Accès à la formation professionnelle, prime de risque en Csapa, défaut de surveillance infirmière, garde et astreinte…
Voici quatre décisions de justice récentes et éclairantes*.
Le plan de formation permet de mettre en œuvre le droit des agents à des formations professionnelles. L’inscription s’effectue selon les objectifs et moyens du plan, et l’intérêt du service (Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille, 2e chambre, 26 novembre 2020, n°s 19MA03093 – 19MA03095).
Faits. Un infirmier titulaire a été admis le 10 mai 2017 sur la liste principale au concours d’entrée à l’école d’infirmiers anesthésistes diplômés d’État. Le 20 juillet 2017, il a demandé au centre hospitalier une prise en charge financière au titre de la promotion professionnelle hospitalière (PPH). Cette demande a été rejetée.
Droit applicable. L’existence d’un plan de formation au sein d’un établissement implique que ses agents disposent d’un droit à suivre les actions de formation qui y sont inscrites. Ce droit s’exerce sous réserve de l’adéquation de la demande avec les objectifs et moyens du plan et de l’intérêt du service à la date où est formulée la demande.
Analyse. Par une note de service du 27 octobre 2016 relative à la procédure de demande de prise en charge financière des PPH, le directeur du centre hospitalier a listé les critères cumulatifs devant être remplis par les agents pour que leur candidature soit admissible, prévoyant une attribution par ordre de mérite dans le classement au concours, dans la limite des places disponibles. La décision contestée tenait compte du rang de l’intéressé par ordre de mérite au concours, soit la neuvième place. La direction a appliqué un critère objectif en lien avec l’absence d’adéquation de la demande avec les objectifs et moyens du plan, dès lors que seuls six financements étaient ouverts. L’administration a également pris en compte l’intérêt du service, s’agissant d’une demande de formation au titre de la promotion interne. La décision est donc justifiée.
Une infirmière affectée dans un centre de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa) peut prétendre à l’indemnité pour travaux dangereux (article 1er du décret du 23 juillet 1967) (Cour administrative d’appel de Lyon, 3e chambre, 4 décembre 2020, n° 18LY03556).
Faits. Une infirmière titulaire affectée dans un Csapa dépendant d’un centre hospitalier a demandé à l’établissement de lui verser l’indemnité pour travaux dangereux, insalubres, incommodes ou salissants de première catégorie prévue par l’article 1er du décret n° 67-624 du 23 juillet 1967.
Droit applicable. Selon cet article et l’article 8 de l’arrêté du 18 mars 1981, l’affectation effective d’un agent dans un service de malades agités et difficiles lui ouvre droit au bénéfice de cette indemnité, dès lors que les risques ou incommodités subsistent malgré les précautions prises et les mesures de protection adoptées.
Analyse. Les patients pris en charge dans les Csapa en raison de leur addiction (article D 3411-1 du Code de la santé publique) peuvent se montrer agités ou difficiles, ainsi qu’en témoignent les signalements d’incidents produits par l’infir mière entre 2006 et 2016. Contrairement à ce qu’affirme le centre hospitalier, le fait que le Csapa soit uniquement une unité d’accueil n’a pas d’influence sur le comportement des patients. De même, le fait que seule une minorité des patients se montre agitée ou difficile n’écarte pas le risque d’une difficulté à gérer un patient ou d’une agression. Par suite, le Csapa où exerce l’infirmière constitue un service de malades agités et difficiles. L’éta blis sement fait état de diverses mesures de précaution et prévention (vidéosurveillance, bouton d’urgence, pièces fermées, agents de sécurité). Cela peut atténuer la gravité de l’exposition au risque mais le laisse en partie subsister. Le versement de la prime est dû.
Un défaut de surveillance infirmière des signes de dégradation présentés par un patient admis en urgence pour un traumatisme est une faute qui a retardé le diagnostic et aggravé les déficits neurologiques (CAA de Nantes, 3e chambre, 16 octobre 2020, n° 18NT03029).
Faits. Le 11 août 2012, un homme de 30 ans a été admis aux urgences suite à un accident de la route alors qu’il conduisait alcoolisé et sans ceinture. Il souffre d’une frac ture du rachis cervical et d’une commotion céré brale. Il a ensuite été transféré dans une unité de courte durée et placé sous morphine. À 22 h 21, en voulant se lever du fauteuil dans lequel il avait été placé à sa demande, il a chuté et le personnel l’a aidé à se rasseoir. Il a alors été atteint de vives douleurs abdominales et d’une insensibilité des membres inférieurs. Le patient a été examiné le lendemain à 8 h par un neurologue de l’établissement qui a diagnostiqué une tétraparésie en lien avec une compression médullaire décelée par IRM. Un diagnostic de luxation biarticulaire avec glissement et bascule de C7 sur D1 responsable d’une tétraplégie ayant finalement été posé au service de neurologie d’un CHU.
