidémies animales que de pandémies humaines, nous avons donc un peu plus d’expérience de gestion de crise et cela aurait aussi été intéressant que des vétérinaires rejoignent le Conseil scientifique », a-t-il déclaré. Rien n’est perdu, cependant, puisque des vétérinaires devraient prochainement le rejoindre. En outre, selon Loïc Dombreval, député (LREM) des Alpes-Maritimes, l’idée du « One Health » « fait clairement son chemin et à une vitesse qui me semble au bon tempo ». Le député, qui a organisé un colloque sur ce thème le 1er octobre der nier, a rédigé avec d’autres députés une proposition de résolution incitant le gouvernement à travailler sur la question. « La prévention des pandémies doit être revue en intégrant le concept “One Health”, mais aucune organisation n’est possible si ce sujet n’est pas pris en main concrètement par le pouvoir politique », insiste Loïc Dombreval. Pour Julien Kouchner, président du groupe 1Healthmedia, « ce sujet est une chance pour le monde, et aussi pour la France et pour nous tous ».
« Il est nécessaire d’avoir une approche transverse, interdisciplinaire mais aussi intersectorielle. Tous ces murs qui existent, ce cloisonnement, sont relativement récents », a relevé Jean-Luc Angot. Il a notamment rappelé que, de l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, on ne faisait pas de distinction entre la médecine animale et la médecine humaine. Claude Bourgelat, qui a fondé la première école vétérinaire au monde en 1761, faisait de l’anatomie comparée ; Louis Pasteur, qui n’était ni médecin ni vétérinaire, disait qu’il était important de ne pas avoir de catégories ; au XIXe siècle, dans ses écrits, l’Académie de médecine parlait d’une seule médecine ; le vaccin BCG a été créé par Albert Calmette, un médecin, et Camille Guérin, un vétérinaire. « Ce serait bien qu’on revienne à cette époque et qu’on développe la recherche sur le passage de la barrière d’espèces car c’est cela le sujet, de voir comment le pathogène passe de l’animal à l’homme », a conclu Jean-Luc Angot. « Une seule santé, c’est bien d’en parler, mais c’est mieux de la mettre en œuvre », a souligné Jean-Philippe Dop, directeur général adjoint de l’OIE. Dans le cadre de la collaboration tripartite, trois priorités ont été définies en matière de « One Health » : la lutte contre l’antibiorésistance, contre l’influenza aviaire hautement pathogène susceptible d’être transmissible à l’homme, et la lutte contre la rage. Mais au-delà de ces programmes, Valérie Freiche, vétérinaire spécialiste de la médecine interne (École nationale vétérinaire d’Alfort et Institut Imagine), a mis l’accent sur les animaux qui accompagnent notre vie : « On perd de vue que l’animal, au point de vue santé humaine dans le concept “One Health”, et notamment l’animal de compagnie, est vraiment une sentinelle fondamentale de nombreuses maladies. Quand on trouve un mésothéliome chez un chien, qui est une maladie rare, on va chercher de l’amiante dans l’environnement des propriétaires. Ces animaux peuvent révéler pour nous un certain nombre de maladies qu’il est nécessaire d’étudier de concert. » Outre cet aspect, le dépistage par le chien de certaines pathologies fait l’objet de nombreuses études, dont le projet d’Isabelle Fromantin, infirmière, concernant le cancer du sein. Valérie Freiche et Jean-Luc Angot ont égale ment cité le dépistage de la Covid19 par des chiens, un travail réalisé par l’équipe du Pr Dominique Grandjean, à l’école vétérinaire de MaisonsAlfort, reconnu par l’Organisation mondiale de la santé et mis en œuvre dans les aéroports en Arabie saoudite et en Finlande. Mais l’animal est aussi un médiateur. Ainsi, dans les unités de soins palliatifs, un étalon et son cavalier peuvent aider les personnes en fin de vie, car le cheval peut détecter des personnes affaiblies moralement ou physiquement. Autant d’exemples qui montrent le lien indissociable entre l’homme et l’animal.
* En partenariat avec l’École nationale vétérinaire d’Alfort, l’Institut Imagine, Okivet, Boehringer Ingelheim, MSD Santé animale et Oncovet Clinical Research (OCR).
Le philosophe et ancien ministre Luc Ferry constate qu’avec la Covid, pour la première fois l’Homme place la vie au-dessus de l’économie. Les questions qui touchent à la santé, au bien-être animal, au bonheur et à l’écologie sont liées et regroupées sous le concept du vivant. Pour lui, sept courants écologistes s’opposent actuellement : les effondristes, les décroissants, les partisans de la croissance verte, l’écomodernisme, l’écoféminisme, l’écologie décoloniale et le courant vegan. Pour les effondristes, l’effondrement étant inéluctable, il s’agit de préparer le monde qui renaîtra à partir de 2050. Les décroissants plaident pour une nouvelle hiérarchisation des droits fondamentaux, notamment en priorisant ceux de la nature. Ils s’opposent aux partisans de la croissance verte et du développement durable (Conférence des parties). Mais pour Luc Ferry, le débat devrait s’orienter vers l’écomodernisme, qui repose sur deux idées : découpler les activités humaines et leurs impacts sur l’environnement par un regroupement de la population sur une petite partie de la planète, de sorte que la majorité de celle-ci redevienne une réserve de biodiversité ; l’économie circulaire, c’est-à-dire concevoir les produits industriels afin qu’ils soient recyclés en fin de parcours, et retirer de leur fabrication tout ce qui est mauvais pour l’environnement. Il s’agit de repenser notre relation au vivant, et le philosophe cite l’altermondialiste Susan George : « Quand vous êtes sur l’autoroute pour aller à Marseille et qu’il est indiqué Lille-Bruxelles, ralentir ne sert à rien, il faut faire demi-tour. »
Lorenza Richard