L’INJECTION DU VACCIN ANTI-COVID COMIRNATY - Ma revue n° 006 du 01/03/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 006 du 01/03/2021

 

JE ME FORME

FICHE DE SOINS

Claire Manicot*   Laurent Fignon**   Laurent Salsac***  


*praticien hospitalier en gériatrie à l’hôpital de Cannes (Alpes-Maritimes), membre fondateur du collectif « Du côté de la science »
**infirmier en pratique avancée libéral, coordinateur du centre de vaccination anti-Covid mis en place à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire).

Dans un contexte d’épidémie exceptionnelle où il devient urgent de protéger le plus grand nombre, le premier vaccin anti-Covid autorisé en France fait l’objet de précautions particulières. Il requiert une logistique inédite en raison de son mode de conservation et une attention extrême dans sa dilution.

CARACTÉRISTIQUES DU VACCIN

« Comirnaty dispersion à diluer pour solution injectable » est un vaccin à ARN messager (nucléoside modifié), ou ARNm, contre la Covid-19. Il se présente sous la forme d’un flacon multidose de 0,45 ml à diluer avec 1,8 ml de chlorure de sodium à 9 mg/ml (NaCl 0,9 %). Une dose (0,3 ml) contient 30 microgrammes de vaccin à ARNm, encapsulé dans des nanoparticules lipidiques, contre la Covid-19.

MÉCANISME D’ACTION

Un vaccin a pour objectif de stimuler le système immunitaire afin d’éliminer un agent pathogène spécifique. On distingue deux types de vaccins : ceux qui contiennent des agents infectieux atténués ou inactivés, et ceux qui ne contiennent aucun agent infectieux. Comirnaty, développé par les laboratoires Pfizer et BioNTech, fait partie de la deuxième catégorie. Il s’agit d’un vaccin à ARN, une technologie développée il y a une vingtaine d’années. La molécule d’ARN est entourée de nanoparticules de lipides pour pouvoir atteindre les cellules et permettre l’expression de la protéine Spike (S) du virus Sars-CoV-2. Cette protéine induit la production d’anticorps neutralisants et donc une immunité cellulaire.

Mais attention, ce type de vaccin étant particulièrement fragile, il doit être manipulé avec précaution. L’ARN messager ne doit pas perdre sa bulle lipidique, sans quoi il serait détruit avant même d’entrer dans l’organisme. De plus, ce vaccin présente l’inconvénient de devoir être conservé au congélateur à une température entre - 90 °C et - 60 °C.

INDICATION ET POSOLOGIE

Le vaccin Comirnaty est indiqué chez les personnes âgées de 15 ans et plus. Il doit être administré en intramusculaire, de préférence dans le muscle deltoïde de la partie supérieure du bras, en deux doses de 0,3 ml, avec un délai de 21 jours entre chaque injection. La durée de protection conférée par le vaccin est en cours d’évaluation.

PRÉCAUTIONS

Il est recommandé :

→ de surveiller étroitement le patient pendant les 15 minutes suivant la vaccination et disposer d’une trousse d’urgence en cas de réaction anaphylactique ;

→ de prendre des précautions pour éviter toute blessure en cas de réactions liées à l’anxiété ou en cas d’évanouissement ;

→ de reporter la vaccination en cas d’affection fébrile sévère ou infection aiguë ;

→ d’être prudent avec les patients souffrant de thrombopénie ou de troubles de la coagulation.

EFFETS INDÉSIRABLES

Les effets indésirables les plus fréquents sont une douleur et/ou un gonflement au niveau du site d’injection, une fatigue, des céphalées, des myalgies et des frissons, des arthralgies et une fièvre.

