JE ME FORME
PHARMACO
Florence Bontemps* Thomas Petit**
*Dr en pharmacie
**Dr en pharmacie, Défimédoc
L’insuline, hormone sécrétée par les cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas, a pour rôle de maintenir l’équilibre du taux de glucose dans le sang, en favorisant le stockage du glucose sous forme de composés complexes (glycogène ou triglycérides) au niveau des muscles, du foie ou du tissu adipeux.
• Chez une personne non diabétique, le débit basal continu de l’insuline endogène est de 15 à 18 mU/min. Il augmente à chaque prise de repas.
• Chez les diabétiques insulinodépendants, chez qui le pancréas n’est plus fonctionnel, un apport pluriquotidien d’insuline est indispensable, cumulant généralement une insuline basale (lente) une à deux fois par jour pour reproduire la sécrétion physiologique de base, et des injections d’insuline rapide, à chaque repas, pour assimiler les glucides apportés par l’alimentation.
• Chez les diabétiques de type 2, l’insulinothérapie est indiquée lorsque les objectifs glycémiques et/ou d’hémoglobine glyquée ne sont pas atteints sous traitement antidiabétique bien conduit.
• Les doses d’insuline sont adaptées en fonction de la glycémie à jeun pour l’insuline basale injectée le soir, et des glycémies pré- et post-prandiales pour les insulines rapides.
Les insulines rapides (voir tableau) sont des « insulines humaines » produites par génie génétique mais dont la structure est identique à celle de l’insuline humaine.
• Elles agissent en 30 minutes pour une durée d’action totale de 7 à 9 heures. Elles doivent être administrées 15 à 20 minutes avant le repas.
• Elles sont conditionnées en stylos préremplis jetables, en cartouches pour stylos ou en flacons pour pompe à insuline. Toutes les présentations sont à concentration de 100 UI/ml d’insuline. Les stylos préremplis permettent d’injecter 1 à 60 unités d’insuline (jusqu’à 80 unités pour les stylos FlexTouch et SoloStar) par palier de 1 unité.
Les insulines ultrarapides (voir tableau), plus récentes, sont des « analogues de l’insuline humaine » produites par génie génétique, mais dont la structure diffère de quelques acides aminés, permettant une meilleure solubilisation de l’insuline et un délai d’action plus court.
• Elles agissent en 10 à 20 minutes pour une durée d’action totale de 3 à 5 heures.
• L’insuline Fiasp est la plus rapide, avec une action pouvant débuter 5 minutes après l’injection.
• Ces insulines peuvent être administrées juste avant ou après le repas si nécessaire.
• Humalog KwikPen Junior délivre de 0,5 à 30 unités par palier de 0,5 unité et peut être utilisé pour initier le traitement.
Leur durée d’action est au minimum de 14 heures. Leur objectif est de constituer une concentration minimale d’insuline dans l’organisme.
Les insulines intermédiaires NPH (voir tableau), pour Neutral Protamine Hagedorn, sont des insulines humaines liées à de la protamine (protéine de poisson) et du zinc pour obtenir un relargage plus ou moins rapide de l’insuline dans le sang. Ces insulines, qui datent des années 1940, sont les premières préparations « retard » d’insuline.
• Elles agissent en 1 heure et ont une durée d’action de 12 à 18 heures (insulines intermédiaires). Elles peuvent entraîner une hypoglycémie marquée à la quatrième heure.
• Leur concentration est toujours de 100 UI/ml.
• On utilise les stylos KwikPen et FlexPen qui permettent d’injecter 1 à 60 unités d’insuline par palier de 1 unité.
Les insulines lentes (voir tableau) – glargine et détémir – sont des analogues de l’insuline produits par génie génétique, dans lesquels l’insuline diffère de quelques acides aminés de façon à ralentir sa cinétique d’action.
• Elles agissent en 1 à 2 heures pour une durée d’action allant de 20 à 30 heures (de 14 à 20-24 heures pour Levemir, 24 heures pour Lantus, de 24 à 30 heures pour Toujeo).
•Contrairement aux insulines NPH, elles n’ont pas de pic d’action mais un « profil plat » qui minimise le risque d’hypoglycémie, en particulier nocturne.
• Elles s’administrent une fois par jour (parfois deux fois par jour pour Levemir).
L’insuline ultralente : il n’existe qu’une seule insuline ultralente, l’insuline dégludec (voir tableau), un analogue de l’insuline qui, après injection, forme des chaînes à partir desquelles l’insuline est progressivement libérée.
