Depuis toujours, les infirmières libérales sont les cibles privilégiées des démarcheurs sans scrupules. Et lorsqu’on est victime, difficile d’obtenir gain de cause. Alors, comment éviter de tomber dans le piège ?
Parce que leur numéro de téléphone est facilement accessible, les infirmières libérales (Idels) sont les proies d’entreprises ou de personnes mal intentionnées. L’une des premières arnaques qu’elles subissent concerne l’application de normes, de lois ou d’obligations réglementaires. « De nombreuses sociétés les appellent pour leur faire croire qu’elles doivent répondre à telle réglementation ou à telle obligation, et n’hésitent pas à leur faire peur, arguant d’un possible déconventionnement avec l’Assu rance maladie », signa le Me Arnaud de Lavaur, avocat au barreau de Paris, spécialisé dans la défense des infirmières. Pendant un temps, elles étaient démarchées par des entreprises qui leur proposaient un audit à un tarif très élevé, pour déterminer si leur cabinet respectait les normes d’accessibilité. « Cet audit ne sert à rien car tous les textes concernant les normes sont disponibles sur Internet et il est très facile de savoir si on les respecte ou non », prévient l’avocat. Dans le même esprit, lors de l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données (RGDP), nombre d’Idels ont été contactées par des entreprises pour leur proposer les services d’un délégué à la protection des données (DPO), à des prix exorbitants. « La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a pourtant considéré que ce n’était pas l’usage pour les Idels », poursuit Me de Lavaur. Idem concernant des contrats de location de défibrillateurs : contrairement à ce que certaines entreprises avancent, les libérales n’ont pas l’obligation d’en posséder. « En tant que professionnelles paramédicales, elles se doivent de savoir ce qui relève ou non de leurs obligations, informe l’avocat. Elles ne peuvent donc pas bénéficier du délai de rétractation de 15 jours prévu par la loi Scrivener sur la protection des consommateurs. De plus, ce type de contrat est difficile à dénoncer car les entreprises savent exactement comment faire pour bien se couvrir. »
Le domaine de l’assurance n’est pas exempt de mauvaises surprises. Charlotte, Idel dans les BouchesduRhône, en a fait les frais. Contactée par un commercial pour la souscription d’un contrat de prévoyance, elle prend rendezvous. Après une présentation des différentes offres, il lui demande de signer un document sur sa tablette attestant de la bonne présentation des produits. La démarche s’arrête là. En janvier 2020, alors qu’elle est enceinte et indemnisée par sa prévoyance, Charlotte reçoit une lettre l’informant de sa désinscription. « J’ai compris que le commercial m’avait fait signer une souscription et qu’il avait envoyé un courrier de résilia tion à ma prévoyance », racontetelle. Elle appelle le responsable de sa « nouvelle » assu rance pour se désinscrire et retourner dans son ancienne agence, qui n’a pas voulu la reprendre. « Je n’ai donc perçu aucune indemnité pendant mon congé maternité », regrette la soignante, précisant n’avoir toujours pas souscrit de nouveau contrat, échaudée par cette expérience. « Dans le domaine des assurances, il est difficile de parler d’arnaques au sens propre du terme car il n’existe pas de faux produits », fait savoir Thibault Guérizec, courtier en assurance. En revanche, les assureurs peuvent être dans une démarche offensive avec des appels fréquents. Et face à des Idels surbookées, en manque de temps, cela peut fonctionner. « Mais elles doivent se méfier car souvent, les assureurs qui adoptent cette technique sont ceux qui ont du mal à fidéliser », indiquetil. Si le rendezvous est pris et qu’une prestation est proposée, un conseil : ne jamais signer le jour même. « Il est impossible de prendre toutes les informations, de réaliser les simulations et de présenter les solutions en un seul rendezvous », explique le courtier. Si malgré tout, signature il y a eu, des délais de rétractation sont prévus dans les contrats. Françoise, Idel dans la Drôme, en a d’ailleurs fait usage. « Je voulais souscrire une retraite complémentaire avec des place ments éthiques. Le commercial me l’a certifié, alors j’ai signé le contrat. Mais lorsque je l’ai fait vérifier par un expert, j’ai découvert des frais de dépôt non annoncés mais également que 80 % des placements étaient à risque et opaques. J’ai donc tout résilié. » Dans tous les cas, avant de signer, mieux vaut prendre le temps de réfléchir et demander conseil, car une fois le délai de rétractation passé, il est difficile d’agir. « Les courtiers peuvent certes être mis en cause pour un défaut d’information mais il appartient à l’infirmière d’apporter la preuve, prévient Me de Lavaur. Si l’information a eu lieu à l’oral, comme c’est souvent le cas, le mauvais conseil est difficile à prouver. »