CONTRAINTES SPÉCIFIQUES

LOGISTIQUE

Des moyens en termes de transport, de livraison et de stockage doivent être mis en œuvre pour ne pas casser la chaîne du froid, impérative pour la conservation des vaccins. Le dispositif logistique sera différent selon que le lieu de vaccination dispose ou non de congélateurs spéciaux. Si ce n’est pas le cas, les livraisons devront être prévues au moins deux fois par semaine car le vaccin se conserve 5 jours maximum au réfrigérateur. Les rendez-vous seront donc planifiés en fonction du nombre de doses, et une liste de personnes à appeler sera établie dans le cas où des patients programmés ne se présenteraient pas. L’organisation doit être optimisée de façon à ne pas avoir à jeter des doses non utilisées en fin de journée. Dans un portfolio(1) destiné aux centres de vaccination, mis à jour en février, le ministère de la Santé a édité des exemples de fiches de poste : chef de centre, référent soin, référent médicament, accueil filtrage, préenregistrement/ gestion de flux des usagers, traitement des cas non conformes, logisticien, préparation des injections, détection des contre-indications/ gestion des incidents médicaux, administration du vaccin, prise de rendez-vous. Il est toutefois précisé qu’une même personne peut assurer plusieurs missions.

CONSERVATION

Congélation dans des plateaux porte-flacons : le vaccin Comirnaty est conditionné en plateaux de 195 flacons avec couvercle. En cas de passage d’un congélateur à un autre, le transfert doit se faire en moins de 5 minutes. La phase sortie de plateau, ouverture et extraction du nombre de flacons désiré ne doit pas dépasser 3 minutes. Ensuite, le plateau doit rester au congélateur au moins 2 heures avant de pouvoir être de nouveau sorti.

Le décongélation : elle peut se faire au réfrigérateur (entre + 2 °C et + 8 °C). Compter 3 heures pour un plateau. Les flacons peuvent également être décongelés à température ambiante (jusqu’à 30 °C) en une trentaine de minutes.

Temps de conservation : le vaccin se conserve 6 mois au congélateur, puis 5 jours au frigo. À la sortie du réfrigérateur, c’est contre-intuitif, le flacon non reconstitué se conserve seulement 2 heures. Il faut le diluer pour qu’il ne se dégrade pas. Une fois reconstitué, que ce soit en flacon ou en seringue préparée, il peut se conserver jusqu’à 6 heures à température ambiante.

L’INJECTION

Reconstituer des doses et réaliser des injections intramusculaires relève du savoir-faire infirmier. Pour autant, l’administration du vaccin Comirnaty oblige les professionnels de santé à redoubler de vigilance pour deux raisons : premièrement parce que le vaccin est particulièrement fragile, deuxièmement parce qu’il ne faut pas en perdre une goutte, compte tenu de l’objectif de vacciner l’ensemble de la population française d’ici fin août.

La sixième dose : initialement, chaque flacon permettait de préparer cinq doses. Après que des médecins ont signalé qu’il était possible d’en extraire six et que les laboratoires ont donné leur accord, l’Agence européenne du médicament l’a validé le 8 janvier dernier. Cela dit, pour obtenir cette sixième dose, il faut utiliser des seringues et des aiguilles à faible volume mort, des aiguilles 25G de 25 mm très fines et des seringues dont le socle du piston remonte dans l’embout (lire l’encadré ci-dessus). Ce matériel est fourni par Santé publique France depuis le 18 janvier. Par ailleurs, il y a d’autres précautions à prendre pour ne pas perdre de produit : évacuer les bulles d’air dans le flacon et utiliser la même aiguille pour prélever et injecter le produit. Un point d’attention important car habituellement on utilise deux aiguilles différentes.

Une manipulation en douceur : Étant donné la fragilité des ARN messager, il n’est pas question de secouer le flacon (on le retourne de bas en haut doucement) ni de tapoter la seringue pour chasser les bulles d’air.

