JE ME FORME
PRISE EN CHARGE
Claire Manicot* Laurent Grange** Pr Benoît Allenet*** Élise Picot-Fagedet**** Véronique Froissart***** Anne Ley-Ngardigal****** Stéphanie Paulus*******
*praticien hospitalier
**pharmacien
***ergothérapeute
****kinésithérapeute
*****infirmière et patiente experte au CHU de Grenoble Alpes
******infirmière en ETP au CH de Dreux
LA PATHOLOGIE
La polyarthrite rhumatoïde est le rhumatisme inflammatoire chronique le plus fréquent. Elle évolue par poussées successives et touche principalement les mains, les poignets, les pieds et les genoux. Les articulations sont douloureuses, gonflées, enraidies, se détruisent et se déforment en l’absence de traitement, entraînant un véritable handicap. Depuis vingt ans, les patients bénéficient de nouvelles thérapeutiques telles que les biothérapies, leur offrant un meilleur pronostic. Toutefois, cette pathologie reste une maladie chronique avec des traitements lourds et des symptômes récurrents comme la douleur et la fatigue.
Aucune étude épidémiologique n’a été menée en France sur la polyarthrite rhumatoïde depuis vingt ans. L’étude Epirhum, qui remonte à 2001, rapportait une prévalence de 0,3 % dans la population adulte. Mais on peut réaliser une estimation plus récente grâce à l’Assurance maladie qui comptabilise le nombre de patients pris en charge à 100 % au titre des affections longue durée (ALD). En 2019, on dénombrait 247 820 patients en ALD pour une polyarthrite rhumatoïde grave évolutive. La maladie, qui débute souvent autour de 50 ans mais peut survenir à tout âge, touche trois fois plus les femmes que les hommes.
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie inflammatoire auto-immune entraînant une réponse immunitaire incontrôlée, qui se caractérise par une production d’anticorps et une réaction inflammatoire au niveau de la membrane synoviale des articulations, la synovite, formant une véritable tumeur inflammatoire appelée le pannus.
L’origine de la maladie pourrait être une réaction inflammatoire survenant à distance de la cavité articulaire et générant des modifications sur des molécules de peptides les transformant (on parle alors de citrullinisation). Ces peptides citrullinés activeraient et différencieraient des lymphocytes contribuant à la production de molécules proinflammatoires (les cytokines) et à l’activation ainsi qu’à la différenciation des lymphocytes B autoréactifs, contribuant, eux, à la synthèse d’auto-anticorps comme le facteur rhumatoïde (FR) ou les auto-anticorps antiprotéines citrullinées (Acpa). La polyarthrite rhumatoïde est caractérisée par un déséquilibre entre un excès de production de cytokines pro-inflammatoires, comme le TNF alpha (Tumor Necrosis Factor alpha), l’interleukine-1 (IL-1) et l’IL-6, et un déficit de production de cytokines anti-inflammatoires, comme l’IL-4, l’IL-10 et l’IL-13.
L’inflammation pourra progressivement entraîner la destruction des articulations, avec les cartilages et les os. La polyarthrite rhumatoïde est aussi, dans ses formes les plus sévères, une maladie systémique touchant d’autres organes avec, dans les formes évolutives les plus graves, une atteinte du cœur ou des poumons.
Si l’on ne connaît pas son origine, on sait toutefois que la polyarthrite rhumatoïde est une maladie multifactorielle : prédisposition génétique (avec les gènes HLA-DRB1, PTPN22, STAT4, PADI4), facteurs environnementaux (tabagisme, microbiote buccal, microbiote intestinal), hormonaux (les femmes sont plus touchées) et probablement psychologiques (stress, choc psychoaffectif).
Les premiers signes de la maladie sont une douleur de type inflammatoire et un enraidissement des articulations périphériques, généralement de façon bilatérale et symétrique, surtout au niveau des petites articulations des mains métacarpo-phalangiennes (MP), interphalangiennes proximales (IPD) et des pieds (métatarsophalangiennes), mais aussi des poignets et des chevilles. Cet enraidissement survient le matin au réveil et nécessite un dérouillage de trente à quarante-cinq minutes avec des réveils nocturnes, surtout en deuxième période de nuit, vers quatre heures du matin.
La polyarthrite se distingue des rhumatismes dégénératifs comme l’arthrose, dont la douleur apparaît plutôt en fin de journée, sans raideurs le matin ou de moins de quinze-vingt minutes. Les articulations sont douloureuses spontanément à la pression et sont gonflées, ce qui limite la mobilité. Au début de la maladie, il n’y a pas toujours destruction articulaire.
