Parmi la liste des obligations à remplir lors de l’installation en libéral, la souscription d’une prévoyance n’en fait pas partie. Pourtant, cette démarche est fortement conseillée pour se couvrir face aux aléas de la vie.
Généralement, les Idels qui n’ont pas souscrit de prévoyance l’expliquent soit parce qu’elles ont été déçues, soit parce qu’elles estiment avoir été arnaquées, soit parce qu’elles n’en voient pas l’utilité », résume Thibault Guérizec, courtier en assurance chez Consilium. Pourtant, la prévoyance a une utilité. Si le montant de la cotisation varie en fonction de la profession, de l’âge, du lieu d’habitation et des garanties choisies, la finalité est toujours la même : indemniser les souscripteurs en cas d’accident, de maladie et d’hospitalisation, en fonction de leurs revenus et de leurs frais professionnels. « La prévoyance va servir à protéger l’Idel et sa famille sur la perte de revenus en lien avec un arrêt de travail temporaire ou définitif », fait savoir Cyril Rongier, conseiller en gestion de patrimoine certifié chez Fiducial. Les versements de la prévoyance viennent en complément de ceux de la caisse de prévoyance et de retraite des Idels, la Carpimko, et complète les garanties en fonction des souhaits de l’infirmière.
En cas d’arrêt de travail temporaire, l’Idel est considérée en incapacité temporaire de travail (ITT) et perd ses revenus. Il convient donc qu’elle s’assure, via une prévoyance complémentaire facultative, pour le versement d’une indemnité journalière (IJ). Cette prestation, qui répond temporairement à un revenu de remplacement, va lui permettre de percevoir jusqu’à 100 % des revenus assurés. Par exemple, si une Idel est en arrêt de travail pendant six mois, la Carpimko va lui verser une indemnité journalière de 55,44 euros par jour à partir du 91e jour (en raison de la carence de 90 jours) et ce, jusqu’à la fin de son arrêt de travail. Pendant la période de carence, le contrat de prévoyance facultatif va permettre de verser une indemnité journalière si la pathologie est garantie. Cette IJ devrait être moins élevée à partir du 91e jour puisqu’elle viendra en complément de la Carpimko. « Il est important de souscrire un contrat sur les bases des prestations de prévoyance qui sont générées par le régime obligatoire », estime Cyril Rongier. Sachant que les indemnités journalières individuelles peuvent être majorées en fonction de la situation familiale de la soignante. « Avant de souscrire une prévoyance, l’Idel doit bien vérifier que le contrat l’assure sur ce qu’elle se verse réellement sur son compte bancaire personnel et non sur ses bénéfices non commerciaux (BNC) et encore moins sur son chiffre d’affaires », informe Thibault Guérizec. À titre d’exemple, pour un chiffre d’affaires de 72 000 euros annuel, le BNC devrait être d’environ 45 000 euros, et le revenu réel autour de 36 000 euros. « Assurer le BNC ou le chiffre d’affaires entraînerait des indemnités bien trop élevées par rapport au niveau de vie de l’Idel », signale le courtier. D’autant que cela augmente le montant de la cotisation.
En cas d’arrêt de travail définitif, généralement au-delà de trois ans, l’infirmière est considérée en invalidité permanente de travail (IPT). L’assureur verse alors une rente d’invalidité, c’est-à-dire une somme mensuelle. « La notion de rente d’invalidité est l’un des points les plus importants, selon moi, souligne Cyril Rongier. Car si une infirmière de 35 ans est victime d’un accident de voiture, qu’elle est en invalidité et qu’elle ne peut plus exercer, il va falloir qu’elle perçoive une rente mensuelle jusqu’à sa retraite. » Selon lui, il faut donc faire très attention à cette couverture et au montant de la rente qui vient en complément de celle versée par la Carpimko (jusqu’à 1 680 euros par mois). Le montant de cette indemnité va dépendre du pourcentage d’invalidité déterminé par une expertise médicale. Une fois ce taux communiqué à l’assureur, deux types d’indemnisation peuvent intervenir. Soit l’utilisation d’un barème croisé, tenant compte de l’affection fonctionnelle et de l’affection professionnelle, la notion fonctionnelle étant liée aux actes de la vie courante, tandis que l’affection professionnelle est propre à chaque métier. Soit un barème strictement professionnel. « Il faut s’assurer que la prévoyance de l’Idel utilise ce barème professionnel », prévient Cyril Rongier.