Du côté de l’expertisecomptable aussi les Idels sont sollicitées. Non pas par des entreprises françaises, pour qui cette pratique est interdite, mais étrangères. « Plusieurs de mes clientes ont été contactées par une entreprise suisse qui leur a conseillé de passer en Selarl pour payer moins d’impôts », souligne David Hivin, expertcomptable, lequel met en garde contre ces « belles promesses » car « il n’existe pas de recette miracle pour payer moins d’impôts, si ce n’est diminuer ses revenus ou son salaire ». Et de poursuivre : « Cette entreprise propose un package à 5 000 euros pour changer de statut alors que l’Idel peut examiner la question avec son expertcomptable et l’envisager pour un coût beaucoup moins élevé. » Il est également arrivé que certaines de ses clientes soient contactées par une personne, soidisant, du centre des impôts, pour leur indiquer que leur expertcomptable avait fait une erreur dans leur déclaration et qu’elles devaient régler une certaine somme dans les heures suivantes, sous peine d’une amende d’un montant exorbitant. Sachez que les échanges avec l’administration fiscale se font exclusivement par écrit. En cas de doute, mieux vaut appeler son comptable.
Le domaine des sites Internet aussi est concerné par le démarchage. C’est arrivé à Françoise, contactée pour la création gratuite d’un site Internet « soidisant parce qu’il aurait permis à l’entreprise de s’en servir comme vitrine », raconte l’Idel. Elle prend rendezvous, reçoit deux personnes qui, après avoir pris quelques renseignements, lui présentent un plan de financement de 4 000 euros avec de nombreuses ristournes. « Malgré ces avantages, il me restait 119 euros par mois à payer pendant plusieurs années, expliquetelle encore énervée. Je leur ai dit que c’était de la publicité mensongère et leur ai demandé de partir. Ce démarchage abusif m’a fait perdre du temps ! » D’autant que la législation est stricte pour les sites des professionnels de santé qui ne peuvent faire de publicité et du référencement payant.
Dans le secteur de la formation, en revanche, « le phénomène est relativement nouveau, reconnaît Marcel Affergan, ancien Idel et cofondateur de l’organisme de formation Orion Santé. Depuis l’émergence de la formation en elearning, de nouvelles entreprises affichent une démarche commerciale agressive et harcèlent les libérales pour qu’elles s’inscrivent à leur formation. » « J’ai été sollicité de manière insistante par un organisme de formation, confirme Ismaël, Idel. Je leur ai laissé entendre que j’envisageais de m’inscrire à une session qu’Orion propose en présentiel, et ils m’ont certifié que ces formations ne pouvaient plus avoir lieu au regard de la crise sanitaire. Ils ont tellement fait le forcing que j’ai accepté leur formation en ligne et je le regrette bien. » Pour dénoncer ces prati ques, Orion Santé et d’autres organismes regrou pés en fédération entendent faire respecter la charte éthique des organismes de formation produite par l’Agence nationale du développement professionnel continu, qui acte l’interdiction d’avoir un service commercial agressif. Ils ont d’ailleurs informé l’Agence de ces agissements, mais celleci a besoin de signalements pour agir.
Lia, infirmière libérale dans le Var
« Il y a quelques années, j’ai reçu une importante livraison de matériel, comme du papier toilette et des boîtes de Dasri, que je n’avais pas commandé. Je contacte l’entreprise, l’informe n’avoir jamais passé cette commande, mais la direction ne veut rien savoir et refuse de la reprendre. Je tiens tête, demande à recevoir le bon de commande et ne paie pas la facture. L’histoire traîne jusqu’à ce que je sois contactée par un huissier. En parallèle, j’ai eu plusieurs fois le directeur au téléphone, qui était menaçant, me disait que j’allais être sous le coup d’une procédure judiciaire si je refusais de payer. Par crainte et sous la pression, j’ai fini par régler les 1 600 euros de la commande. Mais aujourd’hui, j’attends toujours le bon de commande et je m’interroge sur l’existence réelle des huissiers. Avec les réseaux sociaux, je me suis rendu compte que je n’étais pas la seule dans ce cas. Nous sommes désormais plusieurs à vouloir nous regrouper en collectif pour porter plainte contre cette entreprise. »
• En cas de démarchage par téléphone ou directement au cabinet, être sur ses gardes, d’autant plus si l’offre proposée ne répond pas à un besoin.