ACCUEIL DU PATIENT

LE RECUEIL DU CONSENTEMENT

La vaccination anti-Covid est gratuite et non obligatoire. Comme pour tout acte médical, la personne doit exprimer son consentement, moyennant la délivrance d’une information loyale, claire et appropriée. Il n’est pas nécessaire qu’il soit écrit et il n’y a pas d’obligation de délai entre le recueil du consentement et la vaccination. Dans les établissements médico-sociaux, on applique les règles en vigueur lorsque les patients font l’objet d’une protection juridique (recherche du consentement avec l’aide du protecteur) ou ne sont pas en capacité d’exprimer leur volonté (recours à la personne de confiance). Dans les centres de vaccination, les personnes sont d’emblée considérées comme consentantes puisque, en s’inscrivant et se déplaçant, elles sont dans une démarche volontaire.

VÉRIFICATION DE L’ABSENCE DE CONTRE-INDICATIONS

Dans les Ehpad, le médecin traitant (ou à défaut le médecin coordinateur) vérifie l’absence de contreindications. Dans les centres de vaccination, la procédure est simplifiée avec un questionnaire soumis aux candidats. Le médecin effectue une consultation médicale uniquement lorsque la personne signale un test positif au Sars-CoV-2 dans les trois derniers mois, une fièvre le jour J, déclare avoir été vaccinée dans les deux dernières semaines, des antécédents d’allergie ou d’hypersensibilité à certaines substances ou à d’autres vaccins, des troubles de la coagulation, être enceinte ou allaiter.

PRISE EN CHARGE POST-VACCINALE

SURVEILLANCE

La personne bénéficie d’une surveillance durant les 15 minutes suivant l’injection du vaccin, et 30 minutes en cas d’antécédents d’allergie.

TRAÇABILITÉ

Le téléservice dédié au suivi de la vaccination « Vaccin Covid » permet d’assurer la traçabilité de la vaccination aux médecins, infirmières et pharmaciens. Chaque acte vaccinal y est enregistré avec le nom du vaccin utilisé, le numéro de lot, le jour et l’heure, la zone d’injection (bras droit ou gauche). De nombreux champs sont préremplis de manière à faciliter la saisie. Le téléservice est accessible aux professionnels de santé libéraux via AmeliPro en s’identifiant avec la carte CPS/e-CPS ou via son compte AmeliPro. L’ensemble des professionnels libéraux ou salariés peuvent se connecter également à ce téléservice à l’adresse https://vaccination-covid.ameli.fr à l’aide d’une carte CPS ou e-CPS.

Le téléservice propose également un lien vers un portail qui permet le signalement éventuel d’effets indésirables.

SECONDE INJECTION

Lors de la première injection, on rappellera à la personne le rendez-vous pour recevoir la seconde dose, soit 21 jours plus tard pour les personnes âgées hébergées et les professionnels de santé travaillant en Ehpad et en unité de soins de longue durée, et 28 jours pour les autres.

RÉFÉRENCES

Sources utiles

• Résumé des caractéristiques des produits (RCP) du vaccin Cominarty. En ligne sur : bit.ly/3q3rHc0

• Vidéo Pfizer (chapitre vidéo sur la préparation et l’administration) : bit.ly/3p6qtvr

• Collectif « Du Côté de la Science », « Vaccin Pfizer – guide de préparation ». Ce guide aborde de façon synthétique tous les points essentiels pour la pratique. En ligne sur : bit.ly/3cXgrdI

• Ministère des Solidarités et de la Santé, « Guide Phase 1. Organisation de la vaccination en Ehpad et USLD », décembre 2020. Un guide de 45 pages utile à destination des professionnels exerçant en établissements médico-sociaux (attention, il y a une erreur dans la technique d’injection (mention d’un pli cutané) et une omission dans le fait de devoir retourner le flacon.

En ligne sur : bit.ly/3rEwu4i

  • 1. Ministère des Solidarités et de la Santé, « Portfolio “Vaccination anti-Covid” à destination des médecins et des infirmiers », février 2021. Ce portfolio de 49 pages et comprenant 15 fiches constitue une véritable référence. En ligne sur : bit.ly/3jyPtdH

Info +

CONSERVATION DU VACCIN

• Flacon non ouvert :

• Au congélateur (entre - 90 °C et - 60 °C) : 6 mois.

