PLANNING DE SOINS
J’EXERCE EN LIBÉRAL
ORGANISATION
Patients aux besoins spécifiques, changements de dernière minute, contraintes géographiques : gérer son planning peut vite tourner au casse-tête. Voici quelques pistes pour mettre de l’ordre dans son agenda.
Toutes les infirmières libérales (Idels) un peu expérimentées le savent : il n’y a pas de tournée type. L’organisation va en effet dépendre des caractéristiques du secteur, des pathologies des patients, de la composition du cabinet… Cependant, quelques principes immuables se dégagent, autour desquels chaque soignante pourra créer les aménagements qui conviennent le mieux à son activité.
Certains patients doivent recevoir des soins à heures fixes - une prise de sang à jeun, par exemple. Ils seront donc prioritaires : « Je suis trois personnes dialysées, pour lesquelles trois à quatre pas sages par jour sont nécessaires, avec des impératifs horaires. Elles sont donc inscrites en premier dans mon emploi du temps, explique Sophie Miath, Idel dans les Hauts-de-Seine. Ensuite, je programme les patients diabétiques, dont je dois mesurer la glycémie et injecter l’insuline à jeun, en fonction de leur heure de réveil. Puis viennent les traitements et pansements courants qui, eux, autorisent plus de souplesse : pour ces soins, je prévois des créneaux d’une à trois heures. »
Pour le confort des patients, il est préférable d’effectuer les soins de nursing assez tôt le matin, si possible avant 9 heures. Pour d’autres actes, en revanche, mieux vaut ne pas être le premier visiteur de la journée. « Certains soins exigent une hygiène irréprochable, c’est pourquoi je m’arrange toujours pour que l’auxiliaire de vie passe avant moi si je dois réaliser un pansement », précise Abdel Iazza, Idel à Paris. Il faut aussi tenir compte du risque infectieux : « Quand on doit refaire un pansement très infecté, on essaie de placer ce soin à bonne distance de la visite aux patients fragiles, par exemple ceux qui ont un dispositif implanté », explique Marie-Claude Daydé, Idel en Haute-Garonne. Et avec l’apparition de la Covid19, deux tournées différentes sont souvent nécessaires pour ne pas mélanger les patients positifs au virus aux personnes fragiles.
Bien que cela puisse parfois être contraignant, les Idels ne peuvent faire abstraction du mode de vie de leurs patients. « Certaines personnes âgées ont du mal à se lever très tôt et il faut autant que possible respecter leur rythme », indique Marie-Claude Daydé. De même, si une personne doit partir travailler tôt, arriver en retard pour son soin serait très pénalisant et elle pourrait ne plus vous faire confiance. Dans certains cas, la ponctualité est également très importante pour l’entourage : « Dans ma patientèle, j’ai deux enfants que je dois passer voir à l’école deux fois par jour, explique Sophie Miath. Le matin, je m’arrange pour ne pas déranger la classe en arrivant toujours à 11 heures pile - la maîtresse est au courant -, puis, l’après-midi, au moment de la récréation. Je sais que je ne peux pas être en retard à ces rendez-vous. » À l’inverse, quand le patient est âgé et bouge peu de chez lui, l’infirmière peut programmer son passage dans un créneau horaire plus large.
Certaines personnes requièrent jusqu’à quatre passages par jour, parfois tard le soir et tôt le matin. Une prise en charge trop lourde pour une seule infirmière, qui a cependant une obligation de continuité des soins, qui est donc répartie entre les membres du cabinet, voire avec d’autres structures, notamment pendant les vacances. La plupart du temps, les choses se règlent de façon informelle, par téléphone ou par SMS, mais attention : « Nous ne sommes pas complètement libres de notre organisation car la Sécurité sociale nous impose de regrouper les soins. On ne peut pas effectuer la toilette, les pansements, les soins et les injections séparément, rappelle Abdel Iazza. Et comme avec le bilan de soins infirmiers, actuellement en expérimentation, nous allons être payés de façon forfaitaire, le partage d’honoraires va se compliquer. » Il sera donc nécessaire de signer des conventions avec chaque infirmière libérale impliquée dans la prise en charge du patient, avec une clé de répartition respectant la charge de travail réelle assumée par chacune.