• Toujours se méfier en l’absence d’éléments écrits. En cas d’intérêt pour un produit ou un service, demander des documents rédigés.
• Prendre un temps de réflexion avant toute signature pour s’assurer des termes du contrat et des obligations.
• Se méfier du prix des abonnements, souvent attractif, mais à payer sur une longue période.
• En cas de doute, se renseigner auprès de son réseau.
« Avec la crise sanitaire et le développement du télétravail, nous assistons à une recrudescence des attaques et escroqueries virales sur nos systèmes d’information », fait savoir Hamel Zeani, responsable de l’activité santé au sein de Fiducial informatique. Conséquences : perte de données et d’outils de production, chantage du hacker. Ce type d’escroquerie repose toujours sur la conjugaison de deux faiblesses : l’outil informatique et l’utilisateur. « Les Idels ne sont pas à l’abri de telles menaces », prévient-il. Pour se prémunir, il est nécessaire d’avoir un système d’exploitation à jour avec les updates récentes, un antivirus à jour et un pare-feu. Bien entendu, il ne faut pas ouvrir le lien ou les pièces jointes d’un expéditeur inconnu et éviter les sites de téléchargement. Il est impératif de réaliser et contrôler régulièrement les sauvegardes de ses données métier et ce, sur plusieurs supports (interne et externe), et penser à une bonne gestion de ses mots de passe (multiples, différents, complexes). Enfin, il faut savoir reconnaître les signes d’une infection : ralentissement significatif inexpliqué de l’ordinateur, redémarrages intempestifs, messages d’erreurs étranges ou encore disparition de périphériques.
[Cotation]
Pourriez-vous m’indiquer comment coter une nutrition parentérale de 19 h à 9 h le lendemain chez un patient en chimiothérapie, sachant que j’ai revu le patient vers 23 h 30 car la pompe affichait un problème de débit, et que le matin, j’ai enlevé le dispositif et réalisé un test RT-PCR ?
Si l’on reprend les soins de façon chronologique, pour le branchement de la perfusion : « Forfait pour séance de perfusion d’une durée supérieure à une heure avec organisation d’une surveillance » : AMI 15 + déplacement. Pour le déplacement de 23 h 30 : « Intervention pour débranchement ou déplacement du dispositif ou contrôle du débit, pour une perfusion sans surveillance continue, en dehors de la séance de pose » : AMI 4,1 + 18,30 € (majoration de nuit de 23 h à 5 h) + déplacement. Et enfin pour l’intervention du lendemain matin 9 h : « Forfait pour arrêt et retrait du dispositif d’une perfusion, y compris le pansement, la tenue du dossier de soins… » : AMI 5 + déplacement. Lorsque le test RT-PCR est réalisé avec un acte prescrit, hors Covid, ce qui est le cas ici, cet acte est coté normalement et s’y ajoute un AMI 3,1 à taux plein dans la limite de deux actes. Le test RT-PCR est à facturer à part en exonération 3.
[À propos de…]
INÉGALITÉS DE SANTÉ
C’est la « double peine » pour les personnes âgées ou en situation de handicap qui n’ont pas Internet et se déplacent avec difficulté. Une situation vécue par nombre de nos aînés, qui se retrouvent isolés faute d’être « connectés », et ainsi pouvoir prendre les rendez-vous de santé dont ils ont besoin. À cela s’ajoute qu’après la course aux rendez-vous pour la vaccination contre la Covid-19, les personnes aux revenus modestes ne pouvant se déplacer sans aide ont été pénalisées par l’absence de transport pris en charge par leur assurance maladie. Cet écueil a toutefois été levé par un décret du 19 février dernier, prévoyant pour ces personnes un transport « par ambulance ou transport assis professionnalisé entre leur domicile et le centre de vaccination contre le SARS-CoV-2 le plus proche ». Ces frais de transport, sur prescription médicale, sont pris en charge intégralement et sans avance de frais par l’Assurance maladie, dans le cadre de la protection sociale. La crise sanitaire a révélé davantage d’inégalités sociales de santé non résolues, pour lesquelles de nombreuses solutions restent encore à imaginer.
Dommage !