Les bienfaits du peau-à-peau précoce chez le nouveau-né prématuré sur sa stabilité hémodynamique et thermique - Ma revue n° 006 du 01/03/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 006 du 01/03/2021

 

JE RECHERCHE

REVUE DE LA LITTÉRATURE

Grâce aux travaux sur la théorie synactive d’Als et Brazelton dans les années 1980, les pratiques de soins en néonatologie ont évolué. Cette théorie propose une compréhension du développement du nouveau-né basé sur l’existence de sous-systèmes (végétatif, moteur, veille-sommeil, attention-interaction et régulation) qui interagissent entre eux. Dans cette approche, les soins de développement centrés sur le nouveau-né et sa famille consistent à intervenir en respectant l’équilibre des sous-systèmes grâce à l’observation fine du nouveau-né par le professionnel de santé. Une technique spécifique de ces soins est le portage du nouveau-né, vêtu uniquement de sa couche et placé contre le torse nu de son parent (1, 2), nommée le peau-à-peau. Cette pratique a montré son intérêt, tant dans l’instauration de l’interaction au sein de la dyade parent-enfant que sur l’équilibre des paramètres vitaux. L’installation en peau-à-peau est devenue un standard de soin en néonatologie, indépendamment du terme de la naissance et de la technicité nécessaire à la prise en charge de l’enfant.

Cependant, les pratiques professionnelles varient dans la mise en place précoce du peau-à-peau lors du transfert entre la salle de naissance et l’unité de soins accueillant ces nouveau-nés, car la balance bénéfices-risques de cette technique est peu mise en avant. L’objectif de cette revue de littérature est donc de recenser les recherches ayant étudié l’impact du peau-à-peau sur le nouveau-né prématuré notamment lors de ce transfert.

MÉTHODOLOGIE

→ La méthode PICO (en anglais : Population/Patient, Intervention, Compare to, Outcomes) a été utilisée pour identifier les mots-clés permettant d’interroger la base de données PubMed.

Pour trouver leur traduction en anglais, les différents articles traitant de ce thème ont été consultés (voir tableau 1 ci-dessous).

→ Plusieurs équations de recherche, associant les mots-clés, ont été nécessaires pour obtenir des références pertinentes (voir tableau 2 ci-dessous).

→ Les critères de sélection des articles correspondaient à :

– l’année de parution : un filtre de date a été appliqué afin de ne sélectionner que les articles parus depuis quinze ans ;

– l’âge gestationnel ou terme de naissance des nouveau-nés : les articles concernant le nouveauné à terme ont été exclus ;

– seuls les articles traitant de l’évaluation de l’impact du peau-à-peau sur les paramètres vitaux ont été inclus.

La sélection s’est faite en trois étapes : la lecture des titres, le tri des résumés sélectionnés et la lecture des articles en texte intégral. Pour compléter, la bibliographie des articles retenus a été consultée pour repérer des sources complémentaires. Nos recherches ont identifié 177 articles, et la sélection a permis d’en retenir 12 (voir le diagramme de flux de la recherche bibliographique ci-contre).

RÉSULTATS

Cette revue de littérature a mis en évidence que le contact en peau-à-peau, au centre des soins du nouveau-né prématuré, améliore sa stabilité hémodynamique et son développement.

BÉNÉFICES CARDIO-RESPIRATOIRES

D’après nos lectures, 11 auteurs démontrent que le peau-à-peau est un soutien positif à la stabilité cardio-respiratoire des nouveau-nés de petit poids. Lorenz souligne que le prématuré bénéficiant d’une aide respiratoire, et mis en peau-à-peau avec son parent, se stabilise aussi bien au niveau de la fréquence cardiaque et de la température que lorsqu’il est en incubateur (3). Des résultats concordants avec ceux de l’étude menée par Heimann qui a comparé la stabilité physiologique et thermique des nouveau-nés prématurés installés en peau-à-peau avec celles de ceux installés sur le dos ou sur le ventre (4). Lorenz montre également que la présence de matériel technique, tel que des ventilateurs, ne gêne pas une mise en peau-à-peau en toute sécurité pour le nouveau-né ainsi que pour ses parents. Dans son essai contrôlé randomisé, Chi Luong démontre que le contact en peau à peau pour les nouveau-nés de faible poids représente un environnement optimal pour leur stabilisation (5). Les méta-analyses de Moore et de Boundy, en 2016, portant sur les effets du portage en peau-à-peau, notamment chez les nouveau-nés prématurés, concluent à l’amélioration de la fréquence respiratoire, de l’oxygénation et de la température, permettant de soutenir l’hypothèse que ce type de portage améliore la régulation physiologique globale de l’enfant (6, 7).