Ils demandent souvent davantage de passages dans la journée et leur intégration dans le planning est donc plus délicate. Avant toute chose, il ne faut pas hésiter à solliciter les aidants pour connaître les horaires de passage des autres intervenants (auxiliaire de vie, Ssiad…) et à inventorier le matériel disponible. « Si l’on accepte de prendre en charge ces patients, on ne peut pas arrêter en cours de route, avertit Abdel Iazza. Il faut donc s’assurer dès le départ qu’on pourra les inscrire dans notre planning de tournée. » Arrangez-vous également pour pouvoir leur consacrer le temps nécessaire. « S’il n’y a pas d’impératif horaire, je les programme en fin de tournée, quand je pourrai me poser auprès d’eux », explique Marie-Claude Daydé.
Ceux-ci dépendent fortement du secteur d’exercice. En ville, il faut évidemment tenir compte des embouteillages, dont les Idels peuvent suivre l’évolution en consultant une application telle que Google Maps ou Waze, pour, au besoin, partir plus tôt de chez elles. Il peut même être judicieux de se garer et de poursuivre son trajet à pied, à vélo ou en trottinette. À la campagne, en revanche, c’est un tout autre problème qui se pose : celui du kilométrage qui peut très vite exploser. C’est pourquoi il est conseillé de regrouper les patients vivant dans le même village, d’autant plus s’il est éloigné du cabinet. Attention aussi à la météo : « Dans les zones rurales, si la route est enneigée, il est indispensable d’alléger son planning, préconise Marie-Claude Daydé. Les médecins, qui ont les mêmes contraintes que nous, le savent et adaptent leurs prescriptions pour ne pas nous accabler ! »
Le télésuivi, qui a émergé avec l’épidémie de Covid19, est certes encore très peu pratiqué par les libérales. Pour autant, pas question de glisser ces consultations entre deux visites à des patients et de les assurer à la vavite dans la voiture. Mieux vaut leur réserver, par exemple, une demi-journée sur la semaine, lors de la permanence au cabinet.
Qu’il soit papier ou électronique, l’agenda reste le meilleur ami de l’Idel ! Il existe des applications mobiles très pratiques permettant de visualiser les différentes tâches à accomplir grâce à un code couleur. Il est possible d’en choisir une pour les données concernant les patients (s’ils sont hospitalisés en ce moment…), une pour les renouvellements d’ordonnance ou encore une pour les événements personnels. Les logiciels professionnels permettent également d’imprimer la liste des différents patients à voir dans la journée, avec toutes les informations essentielles les concernant. Placer cette fiche sur le tableau de bord de la voiture permet de visualiser le programme de la tournée en un seul coup d’œil.
Plusieurs entreprises ont développé des logiciels d’aide à la planification destinés aux infirmières, comme CBA ou encore l’appli myDay. Ceux-ci proposent des services tels que la gestion des rendez-vous, l’intégration des fiches patients et leur mise en relation avec le GPS, l’accès rapide au dossier de soins, la numérisation des ordonnances… Des fonctions bien utiles au quotidien, mais qui n’ont rien de révolutionnaire, d’après Abdel Iazza, infirmier libéral à Paris et cofondateur d’inzee.care. Quant aux outils informatiques destinés à l’organisation de tournées commerciales, plus performants, il ne les juge pas vraiment adaptés aux besoins spécifiques des Idels : « De tels logiciels ont été adoptés par des entreprises comme La Poste ou Deliveroo, auxquelles ils permettent réellement d’économiser des kilomètres, explique-t-il. Mais à ce jour, ils ne sont pas suffisamment perfectionnés pour prendre en compte toutes les contraintes des infirmières, notamment les impératifs liés aux soins… Il est au final bien plus pratique d’utiliser un simple agenda, qu’il soit en papier ou électronique, sur lequel on pourra intervertir des patients en cours de journée, en fonction des imprévus. » L’expert conseille en outre de choisir un agenda par trimestre, sur lequel vous pourrez recopier chaque jour les grandes lignes de votre tournée afin de mieux la visualiser, et de veiller à ce que les pages soient assez grandes pour pouvoir intégrer d’éventuels reports de patients ou tout autre changement de programme.
