JE ME FORME
FICHE DE SOINS
Claire Manicot* Lucille Pianelli**
*infirmière de centre de planification et d’éducation familiale dans l’Ain
Malgré une prévalence contraceptive élevée en France, la sexualité a toujours son lot d’imprévus. Après un rapport sexuel à risque, la mise en place rapide d’une contraception d’urgence permet d’éviter une grossesse non désirée.
La contraception orale d’urgence est en vente libre et disponible sans prescription médicale pour les femmes majeures. Elle est accessible de façon anonyme et gratuite pour les jeunes filles mineures dans les pharmacies, les centres de planification familiale et auprès des infirmières scolaires ainsi que pour les étudiantes dans les services universitaires de prévention.
En 1999, le lévonorgestrel est le premier médicament autorisé en vente libre. D’après ses RCP, son efficacité est estimée à 95 % dans les 24 heures suivant le rapport sexuel, à 85 % entre 24 et 48 heures et 58 % entre 49 et 72 heures.
L’ulipristal acétate est apparu fin 2009 et vendu sans ordonnance à partir de 2015. D’après ses RCP, l’ulipristal acétate a une efficacité supérieure au lévonorgestrel, de l’ordre de 98 % et ce, jusqu’à cinq jours après le rapport.
La revue médicale indépendante Prescrire a pointé l’absence de différences statistiques dès 2009. Dans son rapport d’expert de 2015, en France, la commission d’orthogénie du CNGOF estime quant à elle que l’ulipristal est « probablement plus efficace » que le lévonorgestrel et « devrait être utilisé en première ligne des contraceptions hormonales ». Une étude québécoise de 2020, réalisée à la demande du ministère de la Santé, suggère, elle, une efficacité similaire des deux molécules lorsqu’elles sont prises dans les 72 heures après le rapport, et recommande l’usage du lévonorgestrel, trois fois moins cher que l’ulipristal acétate.
Le lévonorgestrel, commercialisé sous le nom de Norlevo et de ses génériques, est un progestatif qui bloque et/ou retarde l’ovulation par la suppression du pic de l’hormone lutéinisante (LH). La posologie est de 1,5 mg en une seule prise, à prendre au plus tard dans les 72 heures après le rapport à risque.
Contre-indications : pas de contre-indication cardiovasculaire de la contraception œstroprogestative mais à éviter en cas d’antécédents personnels ou familiaux de thrombose. Il est contre-indiqué en cas de grossesse et déconseillé en cas d’atteinte hépatique.
Interactions : efficacité réduite en cas de syndrome de malabsorption comme une maladie de Crohn, ou de prise concomitante de médicaments inducteurs enzymatiques anticonvulsivants (phénytoïne, phénobarbital, primidone, carbamazépine), anti-infectieux (rifampicine, griséofulvine, ritonavir) ou antidépresseur (millepertuis).
L’ulipristal acétate, commercialisé sous le nom de EllaOne, est un modulateur du récepteur de la progestérone. Il inhibe ou retarde l’ovulation et est capable de retarder la rupture folliculaire pendant au moins cinq jours. La posologie est de 30 mg en une seule prise, le plus rapidement possible et au plus tard, dans les 120 heures qui suivent le rapport à risque.
Contre-indications : insuffisance hépatique sévère, hypersensibilité à la molécule, déconseillé en cas d’asthme sévère.
Interactions : efficacité diminuée avec les inducteurs enzymatiques (rifampicine, phénytoïne, phénobarbital, carbamazépine, ritonavir, millepertuis…) et les traitements qui augmentent le pH gastrique (antiacides, inhibiteurs de la pompe à protons). De même, comme il se lie au récepteur de la progestérone, il réduit l’efficacité des médicaments qui contiennent un progestatif. Après son utilisation, attendre sept jours avant de reprendre la contraception hormonale habituelle et utiliser un préservatif pendant quatorze jours.
Dans le cadre de la contraception d’urgence, il ne doit pas être associé au lévonorgestrel.
L’ulipristal acétate est déconseillé chez les femmes souffrant d’asthme sévère et traitées par glucocorticoïdes oraux.
Précautions particulières :
→ En cas de vomissements ou de fortes diarrhées dans les quatre heures suivant la prise, reprendre un comprimé.
→ Signaler de possibles effets indésirables (nausées, douleurs abdominales, tension mammaire, maux de tête, spottings, avance ou retard des règles).
→ L’efficacité de la contraception d’urgence étant moindre chez les femmes obèses, les orienter vers la pose d’un dispositif intra-utérin (DIU).
→ Suspendre l’allaitement pendant huit heures, avec le lévonorgestrel, une semaine avec l’ulipristal acétate.
