SOUFFLEZ, VOUS ÊTES BIEN REMPLACÉE - Ma revue n° 006 du 01/03/2021 | Espace Infirmier
 

L'infirmière n° 006 du 01/03/2021

 

CABINET

J’EXERCE EN LIBÉRAL

ORGANISATION

Hélène Colau  

Trouver une remplaçante de confiance, que ce soit pour des interventions ponctuelles ou régulières, relève souvent du parcours du combattant. Nos conseils pour dénicher la perle rare.

C’est la catastrophe, souffle Alexia Huchet, infirmière libérale (Idel) à Mougins (Alpes-Maritimes). Cela fait trois mois qu’avec mon associée nous cherchons une remplaçante pour pouvoir partir quatre jours ensemble… et que nous ne trouvons personne. » Un cas loin d’être isolé : nombre d’Idels rencontrent des difficultés pour se faire remplacer, surtout lorsque le cabinet est de trop petite taille pour faire tourner une remplaçante toute l’année, ou que le chiffre d’affaires est insuffisant. Et la pénurie de remplaçantes est telle que celles-ci peuvent, dans la plupart des régions, se permettre d’être très sélectives dans le choix de leurs missions. Il n’est donc pas rare qu’elles refusent des tournées trop lourdes avec, par exemple, beaucoup de patients en fin de vie, des soins très techniques ou psychologiquement difficiles, comme ceux auprès d’enfants atteints de cancer. Pour autant, en procédant avec méthode, il est possible de maximiser les chances de trouver la bonne soignante.

TROUVER UNE PERSONNE DE CONFIANCE

La première chose à faire est de diffuser ses besoins en remplacement le plus largement possible car la plupart du temps, cela se fait par le bouche-àoreille. « Je commence par informer mes collègues que je cherche quelqu’un, puis, si ça ne suffit pas, je passe une annonce dans une association de libérales de mon secteur, explique Alexia Huchet. Si je n’obtiens toujours pas de réponse, j’élargis un peu plus la zone géographique. Mais dans tous les cas, il est inenvisageable de laisser ma tournée à une personne que je ne connais pas et en qui je n’ai pas toute confiance. » Même son de cloche du côté d’Albine Cabanas, Idel à Périgny (Charente-Maritime) : « La première fois que je me suis fait remplacer, c’était par une connaissance de mon associée, j’étais donc sûre que c’était quelqu’un de bien, raconte-t-elle. Puis, je suis passée par d’autres canaux, notamment en contactant l’Agence régionale de santé. Elle m’a transmis un fichier de contacts mais cela n’a rien donné, car il n’était pas du tout à jour… » Pour trouver la bonne personne, le plus efficace reste donc de passer le mot aux autres professionnels de santé de son département, lesquels pourront éventuellement recommander des infirmières de confiance. Autre solution : poster sa recherche sur les réseaux sociaux, par exemple dans des groupes d’infirmières libérales sur Facebook ou sur le site du Conseil national de l’ordre des infirmiers qui propose ce service gratuitement.

Enfin, il ne faut pas hésiter à s’orienter vers les sites d’offres d’emploi spécialisés dans les remplacements des professionnels de santé (RemplaFrance, Sos Remplacement, CalendrIDEL…). Pour attirer les candidates, l’annonce (lire l’avis d’experte ci-dessus) ne doit omettre aucune information importante, en particulier en ce qui concerne la localisation et le nombre de jours souhaités (ou de jours par semaine en cas de remplacement long). Il faut également détailler les soins pratiqués, le périmètre de la tournée, les horaires habituels et si la remplaçante devra travailler le week-end. Enfin, un détail qui n’en est pas un : indiquer le chiffre d’affaires et les modalités de la rétrocession.