Concernant le montant des indemnités versées :
→ entre 0 et 33 % d’invalidité, la soignante libérale ne perçoit rien. Néanmoins, une option, dont le coût n’est pas anodin, permet de réduire ce pourcentage de 33 % à 15 % ;
→ entre 33 et 66 % d’invalidité, elle va percevoir une rente partielle qui dépend du pourcentage précis d’invalidité.
La prévoyance attribue également un capital décès et un capital perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA). En cas de décès, le capital est versé en une seule fois au bénéficiaire, qui, dans la clause, est souvent le conjoint par défaut puis les enfants nés ou à naître. En fonction de la composition du foyer, il peut être intéressant d’augmenter les capitaux décès, par exemple lorsque l’Idel est mariée, que son conjoint gagne moins bien sa vie qu’elle et qu’ils ont deux enfants, car, si elle vient à disparaître, l’époux va se retrouver avec son seul revenu pour l’ensemble du foyer. « Il faut cependant veiller à ne pas surassurer la famille, prévient Thibault Guérizec. Les calculs doivent être effectués en tenant compte de ce que verse la Carpimko. » En effet, la prévoyance complète les versements des capitaux décès de la Carpimko d’un montant de 36 288 euros sans enfant, et 54 432 euros avec des enfants à charge. « Pour faire le calcul, on se base généralement sur les trois dernières années de revenus », ajoute le courtier en assurance. Par exemple, pour une Idel en couple avec des enfants qui gagne 40 000 euros par an, il est judicieux d’assurer au moins 120 000 euros de capitaux décès. « À noter que le capital décès peut également être évalué sur une base successorale et plus précisément sur les montants que devraient payer les héritiers en cas de disparition prématurée », précise Cyril Rongier.
En cas de PTIA (état de santé pour lequel la personne nécessite l’assistance d’une tierce personne pour accomplir certains actes de la vie quotidienne), un capital sera versé à l’assurée en plus des indemnités de la prévoyance. L’objectif étant généralement d’améliorer le quotidien de l’infirmière (modification et adaptation de l’habitation, aide à domicile).
Par ailleurs, la prévoyance permet d’assurer la prise en charge des frais professionnels en cas d’arrêt de travail. Attention cependant, tous les frais ne sont pas pris en compte, comme ceux de déplacement et de restauration, car l’infirmière libérale n’est pas supposée, en cas d’arrêt de travail, utiliser son véhicule professionnel, ni aller au restaurant dans un but professionnel.
Les frais professionnels couverts sont : les loyers et les frais divers du cabinet, le prêt pour le rachat de la patientèle, le crédit ou le leasing du véhicule (mais pas l’essence), l’assurance du véhicule, les frais d’expertise comptable, le logiciel informatique ou la société de facturation, les factures de téléphone et d’Internet, les versements à l’association de gestion agréée (AGA), les mensualités de l’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP), la mutuelle, les frais bancaires, les cotisations Urssaf et Carpimko.
« De temps en temps, il arrive que les courtiers oublient de tenir compte des frais professionnels pour la prévoyance, alors qu’il est vraiment important de les assurer car mensuellement, ils coûtent cher pour les Idels et ils continuent de courir malgré l’arrêt », prévient Thibault Guérizec.