RÉGULATION THERMIQUE

Outre l’importance de la stabilisation hémodynamique, nous savons également qu’une bonne thermorégulation est primordiale pour limiter les risques de morbi-mortalité néonatale. Il est donc essentiel de porter une attention très particulière aux moyens mis en place pour lutter contre l’hypothermie lors du portage en peau-à-peau chez les nouveau-nés prématurés, notamment lors de la réalisation précoce de cette pratique dans les suites de la naissance, au moment du transfert dans le service d’accueil (8, 2).

Au cours de nos recherches, nous avons trouvé 11 auteurs qui traitent des moyens pour maintenir une bonne régulation thermique. L’article de Marín Gabriel met l’accent sur le bénéfice du peau-àpeau pour un bon maintien de la température chez les bébés nés à terme et prématurés (9). Dans son étude, Maastrup constate que les prématurés sont capables de maintenir une température adéquate lorsqu’ils sont en contact peau-à-peau avec l’un de leurs parents (10). Nimbalkar, lui, démontre que les nouveau-nés mis en peau-à-peau de façon précoce maintiennent leur température, voire l’augmentent, par rapport aux bébés installés en incubateur ou table radiante (11, 12). Les méta-analyses de Mori, en 2010, et celles de Moore, en 2016, sur la pratique du peau-à-peau et ses effets chez les nouveau-nés et les prématurés concluent que cette technique est efficace sur la thermorégulation, avec une augmentation de la température jusqu’à 0,2 °C (6, 13).

DISCUSSION

Si la pratique du peau-à-peau a beaucoup été étudiée en néonatologie, parmi les 11 articles sélectionnés, aucun ne traitait du transfert au moment de la naissance. Seuls quelques hôpitaux français ont rapporté des études pilotes lors de congrès mais aucune n’a encore été publiée.

Infirmière puéricultrice travaillant auprès de nouveau-nés prématurés depuis plus de seize ans et titulaire d’un diplôme interuniversitaire « Initiation aux soins de développement chez le nouveau-né et l’enfant », je me suis formée et impliquée dans la mise en place de ces soins dans mon service. Cette revue de littérature vient donc enrichir mes connaissances et soutenir un projet de recherche. Au CHRU de Tours, deux études pilotes ont été menées sur ce thème. La première, avec 28 enfants, a confirmé la faisabilité en toute sécurité de ce transfert. La seconde, avec 111 enfants, a permis de collecter des données pilotes servant de références dans le cadre d’un projet de recherche déposé à l’appel d’offre du Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP) 2020.

Ces expériences ont permis au service d’améliorer les pratiques dans la prise en charge des nouveaunés prématurés en questionnant la surveillance de la stabilité physiologique et thermique lors du transfert en peau-à-peau pour créer des liens d’attachement précoces entre l’enfant et ses parents. Ces études ont conforté l’importance de la bonne surveillance hémodynamique par un matériel adapté en réalisant un monitoring continu de la fréquence cardiaque et de la saturation lors du transport. La surveillance thermique a été améliorée grâce à la mise en place d’une sonde de température cutanée reliée à un module mobile pour une surveillance constante. Les études ont aussi permis d’améliorer la préservation de l’équilibre thermique en utilisant des sacs polyéthylènes avec capuche, plus adaptés, et en maintenant le bonnet de naissance malgré la ventilation non invasive.