S’ASSURER DES COMPÉTENCES

Une fois les candidatures reçues, il faut impérativement prévoir un entretien avec chaque personne sélectionnée et ce, même s’il s’agit d’un remplacement très ponctuel. « C’est essentiel pour mettre au clair les attentes de chacune, explique Albine Cabanas. Souvent, la remplaçante veut savoir combien on gagne. De mon côté, je m’assure qu’elle a les compétences techniques pour prendre en charge mes patients, comme de savoir si elle a une formation en chimiothérapie. Je pose aussi des questions d’ordre psychologique, car il faut qu’elle soit très patiente : je m’occupe de personnes âgées qui ne sont pas toujours rapides. Enfin, j’interroge toujours les candidates sur leurs motivations, car j’ai une grande responsabilité, je ne peux pas laisser mes patients à n’importe qui. » D’ailleurs, ceux-ci ont aussi leur mot à dire sur l’infirmière qu’ils accueilleront à leur domicile à la place de leur soignante habituelle. C’est pourquoi il est impératif de prévoir une journée de présentation, lors de laquelle la future remplaçante vous accompagnera dans votre tournée. Cela permettra à la fois de lui montrer les soins à effectuer, en particulier sur les patients chroniques, mais également de rassurer ces derniers. « Une fois, j’avais recruté une infirmière puéricultrice qui n’avait pas travaillé avec des personnes en fin de vie depuis des années, se souvient Albine Cabanas. Au début, elle pensait qu’elle pourrait s’y remettre, mais en rencontrant les patients, elle s’est vite rendu compte que ça n’allait pas fonctionner. » À l’inverse, certaines remplaçantes qui, sur le papier, avaient tout de la perle rare, ont dû renoncer car elles ne convenaient pas à la patientèle. « Il arrive que des dames refusent d’être soignées par des hommes et nous respectons cela, rapporte Alexia Huchet. Certains soins sont très intimes, il y a des toilettes, des cancers de la vulve… Le rapport à la pudeur est important dans notre métier. » Un sujet délicat dans la mesure où il est interdit de préciser des critères de sexe dans les annonces de recrutement, car discriminatoire. Mais d’un autre côté, il n’est pas non plus envisageable de placer de force un patient dans une situation qui le met mal à l’aise… « Après plusieurs refus de la part de femmes dont nous nous occupons, nous avons dû informer l’Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) de notre département qu’on ne voulait plus accueillir d’élèves garçons, raconte Laurence Vidal, Idel à Mâcon (Saône-et-Loire). Au début, ça ne leur a pas plu, mais ils ont fini par l’accepter. » Enfin, les associées du cabinet ont aussi leur avis à donner, car ce sont elles qui vont travailler avec la remplaçante. « Elles donnent leur avis mais on n’est pas obligée de le suivre, nuance Albine Cabanas. Pour ma part, j’ai déjà fait appel à une remplaçante que mon associée n’appréciait pas car je savais que je pouvais compter sur elle. Certes, elle n’avait pas un caractère très liant, mais elle a bien voulu venir au pied levé, ce qui est rare. »

RÉDIGER UN CONTRAT

Une fois le choix arrêté, reste à rédiger un contrat fixant les termes du remplacement. Celui-ci doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires (lire l’article sur les règles du remplacement page 55), même si, dans la pratique, ce n’est pas toujours le cas. « Pour une question de temps, cela passe beaucoup par l’oral, avoue Laurence Vidal. Et même quand on prend la peine de préparer un contrat, il arrive que la remplaçante ne le remplisse pas ou omette de le renvoyer. Ça ne me dérange pas dans la mesure où on établit une relation de confiance. On ne m’a jamais fait d’entourloupe. » Certes, l’infirmière effectuant l’acte est responsable et la remplacée ne peut être inquiétée en cas de problème, « mais cela peut tout de même altérer la relation avec notre patientèle », souligne Laurence Vidal. Mieux vaut donc effectuer toutes les démarches administratives, même si cela peut sembler fastidieux, pour pouvoir profiter en toute quiétude d’un repos bien mérité. Sauf qu’en général, « on garde notre téléphone allumé, confie Alexia Huchet, car nous connaissons notre secteur et ses spécificités, comme les zones où il est impossible de se garer… Il faut aussi que nous restions joignable pour répondre à des urgences, comme des parents en détresse face au fonctionnement de la pompe à insuline de leur enfant. On n’est jamais complètement sereine ».

AVIS D’EXPERTE

Il faut donner envie de cliquer sur l’annonce

Élisa Cassé, responsable ressources humaines, spécialiste du remplacement

« Pour recruter efficacement une remplaçante, je conseille d’abord d’anticiper au maximum les dates de congés : plus l’annonce est postée tôt, plus on a de chances de trouver quelqu’un de disponible sur la période souhaitée. Ensuite, pour rendre la demande plus visible, l’Idel peut l’accompagner d’une jolie photo et faire une description suffisamment détaillée des tâches à accomplir afin de donner à la fois une idée de qui elle est et des spécificités de son activité. Il faut que les potentielles remplaçantes aient envie de cliquer sur l’annonce ! Bien sûr, la rétrocession doit également être attractive sinon les candidates vont vite aller chercher une meilleure rémunération ailleurs. Pour booster l’offre, il faut aussi penser aux options proposées par les sites de remplacement, comme les étiquettes “urgent”, qui garantissent une meilleure visibilité sur la plateforme comme sur les réseaux sociaux. Enfin, si la durée du remplacement est assez longue, il peut être judicieux de la diviser en plusieurs annonces afin d’augmenter les chances de couvrir la période entière. Pour un mois de remplacement, je conseille par exemple de rédiger deux annonces de deux semaines chacune. »

Info +

Pour rester en bons termes avec ses remplaçantes et les fidéliser, l’infirmière libérale ne doit pas abuser sur les frais de rétrocession. Certes, elle a des charges fixes et assure le travail administratif, mais elle ne doit pas oublier que c’est la remplaçante qui effectue la tournée ! Il est communément admis que l’Idel garde au maximum 10 % des sommes encaissées en son absence.