Droit applicable. Selon l’article L 1142-1 du Code de la santé publique, la responsabilité pour l’activité de soins au centre hospitalier est engagée en cas de faute prouvée.
Analyse. Prise en charge conforme. Le patient soutient que la prise en charge dont il a fait l’objet dès son admission au service des urgences a été défaillante. Toutefois, il résulte du rapport d’expertise que celle-ci a été conforme à toutes les recommandations en présence d’un traumatisme cervical sans signes neurologiques, et avec un scanner cérébral ne montrant pas d’anomalies au niveau des disques et des corps vertébraux. Les vomissements dont le patient a été sujet étaient liés aux doses importantes de morphine prescrites. En l’absence de faute lors de la prise en charge initiale, la respon sabilité ne peut être engagée pour cette phase. La luxation dont le patient a été victime résulte des mobilisations faites à sa demande et de sa chute. Ces faits lui sont imputables, sans pouvoir retenir de faute à l’égard de l’équipe.
Retard de diagnostic. Si la faiblesse du patient n’était pas de nature à alerter, dès lors que celui-ci somnolait ou dormait suite à un traumatisme physique et psychique, une forte alcoolémie et des doses de morphine importantes, il en va autrement des difficultés à se mouvoir dont il se plaignait et l’absence de miction depuis l’admission, qui auraient dû alerter dès 5 h le 12 août 2012. Or, ces signes n’ont été pris en compte qu’à 8 h 30. Un tel retard de diagnostic et de prise en charge a entraîné une aggravation des déficits neurologiques, qui ont progressé durant ces trois heures. La responsabilité du centre hospitalier est donc engagée du fait de cette négligence dans l’observation infirmière, qui est la cause d’un retard de diagnostic fautif, lequel a fait perdre au patient une chance d’éviter la progression des déficits. Perte de chance que les premiers juges ont correctement évalué à 25 %.
Les gardes sont des périodes de travail effectif où les agents sont à la disposition de leur employeur sans pouvoir vaquer à leurs occupations personnelles. En périodes d’astreinte, les agents ont seulement l’obligation d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’établissement (CAA de Douai, 2e chambre, 22 décembre 2020, n° 19DA02108).
Faits. Une infirmière anesthésiste (Iade) en fonction depuis 2012 dans un centre hospitalier, exerçant en maternité, a demandé la requalification de ses astreintes en gardes. La demande a été rejetée.
Droit applicable. En application des articles 5, 20, 24 et 25 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002, la rémunération des agents dans les établissements publics de santé distingue les périodes de travail effectif et d’astreinte. S’agissant de ces dernières, le seul fait que l’employeur mette à la disposition des agents un logement situé à proximité ou au sein du lieu de travail pour leur permettre d’intervenir dans les délais requis n’implique pas de requalifier une astreinte en temps de travail effectif.
Analyse. Dans le cadre des urgences et des astreintes, le centre hospitalier mettait une chambre à la disposition des Iade dans l’établissement. La fiche de déclenchement de l’astreinte précisait que la nuit, le week-end et les jours fériés, les Iade étaient appelés par un bipeur. Le centre hospitalier fait valoir que le fait que le logement soit situé dans l’établissement est sans incidence sur la liberté de l’agent de vaquer à ses occupations dès lors que rien ne s’opposait à ce que celui-ci effectue ses astreintes à son domicile si sa localisation lui permettait d’intervenir dans les délais requis.
L’infirmière soutient qu’étant Iade en maternité, elle était à tout moment à la disposition du service. Or, via le bipeur, elle pouvait être contactée pendant toute la durée de sa permanence, sans devoir rester à proximité d’un émetteur situé dans l’établissement. En outre, aucune instruction du centre hospitalier n’obligeait l’Iade à rester à disposition immédiate dans la maternité, ni à intervenir dans un temps déterminé dès lors qu’une première équipe pouvait débuter la prise en charge médicale. L’infirmière pouvait ainsi effectuer sa permanence à son domicile et vaquer à ses occupations. Les périodes d’astreinte concernées ne peuvent donc être regardées comme correspondant pour leur totalité à des heures de travail effectif, et requalifiées en gardes.
* Source : Objectif Soins & Management, n° 279, février-mars 2021