Ensuite, en l’absence de traitement, la maladie détruit généralement le cartilage articulaire, le tendon (formant des ténosynovites), les os et toute l’articulation, entraînant des déformations caractéristiques au niveau des mains (pouce en « Z », déformation des doigts en « boutonnière » ou en « col de cygne ») ou au niveau des avant-pieds (un avant-pied triangulaire, combinant hallux valgus, « coup de vent » fibulaire des orteils et quintus varus, ainsi qu’un avant-pied rond avec des orteils en griffe, par exemple) (voir les photos ci-dessus).
Toutes ces atteintes entraînent un préjudice esthétique et un handicap fonctionnel majeur. On considère que les articulations riches en membrane synoviale sont toutes susceptibles d’être touchées comme les poignets, les articulations interphalangiennes proximales (IPP) et métacarpophalangiennes (MCP) des poignets (mais jamais les IPD au niveau des mains), mais également l’articulation C1-C2 du rachis cervical, l’épaule, le coude, le genou ou la hanche.
Les atteintes extra-articulaires ne sont pas systématiques, certaines d’entre elles constituent un facteur de gravité de la maladie. On retrouve :
→ des signes généraux : fébricule et amaigrissement à l’occasion des poussées, asthénie, troubles du sommeil ;
→ des dépressions ;
→ des nodules rhumatoïdes (tuméfactions souscutanées arrondies) présents souvent sur la face d’extension des membres : dans la région olécrânienne, parfois au sein d’une bursite rétroolécrânienne, à la face postérieure de l’avantbras en regard de la crête ulnaire, à la face dorsale et plus rarement palmaire des doigts, en regard du tendon calcanéen ou aux pieds ;
→ un syndrome de Gougerot-Sjögren caractérisé par une sécheresse buccale et oculaire ;
des manifestations pulmonaires, en particulier des pneumopathies interstitielles diffuses chez les hommes fumeurs ;
→ des manifestations cardiaques comme la péricardite ;
→ des inflammations oculaires : scléromalacie perforante, sclérite, épisclérite ;
→ des manifestations hématologiques (adénopathie, certains types de leucémie) ;
→ un phénomène de Raynaud ;
→ une vascularite rhumatoïde (rare) à l’origine de manifestations cutanées et neurologiques.
La polyarthrite rhumatoïde expose :
→ à une surmortalité cardiovasculaire liée à l’augmentation des facteurs de risque classiques (tabagisme, hypertension…) et à l’inflammation chronique ;
→ à l’ostéoporose liée à la perte osseuse ;
→ aux infections favorisées par les traitements immunomodulateurs ;
→ à un surrisque de lymphome malin non hodgkinien lié à l’inflammation chronique.
Le diagnostic de la polyarthrite rhumatoïde doit être le plus précoce possible de façon à initier un traitement de fond pour enrayer l’évolution de la maladie. Il n’y a pas un examen de diagnostic mais un faisceau d’arguments cliniques, biologiques et paracliniques (radiographique et échographique en faveur d’un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde). Les données sont inconstantes, souvent non spécifiques (notamment les examens biologiques) et seule une analyse de l’ensemble des résultats permet d’établir le diagnostic. Les rhumatologues utilisent des grilles permettant de coter les critères de diagnostic, comme la grille ACR/EULAR.
L’examen clinique consiste à explorer en particulier les atteintes articulaires (localisations, nombre, caractéristiques).
L’examen biologique recherche une élévation de la protéine C réactive (CRP) et de la vitesse de sédimentation (VS), ainsi que la présence d’auto-anticorps comme le facteur rhumatoïde (autoanticorps IgM anti-IgG) et les auto-anticorps antiprotéines citrullinées (Acpa), très spécifiques de la maladie et souvent présents des années avant l’apparition des premiers symptômes.
L’examen radiologique (radio des mains, poignets, avant-pieds et autres articulations inflammatoires) est rarement significatif au début mais les premières images servent de référence dans l’évolution de la maladie. Les modifications (érosions osseuses, pincements des interlignes articulaires) apparaissent après plusieurs mois. À noter que la présence de lésions dès le diagnostic est un critère de gravité.
L’évaluation de l’activité de la polyarthrite rhumatoïde via le score DAS 28 (Disease Activity Score) permet de faire un suivi de la maladie (lire l’encadré ci-contre). Il s’agit de tester 28 articulations (douleur et gonflement) puis de réaliser un calcul à partir d’une formule qui prend en compte le nombre d’articulations atteintes, la vitesse de sédimentation et l’évaluation par le patient de son état général.