• Au réfrigérateur (entre + 2 °C et + 8 °C) : 5 jours.

• À l’air ambiant (jusqu’à 30 °C) : 2 heures.

Après dilution :

• 6 heures maximum.

Savoir +

Des seringues sans espace mort, c’est le secret pour éviter de perdre des microlitres de vaccin. Et réussir ainsi à extraire six doses de vaccin dans un seul flacon.

LA VACCINATION EN PRATIQUE

1 PRÉPARATION DU MATÉRIEL

Flacon de vaccin Comirnaty décongelé

Vérifier :

– étiquetage (nom, numéro de lot) ;

– température ambiante ;

– aspect conforme : suspension blanche à blanc cassé.

Retourner le flacon délicatement à dix reprises(1)

Fourni par Santé publique France

– aiguille 21G préleveuse montée sur une seringue de 3 ml ;

– 6 aiguilles 25G de 25 mm ;

– 6 seringues de type de 1 ml.

Matériel supplémentaire à prévoir

– 1 ampoule de 10 ml de NaCl 0,9 % ;

– compresses ;

– alcool à 70 °C ;

– 1 collecteur à déchets perforants.

2 DILUTION

• Réaliser une hygiène des mains.

• Désinfecter le bouchon du flacon avec une compresse imbibée d’alcool.

• Prendre l’ensemble aiguille et seringue, vérifier l’adaptation et visser si besoin.

• Prélever 1,8 ml de chlorure de sodium 0,9 % dans l’ampoule.

• Indiquer sur le flacon la date et l’heure de la dilution.

3 RÉPARTITION DANS SIX SERINGUES

• Réaliser une hygiène des mains.

• Si la répartition est faite à distance de la dilution (selon organisation), vérifier le flacon et le mélanger à nouveau délicatement comme indiqué précédemment.

• Désinfecter l’opercule du flacon (temps de contact 1 minute).

• Étiqueter les six seringues au-dessus du piston (pour permettre le niveau de remplissage de la seringue).

• Monter l’aiguille fournie sur la seringue avec attention (pas de système Luer Lock).

• Prendre une aiguille plus longue pour les personnes obèses sévères.

• Prélever 0,3 ml.

• Si nécessité d’évacuer des bulles d’air, le faire en gardant l’aiguille dans le flacon.

• Laisser l’aiguille sur la seringue : on utilisera la même pour l’injection(2).

• Recapuchonner(3) avec attention (les aiguilles fournies sont à visser mais pas les seringues).

• Procéder de la même façon pour chaque seringue.

Si la quantité de vaccin restant dans le flacon ne permet pas d’obtenir une dose complète de 0,3 ml, jeter le flacon et la solution résiduelle. Ne pas regrouper les résidus de solution provenant de plusieurs flacons.

4 INJECTION DANS LE MUSCLE DELTOÏDE

• Réaliser une hygiène des mains.

• Désinfecter la région avec une compresse imbibée d’alcool.

• Tendre la peau entre le pouce et l’index en veillant à ne pas faire de pli cutané.

• Piquer perpendiculairement, sans aspirer.

• Injecter la dose entière.

• Comprimer légèrement avec une compresse (chez les personnes sous anticoagulants).

Garder la personne sous surveillance pendant 15 minutes (30 minutes en cas d’antécédents d’allergie).

1. Le flacon doit être retourné deux fois avant et après reconstitution (c’est bien indiqué dans le résumé des caractéristiques du produit).

2. Changer uniquement l’aiguille si elle est cassée (dans ce cas, aspirer son contenu pour ne pas perdre de vaccin).

3. Le recapuchonnage est une pratique exceptionnelle (procédure à risque) et tolérée ici pour ne pas perdre de produit.