Il n’est pas toujours simple d’identifier le besoin ou non de recourir à une contraception d’urgence quand on a simplement eu un problème avec sa contraception hormonale habituelle, comme un patch qui se décolle ou un anneau expulsé du vagin (voir le tableau ci-dessus). En ce qui concerne la pilule, les oublis de moins de 12 heures, pour les pilules œstroprogestatives, et de moins de 3 heures, pour les pilules progestatives, sont sans risque. En revanche, les oublis supérieurs à ces durées ou de deux pilules dans la plaquette devront être analysés précisément (moment du cycle, rapport sexuel dans les cinq jours précédents) pour déterminer si une contraception d’urgence est nécessaire, et comment reprendre une contraception.
En cas de recours au lévonorgestrel, le préservatif doit être utilisé durant 7 jours, et la plaquette de pilule œstroprogestative ou microprogestative en cours doit être poursuivie normalement, même si deux comprimés ont été pris le même jour. Avec l’ulipristal, l’usage du préservatif est de mise durant 14 jours, la pilule doit être arrêtée 7 jours avant de commencer une nouvelle plaquette le huitième jour.
Utilisée jusqu’à cinq jours après le rapport non protégé, la pose d’un dispositif intra-utérin ou stérilet – exclusivement au cuivre car ce métal rend les spermatozoïdes inactifs – est la méthode de contraception d’urgence la plus efficace avec 99,9 % d’efficacité. Le stérilet sera retiré pendant ou après les règles qui suivent sa pose, à moins que la patiente préfère le garder comme moyen contraceptif.
La principale difficulté à l’utiliser en tant que contraception d’urgence est qu’il nécessite d’identifier les professionnels de santé (médecins, sages-femmes) disposés à poser le DIU en urgence.
Contre-indications : malformations ou fibromes de l’utérus, cancer du col de l’utérus, IST, infections de l’utérus en cours.
Effets indésirables : contractions utérines, saignements et pesanteur pelvienne dans les jours suivant la pose. Si le stérilet est conservé comme contraceptif, règles plus abondantes et spottings.
Le rôle de l’infirmière scolaire est d’accueillir l’élève en toute confidentialité, de la rassurer puis de recueillir des informations (date du rapport, description du risque, date des dernières règles) pour analyser la situation. S’il s’agit d’un oubli de pilule de moins de 3 heures ou d’un décollement de patch contraceptif, la contraception d’urgence n’est pas nécessaire. Certaines situations sont vite identifiables comme à risque, d’autres plus difficilement. Dans ce cas, orienter vers un centre de planification et d’éducation familiale (CPEF). L’infirmière s’assure en outre de l’absence de grossesse évolutive.
La dotation en milieu scolaire ne concerne que le lévonorgestrel. Si l’ulipristal semble préférable, orienter vers une pharmacie ou le CPEF. La prise de lévonorgestrel se fera devant l’infirmière, après un rappel des précautions, des effets indésirables, des interactions médicamenteuses et du risque d’échec. Un suivi sera proposé avec test de grossesse au moins quinze jours après la prise de risque.
L’infirmière proposera à l’élève, qui peut refuser, de s’entretenir avec l’un de ses parents ou représentant de l’autorité parentale.
La prise d’une contraception d’urgence est également l’occasion de vérifier que le rapport était consenti, pour dépister d’éventuelles violences sexuelles.
L’entretien avec la jeune patiente permettra de l’informer sur la contraception, la prévention des infections sexuellement transmissibles et de l’orienter, si besoin, vers un centre de planification. Enfin, la professionnelle de santé rappellera que la contraception d’urgence n’est pas une méthode contraceptive régulière mais elle se gardera de tout jugement si la jeune fille l’utilise à plusieurs reprises. Mieux vaut en effet la délivrer plusieurs fois plutôt que de prendre le risque d’une grossesse.
Dans tous les cas, il est important de savoir créer une relation de confiance, de ne pas culpabiliser mais, au contraire, de valoriser la démarche autonome et responsable de l’adolescente qui demande une contraception d’urgence et d’avoir une attitude chaleureuse.
1. Gilbert S., « Usage de l’acétate d’ulipristal ou du lévonorgestrel pour la contraception d’urgence », Inesss, septembre 2020. Disponible en ligne sur : bit.ly/3a36skP
2. Rahib D., Lydié N., « L’utilisation de la contraception d’urgence en France métropolitaine en 2016 : niveau et déterminants », BEH, n° 29, 25 septembre 2018, pp. 590-595. Disponible en ligne sur : bit.ly/2PZR4P7
3. « Les contraceptions d’urgence : proposition de la Commission Orthogénie », Gynécologie Obstétrique & Fertilité, n° 43, 2015, pp. 571-574. Disponible en ligne sur : bit.ly/3dTzK6x
4. « Données sur la contraception, la contraception d’urgence et l’IVG en France », dossier de synthèse documentaire et bibliographique, Centre régional d’information et de prévention du sida Provence-Alpes-Côte d’Azur, mai 2014. Disponible en ligne sur : bit.ly/3s8QonO