• Elle agit en 2 heures pour une durée d’action allant jusqu’à 42 heures. Elle n’a pas de pic d’action et s’administre une fois par jour.
• L’insuline ultralente (Tresiba) est disponible en deux concentrations : 100 UI/ml et 200 UI/ml.
Les insulines biphasiques (voir tableau), ou insulines Mix, associent une insuline intermédiaire NPH à une insuline rapide ou ultrarapide.
• L’utilisation de mélanges prédéfinis d’insuline présente l’avantage de ne faire qu’une seule injection mais empêche de modifier la dose d’une insuline séparément de l’autre.
• Les insulines biphasiques sont : Mixtard 30, NovoMix 30, 50 ou 70, Humalog Mix 25 ou 50 et Umuline Profil 30. Les chiffres correspondent au pourcentage d’insuline rapide ou ultrarapide dans la formulation.
• L’association insulines rapide + intermédiaire Mixtard 30 agit en 30 minutes pour une durée d’action allant jusqu’à 24 heures. Les associations insulines ultrarapide + intermédiaire ont un délai d’action court (à partir de 10 minutes) et ont une durée d’action qui varie entre 7 et 24 heures selon les spécialités.
• Ces insulines s’administrent avant le repas.
• L’association récente d’insuline dégludec et de liraglutide (Xultophy) est indiquée uniquement dans le traitement du diabète de type 2, en association avec d’autres antidiabétiques oraux.
• Xultophy est administré une fois par jour en sous-cutané à n’importe quel moment de la journée, au même horaire chaque jour.
• Xultophy peut entraîner des hypoglycémies et, fréquemment, des troubles digestifs (nausées, vomissements, constipation, diarrhées, douleurs abdominales), qui s’atténuent en quelques jours ou semaines avec la poursuite du traitement.
• La libération d’insuline humaine est plus rapide au niveau de l’abdomen, « intermédiaire » au niveau des bras, et plus lente au niveau des cuisses et des fesses, sauf pour les insulines analogues. L’injection dans les lipohypertrophies retarde la libération de l’insuline.
• L’activité des muscles situés près de la zone d’injection influe la vitesse d’action : plus l’activité du muscle est importante, plus le débit sanguin est important et la libération de l’insuline accélérée.
• La profondeur de l’injection est importante : l’insuline doit être administrée dans le tissu sous-cutané. En intramusculaire (aiguille trop longue), la libération d’insuline sera plus rapide car le muscle est un tissu très vascularisé.
• Les aiguilles de 4 mm doivent être privilégiées chez tous les patients, y compris les patients obèses (éventuellement 5 mm). Les aiguilles de 6 mm et plus augmentent le risque d’injection en IM et n’améliorent pas le contrôle glycémique.
• Les insulines biphasiques et NPH doivent être remises en suspension avant injection.
• Pour ce faire, il convient de les retourner de bas en haut une dizaine de fois ou de faire rouler le flacon ou le stylo entre les mains (ne pas agiter) et vérifier que la suspension est homogène.
• Chaque zone (cuisses, abdomen, bras, fesses) doit être divisée en quadrants. Un quadrant doit être utilisé pendant une semaine. La rotation peut se faire dans le sens horaire au sein de chaque zone et de chaque quadrant.
• Chaque injection doit être espacée d’un centimètre (largeur du doigt d’un adulte).
• Il est également conseillé de rester dans la même zone aux mêmes heures de la journée.
• Il n’est pas utile de désinfecter la zone si les règles d’hygiène sont bien respectées.
• Purger le stylo avec 2 unités d’insuline avant chaque injection. Introduire l’aiguille à 90°, sans faire de pli cutané (aiguille de moins de 6 mm) et maintenir sous la peau durant 10 secondes après l’injection. Le pli cutané n’est recommandé que chez les enfants âgés de moins de 6 ans et les patients très maigres.
• Pour les insulines lentes à administration quotidienne, l’injection peut être réalisée le matin ou le soir, mais toujours au même moment.
• Pour Toujeo, le patient peut réaliser son injection + /- 3 heures après ou avant l’heure habituelle si nécessaire ; pour Tresiba, il faut respecter un intervalle de 8 heures entre deux injections.
• Chez les personnes diabétiques de type 1 : ne jamais arrêter l’insuline basale, même à jeun, car une acidocétose iatrogène peut survenir en quelques heures.