La polyarthrite rhumatoïde combine plusieurs approches thérapeutiques (médicamenteuse, physique, psychologique et chirurgicale) proposées de manière complémentaire en fonction de la situation de chaque patient. L’objectif est de contrôler l’évolution de la maladie et ses conséquences (destructions articulaires), d’atténuer la douleur, de prévenir la perte de fonction dans la vie quotidienne et professionnelle, et d’améliorer la qualité de vie. Les traitements médicamenteux doivent être introduits le plus tôt possible.
Ce sont les traitements symptomatiques qui vont soulager la douleur et les gonflements articulaires : les antalgiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens et les corticoïdes.
Il permet de stopper ou de ralentir l’évolution de la maladie et gagner ainsi en qualité de vie. S’il n’existe pas de traitement curatif, l’arrivée des biothérapies a révolutionné l’évolution de la maladie et permet aujourd’hui, chez bon nombre de patients, d’atteindre l’objectif de rémission (DAS 28 < 2,6). Il est également admis l’importance de traiter les patients dès les premiers mois, pour favoriser de meilleurs pronostics en termes d’évolution.
Les traitements synthétiques, synthétisés chimiquement, à la différence des traitements biologiques, comprennent :
→ les traitements synthétiques conventionnels (csDMARD) utilisés depuis de nombreuses années et aux actions immunosuppressives et anti-inflammatoires : le méthotrexate, le léflunomide et la sulfasalazine ;
→ les nouveaux traitements de synthèse, les inhibiteurs de Janus kinases (JAKi) : le tofacitinib, le baricitinib et l’upadacitinib qui ciblent certaines enzymes situées au sein des cellules responsables de la pathologie et empêchent la production des substances inflammatoires responsables de la destruction des articulations.
Les traitements biologiques (bDMARD) (voir le tableau ci-contre) synthétisés par génie biologique comprennent :
→ les biothérapies qui bloquent des mécanismes pro-inflammatoires en empêchant l’action des cytokines. Ce sont les anti-TNF alpha (Cimzia, Enbrel, Humira, Remicade, Remsima, Simponi), les anti-IL6 (RoActemra, Kevzara), les anti-IL1 (Kineret), les anti-CD20 (MabThera) et les antilymphocytes T CTLA4-Ig (Orencia) ;
→ les médicaments « biosimilaires ». Un médicament biologique similaire est de même composition qualitative et quantitative en substance active et de même forme pharmaceutique qu’un médicament biologique de référence. Il a la même dénomination commune internationale (DCI) mais ne remplit pas les conditions pour être regardé comme une spécialité générique en raison des différences liées, notamment, à la variabilité de la matière première ou aux procédés de fabrication.
En 2018, la Société française de rhumatologie a établi des recommandations.
Le méthotrexate est le traitement de fond de référence indiqué en première intention, en tenant compte des mises en garde et des précautions d’emploi (lire l’encadré page ci-contre). En cas de contre-indication, on utilisera le léflunomide et la sulfasalazine.
Chez les patients insuffisamment répondeurs au méthotrexate, différentes combinaisons de traitements pourront être proposées, en particulier avec les anti-TNF alpha qui sont à l’heure actuelle les biothérapies les plus utilisées dans le monde avec Humira, Enbrel et Remicade. Ils sont à l’origine de dépenses énormes pour l’Assurance maladie (entre 6 000 et 15 000 € par patient et par an), ce qui explique l’importance de l’arrivée des biosimilaires sur le marché.
Les bDMARD et les JAKi doivent préférentiellement être associés au méthotrexate en seconde intention. Leur utilisation en monothérapie doit être réservée aux situations d’intolérance ou lorsque la poursuite du traitement par méthotrexate est inadaptée.
Dans l’attente de l’efficacité d’un traitement de fond, une corticothérapie peut être proposée pour une période maximale de six mois.
Les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes constituent une alternative à une corticothérapie par voie orale, tout en améliorant localement les symptômes de l’inflammation articulaire, avec moins d’effets secondaires à long terme au vu d’une plus faible dose cumulée. Les produits retard sont préférés, notamment l’hexacétonide de triamcinolone (corticoïde à demi-vie longue). Si la synovite récidive après une à trois infiltrations intra-articulaires de corticoïdes, on peut avoir recours à une synoviorthèse isotopique (infiltration avec un radioélément).
Les indications de la chirurgie dans la polyarthrite rhumatoïde sont aujourd’hui moins nombreuses en raison de l’évolution plus favorable des patients. Il s’agit des synovectomies et des ténosynovectomies (poignets), des arthrodèses (poignets, arrièrepieds) et des arthroplasties prothétiques (épaules, coudes, hanches, genoux).
La prise en charge, multidisciplinaire, tient compte du retentissement de la maladie sur la vie quotidienne et de l’évaluation du handicap, grâce, notamment à un test spécifique, le Health Assessment Questionnaire (HAQ), qui permet d’évaluer l’impact de la polyarthrite rhumatoïde sur les activités du quotidien (lire l’encadré page 24).
