L'infirmière n° 008 du 01/05/2021

 

ÉDITO

Hélène Trappo  

Rédactrice en chef de L’INFIRMIÈR.E

Finirons-nous un jour par construire le cadre législatif à même d’apporter une réponse satisfaisante et consensuelle aux questions éthiques, existentielles, médicales et humaines soulevées par la fin de vie ? Le sujet revient régulièrement sur le devant de la scène. Dernièrement, il s’est invité dans un contexte inédit, en pleine crise sanitaire, comme en urgence, sous la forme d’une proposition de loi portée par le député de Charente-Maritime Olivier Falorni, soumise à l’Assemblée nationale le 8 avril, profitant d’une « niche » parlementaire. Une tentative avortée – en raison du dépôt de milliers d’amendements – qui raisonne étrangement après cette période sombre, celle du premier confinement, que Marie de Hennezel décrit comme « une fin de notre humanité ». Faut-il le rappeler, ce sont des milliers de personnes qui ont rendu leur dernier souffle dans l’isolement le plus total, des milliers de familles qui ont été privées d’un dernier adieu à leur proche et des soignants contraints de subir une situation contraire au sens même de leur métier. Un épisode qui nous rappelle que le droit à mourir dans la dignité doit être une réalité et une préoccupation pour tout un chacun, en toutes circonstances, et pas seulement dans le cadre plus restrictif des situations désespérées évoquées par les défenseurs de l’euthanasie. Et pour que ce droit à mourir dans la dignité soit effectif, il faut s’en donner les moyens, offrir l’accès au plus grand nombre aux soins palliatifs, permettre aux soignants de prendre le temps d’accompagner, où qu’ils exercent, que ce soit en établissement hospitalier, en Ehpad ou en ville. Se donner aussi le temps de prendre du recul, d’analyser sa pratique pour l’améliorer (lire l’article « Une sédation profonde à domicile en discussion », p. 34). Sur ce point au moins, il y a le consensus même si dans les actes cela ne transparaît pas toujours.

Ceci étant dit, la question d’une légalisation de l’aide active à mourir reste entière. Sans doute une légalisation déjà accordée par nos voisins européens ne peut être que le fruit d’un cheminement, d’une longue maturation. Sans doute est-il nécessaire de passer par ces différentes étapes que constituent les législations successives, trois en quatorze ans, entre 2002 et 2016, dont on ne peut nier qu’elles ont permis de faire progresser les droits des malades, de mieux cadrer l’accompagnement médical. Par exemple, en permettant d’accéder à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, la loi du 2 février 2016 apporte une réponse à la demande de ne plus être conscient durant les dernières heures de son existence. Si cette disposition ne répond pas à toutes les situations, l’erreur serait de l’opposer à un droit à l’euthanasie qui renvoie, lui, à d’autres questionnements tels que la liberté de disposer de sa mort. D’ailleurs, la posture du soignant se trouve radicalement changée entre réaliser un geste d’euthanasie et administrer un produit pour soulager et qui va altérer la survie. Le sujet est bien trop complexe pour ne pas prendre le temps de la réflexion, et ne s’en emparer qu’à l’occasion d’une affaire médiatisée. D’autant qu’il y a une vraie attente si l’on en croit les derniers sondages auprès de l’opinion publique, favorable à la légalisation de l’euthanasie et le vote majoritaire de l’article 1 du projet de loi débattu en avril dernier.