Télécharger une application « scanner » sur son smartphone évite d’avoir à récupérer les ordonnances papier chez chacun des patients et donc d’avoir un fastidieux travail de tri à faire de retour au cabinet. Avec une telle application, l’infirmière libérale a en permanence tous les documents sur elle.
Sophie Miath, infirmière libérale à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
« J’essaie de gagner du temps sur tout ce qui n’est pas le coeur de mon métier. Par exemple, comme je ne peux pas souvent prendre de nouveaux patients, la plupart du temps, je ne décroche pas le téléphone quand un numéro que je ne connais pas s’affiche. Sauf, bien entendu, si c’est l’hôpital ou un prestataire : on ne leur dit jamais non ! Dans ce cas, j’adapte mon planning en programmant un passage tôt le matin ou en fin de journée. Je ne recommence véritablement à prendre les appels que quand j’ai un créneau qui se libère. La première chose que je demande à un nouveau patient, c’est son adresse. Comme je travaille sur un secteur assez large - bien qu’étant en ville, je parcours une cinquantaine de kilomètres par jour -, j’essaie de voir si la personne habite près de l’un de mes patients prioritaires, pour que je puisse passer chez lui dans la foulée. Et quand, exceptionnellement, je sais que je ne vais pas pouvoir assurer l’ensemble de ma tournée un jour donné, je m’arrange en amont pour alléger mon emploi du temps. Je préviens la famille de mes patients chroniques afin qu’elle me relaie sur certains soins, j’espace mes visites chez les dialysés, dont la poche peut tenir jusqu’à vingt-quatre heures et je prépare un stylo d’insuline à l’avance pour que les personnes diabétiques puissent se faire elles-mêmes l’injection. »
[Cotation]
Nous avons une prescription médicale pour la surveillance et le retrait d’un drain de Redon chez une patiente ayant subi l’ablation d’un sein. Quand faut-il enlever ce drain ? Nous n’avons aucune précision. Cet acte peut-il être facturé ?
La surveillance d’un drain de Redon implique d’évaluer la quantité et l’aspect des liquides évacués, de surveiller l’orifice cutanée où le dispositif est abouché ainsi que le système d’aspiration. Le protocole à suivre pour prévoir son ablation doit être précisé par le médecin prescripteur. Pour mémoire, en suite de mastectomie, pour éviter notamment les infections, le drain de Redon est laissé sur une courte durée (de 48 h à 5 jours en moyenne) en fonction des écoulements.
Concernant la facturation, la surveillance du drain ou son retrait postopératoire sont inscrits à la nomenclature générale des actes professionnels depuis le 1er janvier 2021. Inscription qui fait suite à l’avenant n° 6 de la convention nationale des infirmiers libéraux. La cotation à retenir est : AMI 2,8 + IFD + IK selon la situation. Toutefois, seules deux séances peuvent être facturées à compter du retour à domicile de la patiente.
[À propos de… ]
LA TRANSMISSION ÉLECTRONIQUE DE JUSTIFICATIFS DE SOINS
Le paiement des soins dispensés dépend de la transmission des pièces justificatives faites à l’Assurance maladie du patient. Les articles R 161-47 et R 161-48 du code de la Sécurité sociale (CSS) fixent les délais à respecter par les professionnels. Ainsi la transmission des feuilles de soins électroniques doit être effectuée dans un délai de « trois jours ouvrés en cas de paiement direct de l’assuré et de huit jours ouvrés lorsque l’assuré bénéficie d’une dispense d’avance de frais » (article R 161-47 du CSS). À partir de quand court ce délai ? Selon le choix du professionnel, il peut s’agir de « la date du paiement par l’assuré des actes effectués […] » ou « […] lorsque sont en cause plusieurs actes ou prestations rapprochés ou relevant d’un même traitement, à la date de réalisation ou de délivrance du dernier acte » (article R 161-42 du CSS). Le non-respect de ces délais, que ce soit pour une feuille de soins ou une prescription, peut entraîner des sanctions, à savoir que les caisses peuvent récupérer les honoraires comme indus et toutes n’ont pas le même esprit de compréhension ! Dommage !