Les plus fréquents sont : l’hypoglycémie (plus ou moins sévère), l’apparition de lipohypertrophies aux points d’injection, l’hypokaliémie (rare si les doses sont bien adaptées), la prise de poids.
Lipohypertrophies : épaississements localisés du tissu adipeux sous-cutané induits par une mauvaise technique d’injection (réutilisation de l’aiguille, absence de rotation des zones d’injection). Elles disparaissent si l’on arrête d’y injecter l’insuline. L’injection dans les lipohypertrophies mène à une absorption imprévisible de l’insuline (accélérée ou retardée). Une détection des lipohypertrophies par palpation doit être enseignée au patient, qui doit arrêter momentanément les injections sur ce site.
Hypoglycémie : en cas d’hypoglycémie sévère (perte de connaissance), l’injection de glucagon est indiquée chez les patients sous insuline. Le patient doit réagir dans les 10 minutes suivant l’injection. Un resucrage est indispensable (glucides en per os pour reconstituer les réserves de glycogène hépatique et prévenir une nouvelle hypoglycémie).
• Pas d’interaction contre-indiquée avec l’insuline.
• L’association avec les bêtabloquants fait l’objet d’une précaution d’emploi car ils peuvent masquer les signes d’une hypoglycémie (tachycardie, palpitations, tremblements).
• Avant la première utilisation, les insulines doivent être conservées entre + 2 °C et + 8 °C au réfrigérateur, ni dans la porte ni dans le bac.
• Après la première utilisation, elles peuvent être conservées à température ambiante (moins de 30 °C pour la grande majorité) entre quatre et six semaines selon la spécialité.
• Les cartouches utilisées pour les pompes à insuline se conservent deux semaines après la première utilisation.
• Xultophy se conserve 21 jours après la première utilisation.
• Ne pas congeler. Reboucher le stylo car l’insuline est sensible à la lumière.
• Les objectifs glycémiques sont fixés par le médecin en fonction de chaque patient, selon le type de diabète, l’âge et les caractéristiques physiopathologiques.
• L’adaptation des doses est fonction des glycémies à jeun, pré- et post-prandiales (deux heures après le repas) et de l’hémoglobine glyquée (HbA1c) mesurée tous les trois mois, qui permet d’apprécier l’équilibre moyen des glycémies.
• Dans le diabète de type 1, les objectifs sont généralement : glycémie entre 1 et 1,2 g/l (5,5 et 6,6 mmol/l) le matin à jeun ; 0,8 et 1,2 g/l (4,4 et 6,6 mmol/l) avant les repas ; 1,2 et 1,8 g/l (6,6 et 10 mmol/l) deux heures après les repas ; HbA1c inférieure à 7 % ; pas d’hypoglycémies sévères.
• Dans le diabète de type 2, une cible d’HbA1c inférieure ou égale à 7 % est généralement recommandée, avec une glycémie entre 0,8 et 1,2 g/l (4,4 et 6,6 mmol/l) à jeun, et entre 1,2 et 1,6 g/l (6,6 et 8,8 mmol/l) en post-prandial.
• Les doses d’insuline rapide sont adaptées en fonction des glycémies pré- et post-prandiales. Les doses d’insuline basale sont fonction de la glycémie à jeun et peuvent être augmentées si cette glycémie est trop élevée.
• La pompe à insuline externe est un dispositif qui délivre de l’insuline rapide (débit basal) en continu, toute la journée, et une dose supplémentaire (bolus) au moment des repas pour couvrir les glucides absorbés ou pour corriger une hyperglycémie.
• Le cathéter, le réservoir et la tubulure doivent être changés tous les deux à trois jours pour éviter les problèmes cutanés (infections, lipodystrophies…) ainsi que les risques d’obstruction du cathéter.
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt
Attention : Humalog existe en deux dosages 100 UI/ml ou 200 UI/ml. Le stylo à 200 UI/ml est adapté aux patients devant s’injecter de grandes quantités d’insuline.
Dans tous les cas, le patient détermine le nombre d’unités à injecter sur le stylo sans se préoccuper de la concentration de l’insuline.
Le risque, si les insulines biphasiques et les insulines NPH ne sont pas correctement remises en suspension, est une forte variabilité de la réponse thérapeutique d’une injection à l’autre.
L’utilisation d’insuline est possible pendant la grossesse et l’allaitement. Chez les insuffisants rénaux, la dose d’insuline doit être adaptée. En effet, plus le débit de filtration glomérulaire diminue, plus la clairance de l’insuline diminue.