Cette prise en charge comporte l’éducation du patient, la réalisation d’appareillages (orthèses de repos et de correction pour les mains, les genoux, les chevilles, et plantaires) et la rééducation proprement dite. Une approche large sera prévue avec :
→ un aménagement de l’environnement personnel (ergothérapeute) ;
→ un aménagement du poste de travail (médecin du travail) ;
→ une prise en charge psychologique (psychiatre, psychologue) ;
→ une prise en charge des comorbidités (cardiologue, infectiologue, oncologue) ;
→ une prise en charge diététique (diététicienne).
L’importance de l’activité physique et ses bénéfices sont aujourd’hui établis. Un patient qui bouge est un patient qui améliore sa mobilité. Cela a une incidence positive sur les risques liés à la sédentarité, mais également au niveau cardiaque, pulmonaire et vasculaire. Il est recommandé de pratiquer 2 h 30 d’activité physique par semaine, en dehors des poussées inflammatoires. Il peut s’agir d’un exercice sportif récréatif ou d’activités domestiques comme le jardinage ou le ménage. L’important étant que cet exercice physique soit régulier. Un bon levier pour inciter le patient à faire du sport est de demander quel déplacement il pourrait faire régulièrement à pied.
La kiné est recommandée pour entretenir les articulations… Quand une articulation est douloureuse, on va chercher à moins la solliciter, avec l’idée de la protéger et de limiter la douleur. Le rôle du kinésithérapeute sera au contraire d’encourager la personne à bouger en douceur son articulation, à faire un travail en piscine. Dans l’eau chaude et en apesanteur, on va retrouver plus facilement sa mobilité. La kinésithérapie permet en outre de limiter la fonte musculaire, conséquence des poussées inflammatoires.
… et soulager la douleur lors des poussées. L’enjeu est d’aider le patient à trouver des moyens pour apaiser ses douleurs. Le kinésithérapeute pourra lui montrer des exercices d’échauffement ou le guider pour trouver des solutions. Pour les uns, ce sera l’application de froid, pour les autres l’application de chaud. On peut utiliser des sachets à base de gel à passer au micro-ondes ou bien à mettre au congélateur avant utilisation. Il existe aussi des appareils portatifs, neurostimulateurs antalgiques. Des électrodes appliquées sur la zone douloureuse envoient des stimulations électriques qui créent une dérivation de la douleur.
L’ergothérapie prend tout son sens dans une maladie comme la polyarthrite rhumatoïde. Quand ouvrir une bouteille ou tourner une clé dans une serrure devient un supplice, il est bon de trouver des aides techniques pour améliorer son quotidien. Par ailleurs, c’est aussi la possibilité de soulager des articulations douloureuses avec des orthèses adaptées et parfois faites sur mesure quand il s’agit d’orthèses de repos (voir page 23).
Au cours de la première année qui suit le diagnostic de la maladie, une évaluation du patient sera réalisée au moins tous les un à trois mois, puis tous les trois à six mois. Il s’agira de :
→ réaliser un bilan biologique (CRP, hémogramme, bilan des fonctions hépatique et rénale…), un bilan radiologique et échographique (recherche de synovite infraclinique), un examen clinique complet afin d’évaluer l’activité de la maladie via le calcul du DAS 28 ;
→ s’assurer de l’efficacité de la stratégie thérapeutique en cours, de la tolérance aux traitements, de l’état général du patient et d’effectuer un contrôle des comorbidités.
En cas de rémission persistante, sur une période d’au moins six mois, un allégement pourra être envisagé de façon progressive.
Dans le cadre des affections rhumatologiques et de la polyarthrite rhumatoïde en particulier, de nombreux établissements proposent une éducation thérapeutique, soit sous forme individualisée, soit sous forme d’ateliers en groupe. Il peut s’agir de sessions de plusieurs journées programmées dans le mois, animées par des professionnels de santé en perspective pluridisciplinaire (médecin, pharmacien, kinésithérapeute, ergothérapeute, infirmière) et de plus en plus souvent par des patients experts. Les séances peuvent traiter des thérapeutiques, de la maladie, de la législation du travail et de la fatigue chronique ou proposer des activités pratiques : découverte d’aides techniques, pratique d’une activité physique ou relaxation.
Être infirmière en éducation thérapeutique, c’est accompagner le patient pour qu’il comprenne sa maladie, pour développer son autonomie et améliorer sa santé. Certains services de rhumatologie proposent ce type d’accompagnement infirmier.