RÉFÉRENCES

  • 1. Norholt H., “Revisiting the roots of attachment: A review of the biological and psychological effects of maternal skin-to-skin contact and carrying of full-term infants”, Infant Behavior and Development, juin 2020, 60:101441. Disponible en ligne sur : bit.ly/2M9SAfC
  • 2. Linnér A., Westrup B., Lode-Kolz K. et al., “Immediate parent-infant skin-to-skin study (IPISTOSS): study protocol of a randomised controlled trial on very preterm infants cared for in skin-to-skin contact immediately after birth and potential physiological, epigenetic, psychological and neurodevelopmental consequences”, BMJ Open, juillet 2020, 10(7):e038938. Disponible en ligne sur : bit.ly/3t7r4Qu
  • 3. Lorenz L., Dawson J.A., Jones H. et al., “Skin-to-skin care in preterm infants receiving respiratory support does not lead to physiological instability”, Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed, juillet 2017, 102(4):F339-44. Disponible en ligne sur : bit.ly/3ooNkSn
  • 4. Heimann K., Vaessen P., Peschgens T. et al., “Impact of skin to skin care, prone and supine positioning on cardiorespiratory parameters and thermoregulation in premature infants”, Neonatology, juin 2010, 97(4):311-7. Disponible en ligne sur : bit.ly/3iSwGcZ
  • 5. Chi Luong K., Long Nguyen T., Huynh Thi D. H. et al., “Newly born low birthweight infants stabilise better in skin-to-skin contact than when separated from their mothers: a randomised controlled trial”, Acta Pædiatrica, août 2015. En ligne sur : bit.ly/3ciFk2Z
  • 6. Boundy E. O., Dastjerdi R., Spiegelman D. et al., “Kangaroo Mother Care and Neonatal Outcomes: A Meta-analysis”, Pediatrics, janvier 2016, 137(1):e20152238. Disponible en ligne sur : bit.ly/3oqROYT
  • 7. Moore E. R., Bergman N., Anderson G. C., Medley N., “Early skin-to-skin contact for mothers and their healthy newborn infants”, Cochrane Database of Systematic Reviews, novembre 2016, 11:CD003519. En ligne sur : bit.ly/3okMjLi
  • 8. Linnér A., Klemming S., Sundberg B. et al., “Immediate skin-to-skin contact is feasible for very preterm infants but thermal control remains a challenge”, Acta Pædiatrica, avril 2020, 109(4):697-704. En ligne sur : bit.ly/2KX0R6d
  • 9. Marín Gabriel M. A., Llana Martín I., López Escobar A. et al., “Randomized controlled trial of early skin-to-skin contact: effects on the mother and the newborn”, Acta Pædiatrica, novembre 2009, 99(11):1630-4. Disponible en ligne sur : bit.ly/2Msfvmh
  • 10. Maastrup R., Greisen G., “Extremely preterm infants tolerate skin-to-skin contact during the first weeks of life”, Acta Pædiatrica, mars 2010, 99(8):1145-9. En ligne sur : bit.ly/2MBuKsY
  • 11. Nimbalkar S. M., Patel V. K., Patel D. V. et al., “Effect of early skin-to-skin contact following normal delivery on incidence of hypothermia in neonates more than 1800 g: randomized control trial”, J Perinatol., mai 2014, 34(5):364-8. Disponible en ligne sur : bit.ly/3iUHR4C
  • 12. Bergman N. J., Linley L. L., Fawcus S. R., “Randomized controlled trial of skin-to-skin contact from birth versus conventional incubator for physiological stabilization in 1200- to 2199-gram newborns”, Acta Pædiatrica, juin 2004, 93(6):779.85. En ligne sur : bit.ly/36kEG1e
  • 13. Mori R., Khanna R., Pledge D., Nakayama T., “Meta-analysis of physiological effects of skin-to-skin contact for newborns and mothers”, Pediatrics International, avril 2010, 52(2):161.70. Disponible en ligne sur : bit.ly/3ag9tO1

PARTENARIAT AVEC LA COMMISSION DES COORDONNATEURS PARAMÉDICAUX DE LA RECHERCHE

ARTICLE RÉALISÉ PAR : NOLWENN CLÉNET Infirmière puéricultrice, Smur néonatal et pédiatrique, CHRU de Tours n.clenet@chu-tours.fr

L’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêts

COORDINATION : VALÉRIE BERGER IDE, Ph. D., cadre supérieure de santé, coordonnatrice de la recherche en soins, CHU de Bordeaux, membre de la CNCPR, maître de conférences associé temporaire, université de Bordeaux. valerie.berger@chu-bordeaux.fr

EMMANUELLE CARTRON IDE, Ph. D., coordonnatrice de la recherche en soins, CHU de Nantes, membre de la CNCPR. emmanuelle.cartron@ chu-nantes.fr