TÉMOIGNAGE

J’ai dû abréger mon congé maternité

Alexia Huchet, infirmière libérale à Mougins (Alpes-Maritimes)

« J’ai eu plusieurs mauvaises expériences avec des remplaçantes, mais mon pire souvenir, c’est la fois où l’une d’elles a décidé de mettre fin au contrat du jour au lendemain. Je n’ai pas eu le temps de trouver quelqu’un d’autre, si bien que pour ne pas pénaliser ma collaboratrice, j’ai dû abréger mon congé maternité… Je ne suis pas la seule à avoir connu ça. Au sein de l’association professionnelle dont je fais partie, des consœurs me racontent régulièrement qu’elles ont dû annuler leurs vacances à la dernière minute car la remplaçante ne s’était pas présentée et n’avait donné aucune explication. Il suffit qu’elles trouvent un meilleur chiffre d’affaires ailleurs et elles n’honorent pas leur contrat, même s’il a été rédigé en bonne et due forme. Évidemment, on pourrait les attaquer en justice, mais la plupart du temps, on préfère laisser tomber pour ne pas se compliquer la vie. Le problème est tel qu’avec les membres de l’association, on en est à se demander si on ne va pas constituer un pool pour pouvoir se répartir les tournées des unes et des autres pendant nos congés. Comme nous sommes une cinquantaine, cela peut se mettre en place facilement. D’ailleurs, l’année dernière, quand l’une de nous s’est cassé la jambe, nous avons réussi à nous répartir ses patients en l’espace de dix minutes. »

LE CARNET DE BORD DE MARIE-CLAUDE DAYDÉ, infirmière libérale

[Cotation]

Un chirurgien a prescrit, chez un enfant de 6 ans, un pansement complexe avec irrigation sur une plaie à l’abdomen ainsi que l’ablation de trois points sur une plaie au bras, suite à une chute. Quelles cotations retenir pour les deux interventions relatives à cette prescription et effectuées à la suite ?

Le soin sur le pansement nécessitant une irrigation, il relève d’un pansement lourd et complexe coté en AMI4 + MCI (majoration de coordination) + MIE (majoration pour enfant de moins de 7 ans, facturable depuis le 1er janvier 2020). La MIE étant cumulable avec les autres majorations. Le pansement pour ablation de points est coté AMI2 (moins de 10 points, au-delà il s’agit d’un AMI4). L’article 11 B de la nomenclature s’appliquant ici, ce deuxième acte sera facturé à 50 % de son coefficient, à savoir AMI2/2. Les frais de déplacement (IFD et IK selon la situation) et majoration dimanche ou férié sont à ajouter.

En résumé les cotations à retenir sont les suivantes : AMI4 (12,60 €) + MCI (5 €) + AMI2/2 (3,15 €) + MIE (3,15 €) Point d’attention : chez les enfants, s’organiser avec les parents et les prescripteurs pour limiter les douleurs liées aux soins.

[À propos de…]

PROCHES AIDANTS

Les proches qui aident une personne malade ou handicapée permettent souvent que le domicile reste un lieu de soins possible, mais à quel prix ? Parfois à celui de leur propre santé (problèmes de sommeil, douleurs physiques, stress…) ou d’un isolement social. Leur savoir expérientiel et la connaissance qu’ils ont du malade et de son environnement sont souvent peu reconnus. Lorsque ce dernier est hospitalisé, ces proches aidants sont souvent peu écoutés sur les gestes de soin qu’ils pratiquent au quotidien. Comment mieux évaluer leur risque d’épuisement et conjuguer savoirs d’aidants et professionnels ? La stratégie gouvernementale 2020-2022 de mobilisation et de soutien envers les aidants prévoit « l’instauration d’un “réflexe proches aidants” chez les professionnels de santé ou d’accompagnement ». En 2021, elle devrait se concrétiser par l’élaboration d’outils d’évaluation de la santé des proches aidants, ainsi que le déploiement d’une formation à distance renforcée pour les professionnels des établissements et services médico-sociaux, en partenariat avec les universités. Les solutions de répit restent cependant encore insuffisantes. Dommage !