Après l’annonce de la maladie. Le moment de l’annonce est souvent un tel choc que le patient n’est plus réceptif aux mots du médecin. Deux mots, « polyarthrite » et « rhumatoïde », auront figé la conversation et il n’entendra plus rien des explications sur les possibilités de traitement ou les examens à programmer. Une consultation systématique trois semaines après avec une infirmière est l’occasion pour le patient d’exprimer ses craintes et ses questionnements. Il s’agira d’abord de demander au patient s’il est d’accord pour raconter son vécu puis de se positionner en tant que personne à l’écoute, sans jugement.
Décision partagée. Les patients ont parfois peur de se faire disputer parce qu’ils ne prennent pas leur traitement ou parce qu’ils ont regardé des photos de doigts déformés sur Internet. L’infirmière a un rôle de facilitateur de dialogue entre le médecin et le patient. Si la personne refuse un traitement ou un examen, elle en a le droit. La responsabilité de l’équipe soignante sera de bien l’informer, avec les reformulations nécessaires pour s’assurer qu’elle a compris tous les enjeux.
Face aux craintes. La maladie chronique, c’est un tsunami dans une vie. Exprimer ses craintes de voir ses mains déformées, de devenir handicapé, soulagera le patient et permettra aussi à l’infirmière de corriger des fausses croyances et de rappeler l’intérêt des traitements.
La première étape sera de choisir la présentation la plus adaptée (seringue ou stylo). S’il s’agit d’un stylo, on étudiera le modèle (différent selon les spécialités). On évitera par exemple de fournir un stylo à bouton déclencheur si le patient n’a pas de force dans le pouce. Les premières auto-injections se font sous le regard de l’infirmière. Si le geste en lui-même s’acquiert vite, il faudra en revanche bien vérifier la capacité du malade à s’autogérer. En effet, en cas d’infection, il est nécessaire de consulter immédiatement un médecin pour une prescription d’antibiotiques et d’interrompre le traitement. Enfin, on rappellera que les médicaments se conservent au réfrigérateur, qu’ils doivent être sortis une demi-heure avant l’injection (sinon c’est douloureux) et qu’il faudra utiliser une sacoche isotherme en cas de déplacement.
En premier lieu, l’infirmière aidera le patient à bien comprendre la prescription et à distinguer le traitement de fond de celui de crise noté en « si besoin ». Il s’agit de lui expliquer que le traitement de fond permet de stabiliser la maladie et qu’il ne faut pas l’arrêter, même quand ça va mieux. Quant aux médicaments « si besoin », rappeler de les prendre pour calmer les douleurs et l’inflammation lors des poussées.
Douleur et antalgiques. La douleur est un symptôme récurrent dans la polyarthrite rhumatoïde. En cas de réveil nocturne, on pourra suggérer d’avoir systématiquement un antalgique et un verre d’eau sur la table de nuit. On demandera au malade si la douleur a un impact sur ses activités. Si elle apparaît lorsqu’il fait une marche de dix kilomètres, peut-être peut-il revoir ses ambitions et faire une promenade plus courte. Pour soulager une articulation enflammée, on lui suggérera de tester une application de chaud ou de froid pour voir ce qui lui convient le mieux. On peut également l’orienter vers des solutions alternatives comme le yoga ou la méditation.
Méthotrexate. Parmi les effets indésirables, celui qui préoccupe immédiatement le patient est la perte des cheveux. On le rassurera en lui expliquant que cela est très rare étant donné que les doses sont beaucoup plus faibles qu’en cancérologie. Les nausées sont relativement fréquentes mais s’atténuent avec le temps, notamment grâce à la prise concomitante d’acide folique. Enfin, on rappellera l’importance de faire les examens biologiques prescrits car ce médicament peut être toxique pour le foie.
Anti-inflammatoires. Les patients ayant tendance à doubler les doses facilement, expliquer que les AINS (Voltarène, Brexin) doivent être pris avec modération. En cas de surdosage, ils peuvent provoquer des douleurs épigastriques, des signes d’alerte à prendre au sérieux car ils peuvent engendrer des hématémèses.
Corticoïdes. De la même façon, les doses de corticoïdes ne doivent pas être augmentées par le patient, ce qui entraînerait de nombreux effets indésirables (diabète, hypertension artérielle, ostéoporose…). A contrario, il faudra encourager les patients qui ont peur de grossir à les prendre, en leur expliquant que la prise de poids n’est pas systématique. Enfin, il sera important de dire au malade que s’il entend arrêter le traitement, cela doit se faire par paliers. En effet, un arrêt brutal a des conséquences sur les glandes surrénales.