Que ce soit pour les revenus ou pour les frais professionnels, des franchises s’appliquent. Mais « il est possible de les faire varier afin de diminuer le montant de la prévoyance », informe le spécialiste. Généralement, il applique des franchises de quinze jours pour la maladie, et trois jours pour les hospitalisations et les accidents. « Pour la maladie, la franchise de quinze jours me paraît opportune car souvent, les Idels exercent en groupe et elles peuvent échanger leur semaine de travail si nécessaire afin de ne pas perdre de revenus, rapporte le courtier. De plus, elles ont souvent un peu de trésorerie qui leur permet de tenir quinze jours si besoin. »
Concernant les frais professionnels, « la franchise peut varier en fonction de la trésorerie dont dispose l’infirmière, ajoute-t-il. Mais généralement, on peut envisager un mois de franchise car les frais professionnels sont payés une fois par mois. Cela permet de faire diminuer la cotisation. » Si l’Idel opte pour une franchise à trente jours, il est recommandé de disposer d’un peu de trésorerie.
Pour le calcul des indemnités, les prévoyances proposent généralement deux types de contrat : les contrats forfaitaires et les contrats indemnitaires.
Dans le contrat forfaitaire, si la professionnelle de santé est assurée pour 2 500 euros de revenu mensuel, elle va percevoir 2 500 euros d’indemnités par mois, quoi qu’il arrive.
Dans le contrat indemnitaire, la prévoyance se réserve le droit de vérifier les revenus. « Il suffit que l’Idel ait été enceinte dans l’année avant son arrêt, impliquant une baisse de revenus, et la prévoyance va faire la moyenne des revenus sur l’année, ce qui va diminuer le montant des mensualités », prévient Thibault Guérizec. Et Cyril Rongier de compléter : « Pour certaines professions, le contrat indemnitaire ne pose pas de problème car les revenus varient rarement, mais pour les infirmières libérales, la question d’une prestation forfaitaire prend tout son sens. » Avec toutes les options existantes et la nécessité d’adapter chaque contrat à chaque cas, il peut être difficile de choisir seule sa prévoyance. Prendre conseil auprès des professionnels du secteur peut alors être judicieux.
Exemple 1
Profil : une infirmière de 31 ans qui vit à Nanterre (Île-de-France).
Revenus professionnels annuels : 30 000 euros.
• Franchise à 15/3/0 pour respectivement la maladie, l’hospitalisation et les accidents.
• Indemnités de 90 euros par jour jusqu’au 90e jour, soit 2 700 euros par mois.
• Indemnités de 30 euros par jour du 91e jour au 1 095e jour, soit 900 euros par mois, auxquels s’ajoutent les versements de la Carpimko, à savoir 55,44 euros par jour, donc 1 663,20 euros, soit environ 2 563,20 euros en cumul.
Rente d’invalidité totale mensuelle : 900 euros qui s’ajoutent au versement de la Carpimko de 1 680 euros, soit 2 580 euros.
Invalidité dès 33 %.
Capital décès/invalidité absolue et définitive : 90 000 euros.
Montant de la cotisation mensuelle : 62,11 euros.
Exemple 2
Profil : une infirmière de 51 ans qui vit à Nanterre (Île-de-France).
Revenus professionnels annuels : 42 000 euros.
• Franchise à 15/3/0 pour respectivement la maladie, l’hospitalisation et les accidents.
• Indemnités de 120 euros par jour jusqu’au 90e jour, soit environ 3 600 euros par mois.
• Indemnités de 60 euros par jour du 91e jour au 1 095e jour, soit 1 800 euros par mois, auxquels s’ajoutent les versements de la Carpimko, à savoir 55,44 euros par jour, donc 1 663,20 euros, donc environ 3 463,20 euros en cumul.
Rente d’invalidité mensuelle : 2 100 euros qui s’ajoutent au versement de la Carpimko de 1 680 euros, soit 3 780 euros.
Invalidité dès 33 %.
Capital décès/invalidité absolue et définitive : 120 000 euros.
Montant de la cotisation mensuelle : 186,52 euros.
→ Les délais de mise en œuvre des contrats peuvent varier : trois mois pour une maladie, douze mois pour une pathologie psychiatrique. Ces délais n’existent pas pour les accidents et les hospitalisations.
→ Pour résilier sa prévoyance, il faut généralement attendre soit la date anniversaire, soit le 31 décembre, et adresser un courrier recommandé avec accusé de réception deux mois avant la date voulue. Bien entendu, si l’Idel justifie de la fin de son activité indépendante, la prévoyance s’arrête.