L'infirmière n° 007 du 01/04/2021

 

REPORTAGE

JE ME CULTIVE

Thomas Laborde  

Cet ouvrage rassemble tous les ingrédients d’un excellent roman. Une écriture saisissante, des personnages forts aux parcours singuliers, un univers inconnu, fantasmé, rongé par les dogmes et les théories, bousculé par les incertitudes et les péripéties, fait d’antagonismes, d’individualités liées tantôt par la violence, tantôt par l’affection, la solidarité. Pourtant, À la folie n’a rien d’une fiction. L’auteure a passé un an dans un hôpital psychiatrique. À la légitimité du reportage, elle apporte la puissance de la littérature. Son regard discret raconte des vies chaotiques qu’un système branlant tente de contenir. Mais la force majeure de ce travail, c’est cette façon qu’a l’écrivaine de s’effacer et d’intégrer la parole de ses interlocuteurs (médecins, soignants, patients), chacune comme une vérité à entendre. Sans hiérarchisation. Pour tenter de trouver un sens à l’insensé et retranscrire les affres de cette discipline à part confrontée à de nombreux paradoxes. Parmi lesquels, celui d’un secteur accusé de dépenser trop et à qui l’on demande d’accueillir tous ceux que la société rejette. Joy Sorman tente de décrypter les souffrances de la psychiatrie, où tout est si précaire et révocable. Et se demande qui on cherche à protéger. Bouleversant.

À la folie, Joy Sorman, éditions Flammarion, 288 pages, 19 €