Prévention du risque infectieux. Le risque infectieux est provoqué par la maladie elle-même et par le traitement. Une hygiène rigoureuse du patient est donc de mise. En cas de fièvre, il faudra consulter immédiatement un médecin et arrêter les traitements. On recommandera un suivi bucco-dentaire régulier et, chez la femme, un suivi gynécologique. Enfin, on demandera au patient de garder dans son portefeuille une carte de signalement avec ses traitements usuels (notamment en cas d’intervention chirurgicale en urgence).
Alimentation. Si certains malades ont tendance à éliminer certains aliments (viande rouge, aliments riches en gluten), cela ne repose sur aucune donnée scientifique. Il est recommandé de ne pas prendre de poids pour éviter de solliciter les articulations. En outre, on conseillera une alimentation riche en fibres aux patients sous morphiniques, en raison du risque de constipation.
Habillement. Boutonner un pantalon ou agrafer un soutien-gorge peut devenir très compliqué, voire impossible quand on a les doigts déformés. Trouver des vêtements amples ou à élastique sera alors préférable. Accepter de se faire aider par le conjoint ou une personne de l’entourage pourra aussi être une solution.
Communiquer avec ses proches. La polyarthrite rhumatoïde bouleverse la vie familiale du patient qui n’est plus toujours en capacité d’assurer les mêmes tâches domestiques qu’auparavant ou même simplement de jouer avec ses enfants. La fatigue et la douleur lui font perdre son entrain habituel mais ce sont des symptômes qui ne se voient pas. Et souvent, cette situation peut être à l’origine de conflits avec l’entourage. L’infirmière pourra aider le patient à communiquer avec son conjoint et ses enfants pour rétablir une communication et, par ce fait, inventer une nouvelle façon de vivre ensemble.
Note
1. Prévalence des ALD, Ameli.
Recommandations, revues…
• Simatti C., « Les innovations en termes de diagnostic, traitements et prise en charge non médicamenteuse des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde », thèse pour l’obtention du diplôme d’État de docteur en pharmacie, soutenue le 17 décembre 2020, université de Bordeaux. En ligne sur : bit.ly/3u5OSEf
• Haute Autorité de santé (HAS), « Évaluation médicoéconomique des traitements de fond biologiques dans la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde », 15 avril 2019. En ligne sur : bit.ly/2O73sfr
• Daien C., Hua C., Gaujoux-Viala C. and al., « Actualisation des recommandations de la Société française de rhumatologie pour la prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde », Revue du rhumatisme, vol. 86, n° 1, janvier 2019, pp. 8-24
• HAS, « Polyarthrite rhumatoïde évolutive grave », Actes et prestations – ALD, novembre 2015. En ligne sur : bit.ly/3wcWAyo
• HAS, « Polyarthrite rhumatoïde évolutive grave », Guide – Affection de longue durée, avril 2008. En ligne sur : bit.ly/3cyqViP
• HAS, « Polyarthrite rhumatoïde », Recommandations professionnelles, septembre 2007. En ligne sur : bit.ly/39rEIWO
• « La polyarthrite rhumatoïde », Cahier de formation, L’infirmière libérale magazine, n° 293, juin 2013
• Fautrel B., Gaujoux-Viala C., « Aspects médico-économiques de la polyarthrite rhumatoïde », Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 2012, 196, n° 7, 1295-1306, séance du 9 octobre 2012. En ligne sur : bit.ly/39vibs6
• Guillemin F., Saraux A., Guggenbuhl P. and al., “Prevalence of rheumatoid arthritis in France: 2001”, Annals of the Rheumatic Diseases, 2005;64:1427-30. En ligne sur : bit.ly/3w7Vggd
Associations
• Association nationale de défense contre l’arthrite rhumatoïde (Andar). www.polyarthrite-andar.com
• Association française de lutte antirhumatismale (Aflar). www.aflar.org
• Association des polyarthritiques et des rhumatismes inflammatoires chroniques (AFPric). www.polyarthrite.org
Sites d’information
• www.rhumatismes.net, le site de l’équipe soignante du pôle ostéo-articulaire de l’hôpital Cochin (AP-HP)
• www.rhumato.info, site de formation continue sur les pathologies de l’appareil locomoteur
Formation
• L’Andar a réalisé un site de formation sur la polyarthrite rhumatoïde dédié aux malades et à leurs proches. Ce sont une succession de vidéos pour mieux comprendre la maladie, se repérer dans le parcours de soins, mieux vivre au quotidien et gérer la douleur et la fatigue. Par ailleurs, comme l’Aflar, l’association organise des formations pour les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde qui souhaitent devenir patients experts. www.maformationsurlapr.org et www.polyarthrite-andar.org
ÉVALUATION
Le score DAS 28 (Disease Activity Score sur 28 articulations) permet d’évaluer le niveau d’activité de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Il est effectué avant la mise sous traitement, puis pour évaluer son efficacité.
• PR en rémission : DAS 28 < 2,6
• PR en faible niveau d’activité : 2,6 ≤ DAS 28 ≤ 3,2
• PR modérément active : 3,2 ≤ DAS 28 ≤ 5,1
• PR très active : DAS 28 > à 5,1
Les traitements biologiques ont révolutionné la prise en charge et l’évolution des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Certains médicaments sont réservés à l’usage hospitalier et exigent des protocoles stricts, d’autres peuvent être administrés à domicile par les infirmières ou les patients eux-mêmes après une formation : manipulation de la seringue ou du stylo prérempli, sites d’injection et respect du rythme des injections.
Très utilisé en cancérologie, le méthotrexate est le médicament de référence en première intention dans la polyarthrite rhumatoïde, dans des posologies beaucoup moins élevées. Son utilisation au long cours nécessite une surveillance régulière pour s’assurer de sa bonne tolérance.
Mode d’action
Le méthotrexate est un antagoniste de l’acide folique (une vitamine du groupe B indispensable à la synthèse de l’ADN). Il agit en réduisant l’activité du système immunitaire et les réactions inflammatoires. Il est généralement efficace au bout de trois à six mois, améliorant la mobilité des articulations.
Formes
→ Solution pour injection sous-cutanée en seringue préremplie : Imeth, Metoject, Prexate (dosages disponibles : 7,5 mg, 10 mg, 12,5 mg, 15 mg, 20 mg et 25 mg).
→ Solution pour injection sous-cutanée en stylo prérempli : Metoject, Nordimet (dosages disponibles : 7,5 mg, 10 mg, 12,5 mg, 15 mg, 17,5 mg, 20 mg et 25 mg).
→ Comprimés : Imeth 2,5 mg et 10 mg ; Méthotrexate Bellon 2,5 mg ; Novatrex 2,5 mg.
Contre-indications
→ Insuffisance rénale sévère, atteinte hépatique sévère, alcoolisme, dyscrasies sanguines préexistantes (hypoplasie médullaire, leucopénie, thrombopénie, anémie sévère), infections graves aiguës ou chroniques non contrôlées (VIH, tuberculose), ulcère de la cavité buccale ou maladie ulcéreuse gastro-intestinale évolutive avérée.
→ Grossesse et allaitement.
→ Administration concomitante de vaccins vivants (BCG, rotavirus, ROR, varicelle, zona, fièvre jaune).
Examens préconisés avant le début du traitement
→ Bilan sanguin : NFS-plaquettes (prévention de la baisse de globules blancs et des plaquettes), enzymes hépatiques, bilirubine, albuminémie, fonction rénale, sérologies VHB et VHC ;
→ Radiographie du thorax.
Posologie et administration
→ Voie orale : administration une fois par semaine, toujours le même jour. Le traitement est initié à une posologie de 10 à 15 mg augmentée par palier de 5 mg. La posologie maximale recommandée est de 0,3 mg/kg/semaine, soit entre 15 et 25 mg par semaine.
→ Voie sous-cutanée : proposée uniquement si insuffisance de la réponse ou intolérance digestive.
Pour éviter les effets secondaires du traitement sur le foie, il est recommandé aux patients de prendre au moins 5 mg d’acide folique (un comprimé de Spéciafoldine) 24 à 48 heures après, le plus souvent équidose du méthotrexate : pour 15 mg de méthotrexate, on donnera 15 mg de Spéciafoldine.
Principaux effets indésirables
Troubles digestifs (les plus fréquents : nausées, vomissements, diarrhées), toxicité hématologique, ictère, cirrhose, risque infectieux augmenté.
Interactions médicamenteuses
Risque de toxicité accru en cas de prise concomitante avec salicylés, hypoglycémiants, diurétiques, sulfamides, diphénylhydantoïnes, tétracyclines, chloramphénicol, probénécide, acides organiques faibles, pyrazolés, sulfamides, triméthoprimesulfaméthoxazole, chloramphénicol et pyriméthamine.
Surveillance
→ Bouche et gorge : signes de stomatite, aphtes, candidose buccale.
→ Manifestations de photosensibilité, toxidermie.
→ Bilan sanguin : NFS tous les 15 jours au début, puis tous les mois (recherche d’une baisse de globules blancs et des plaquettes).
→ Signes infectieux : recherche de toux, fièvre, dyspnée motivant l’arrêt du traitement. Consultation d’un médecin en urgence en cas d’essoufflement anormal (risque de pneumopathie immuno-allergique).
→ Nécessité de contraception pour l’homme et la femme. Il est recommandé d’attendre trois mois après l’arrêt du traitement chez l’homme (un cycle de spermatogenèse) et d’attendre un mois (ou au moins la durée du cycle en cours) chez la femme pour concevoir un enfant, en raison d’un risque de malformations.
Conseils aux patients
Respecter les doses prescrites, ne jamais prendre le traitement tous les jours (risque de toxicité), éviter de consommer de l’alcool. En cas d’oubli d’une prise, prendre la dose prévue le jour suivant et décaler les autres prises d’une journée.
Il existe deux types d’attelle pour soulager la douleur de l’articulation du poignet.
ÉVALUATION DE L’IMPACT DE LA MALADIE
Un test spécifique, le HAQ (Health Assessment Questionnaire), permet d’évaluer l’impact de la polyarthrite rhumatoïde sur les activités de la vie quotidienne. On demande au patient de répondre s’il a été plus moins capable de réaliser vingt tâches différentes dans la semaine écoulée. Pour chaque tâche, quatre réponses sont proposées avec, pour chacune d’elles, une note : 0 = sans difficulté ; 1 = avec quelques difficultés ; 2 = avec beaucoup de difficultés ; 3 = incapable de le faire.
Êtes-vous capable de :
Habillement/ soins corporels
• Vous habiller, y compris nouer vos lacets et boutonner vos vêtements ?
• Vous laver les cheveux ?
Se lever
• Vous lever d’une chaise ?
• Vous mettre au lit et vous lever du lit ?
Les repas
• Couper votre viande ?
• Porter à votre bouche une tasse ou un verre bien plein ?
• Ouvrir une brique de lait ou de jus de fruits ?
La marche
• Marcher en terrain plat à l’extérieur ?
• Monter 5 marches ?
Hygiène
• Vous laver et vous sécher entièrement ?
• Prendre un bain ?
Attraper
• Prendre un objet pesant 2,5 kg situé au-dessus de votre tête ?
• Vous baisser pour ramasser un vêtement au sol ?
Préhension
• Ouvrir une portière de voiture ?
• Dévisser le couvercle d’un pot déjà ouvert une fois ?
• Ouvrir et fermer un robinet ?
Autres activités
• Faire vos courses ?
• Monter et descendre de voiture ?
• Faire des travaux ménagers tels que passer l’aspirateur ou faire du petit jardinage ?
Les aides techniques permettent de pallier une fonction déficiente ou difficile en raison du manque de force ou d’une raideur, de préserver des fonctions ou encore de protéger les articulations. D’où l’intérêt d’y recourir dès le début de la maladie.
Anne Ley-Ngardigal, infirmière et patiente experte diplômée en éducation thérapeutique
« Ma maladie a été diagnostiquée juste après la naissance de mon dernier enfant, j’avais 30 ans et je n’arrivais pas à défaire les scratchs des couches. J’étais en échec thérapeutique, je me suis retrouvée dans un triste état, toutes les articulations gonflées, je n’arrivais pas à bouger, c’était humiliant, je ne pouvais pas aller aux toilettes seule. Heureusement, c’était en 1998, j’ai donc pu bénéficier des premiers essais des biothérapies. L’Enbrel couplé avec le méthotrexate m’a remise sur pied, enfin presque. Car la polyarthrite rhumatoïde change définitivement votre vie. Il y a bien sûr les injections à se faire toutes les semaines mais aussi les effets indésirables. Personnellement, je suis sujette aux infections urinaires, entre autres, donc, régulièrement, j’arrête le traitement pour prendre des antibiotiques. Mais ce qui est le plus handicapant, c’est la fatigue. J’ai été formée en 2011 pour intervenir en éducation thérapeutique à l’hôpital de Grenoble Alpes, et la fatigue est le thème de l’atelier que je coanime. La première chose que je dis aux personnes : “Votre fatigue n’est pas dans votre tête, c’est un vrai symptôme. Elle s’explique par le manque de sommeil, la douleur, la dépression, mais aussi physiologiquement. Dans la polyarthrite rhumatoïde, le système immunitaire s’emballe et il y a une production anormale de cytokines qui vous expose à l’épuisement.”
Reconnaître soi-même son état de fatigue, c’est la première étape pour s’économiser et vivre mieux. On va plus souvent au supermarché pour éviter de pousser un chariot plein de courses. On s’autorisera à travailler à temps partiel, à faire la sieste, à en faire moins. Les témoignages sont parfois bouleversants. Je me rappelle une dame qui disait que son mari la traitait de “grosse feignasse”. Quand on a les doigts raidis et douloureux, c’est surhumain d’éplucher des légumes. La deuxième étape, c’est la reconnaissance et l’acceptation de la fatigue par l’entourage. Cela demande de communiquer et d’accepter de devoir demander de l’aide pour déboucher une bouteille d’eau, partager les tâches ménagères. »