L'infirmière n° 009 du 01/06/2021

 

JE ME FORME

DISPOSITIF MÉDICAL

Sylvie Gervaise*   Pascale Wanquet-Thibault**  


*cadre supérieure de santé
**cadre supérieure de santé, consultante et formatrice, auteures de l’ouvrage Fiches techniques de soins infirmiers

INTRODUCTION

Le Meopa (mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote) est un gaz à action anxiolytique et analgésique, incolore et inodore.

Il est administré par inhalation par l’infirmière, sur prescription médicale. Le Meopa peut être utilisé pour tous les patients hospitalisés, ainsi que dans les cabinets dentaires.

OBJECTIFS

• Limiter ou supprimer les douleurs provoquées par les soins et les gestes invasifs de courte durée chez l’enfant, l’adulte et la personne âgée.

• Soulager certaines situations douloureuses en urgence (accident de la voie publique, crise drépanocytaire, douleurs de l’accouchement, douleurs en phase palliative, etc.).

INDICATIONS

• Analgésie lors de l’aide médicale d’urgence : traumatologie, brûlés, transport de patients douloureux.

• Analgésie des actes douloureux de courte durée chez l’adulte et l’enfant, notamment : ponction lombaire, myélogramme, petite chirurgie superficielle, pansements de brûlés, réduction de fractures simples, réduction de certaines luxations périphériques et ponction veineuse.

• Sédation en soins dentaires : chez les enfants, les patients anxieux ou handicapés.

À noter que ce mélange gazeux peut également être indiqué en obstétrique, en milieu hospitalier exclusivement, dans l’attente d’une analgésie péridurale ou en cas de refus ou d’impossibilité de la réaliser.

Particularités pour les enfants

• Produit particulièrement adapté aux enfants et aux adolescents.

• Moins efficace chez les enfants de moins de 2 ans.

• Se conformer aux recommandations de bonne pratique de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) de juin 2009 (voir les références p. 33).

CONTRE-INDICATIONS

• Patient nécessitant une ventilation en oxygène pur.

• Hypertension intracrânienne.

• Toute altération de l’état de conscience empêchant la coopération du patient.

• Traumatisme crânien non exploré.

• Pneumothorax.

• Bulles d’emphysème.

• Embolie gazeuse.

• Accident de plongée.

• Distension gazeuse abdominale.

• Patient ayant reçu récemment un gaz ophtalmique (SF6, C3F8, C2F6) utilisé dans la chirurgie oculaire tant que persiste une bulle de gaz à l’intérieur de l’œil et au minimum pendant une période de 3 mois. Des complications postopératoires graves peuvent survenir en rapport avec l’augmentation de la pression intraoculaire.

• Déficit connu et non substitué en vitamine B12 ou en acide folique.

• Anomalies neurologiques d’apparition récente et non expliquées.

→ À savoir : le Meopa n’entraîne pas de perte de conscience ni de perte du réflexe de déglutition. Le patient ne risque pas de dépression respiratoire ni d’hypoxie, puisque le mélange contient 50 % d’oxygène. De même, le jeûne n’est pas nécessaire.

MATÉRIEL

• Une bouteille de Meopa maintenue sur son support en position verticale au cours de l’administration.

• Un kit d’administration, à changer toutes les 15 utilisations.

• Un masque de ventilation transparent, de taille adaptée à la morphologie du patient, ou un embout buccal ou nasal selon le cas.

• Un filtre antibactérien.

→ Cas particuliers : en ORL, il convient d’utiliser le masque le plus adapté (masque nasal à usage unique ou masque standard à usage unique).

• Matériel de mesure de la saturation en oxygène chez les patients fragiles (patients âgés, par exemple).

DÉROULEMENT DE L’ACTE

MONTAGE DU SYSTÈME

À chaque utilisation : connecter le filtre à usage unique sur le raccord en T, fixer le masque facial ou nasal à l’autre extrémité du filtre. Diriger l’extrémité distale du tuyau d’évacuation vers l’extérieur de la pièce (fenêtre).

ADMINISTRATION DU MEOPA

Vérifier la prescription médicale.

Avant le soin douloureux

→ évaluer la douleur du patient (ne pas réaliser un soin invasif à un patient présentant une douleur de fond non soulagée) ;

→ informer le patient du déroulement du soin et de l’analgésie proposée (et des effets indésirables éventuels) ;

→ permettre au patient de découvrir le matériel, en particulier lors d’une première administration ;

→ arrêter la nutrition entérale continue le cas échéant ;

→ installer confortablement le patient ;

→ l’informer de la nécessité de dire s’il a mal pendant le soin ;

→ dans la mesure du possible, privilégier une autoadministration (le patient tient lui-même le masque). Le contact verbal est maintenu entre le patient et le soignant pendant le soin. Un aide-soignant ou un aidant peut accompagner l’administration du mélange équimolaire en présence d’une infirmière ou d’un médecin réalisant le soin ;

→ instaurer une surveillance continue de la fréquence respiratoire et de la saturation en oxygène si besoin (patient fragile ou âgé) ;

→ ouvrir lentement le manodétendeur et régler le débitmètre afin de maintenir le ballon gonflé en permanence (entre 6 et 9 litres par minute). La manipulation du manodétendeur et le réglage du débit doivent être effectués par le médecin ou l’infirmière présent pendant le soin. Le débit est déterminé en fonction de la ventilation spontanée du patient pendant toute la durée de l’inhalation ;

→ si le ballon se collabe, enlever le mas que et regonfler le ballon, puis repositionner le masque sur le visage du patient et l’aider à réguler son rythme respiratoire ;

faire inhaler le Meopa au patient pendant 3 à 5 minutes avant le soin.

Pendant le soin douloureux

→ maintenir le masque sur le visage du patient, vérifier l’étanchéité du masque sur le visage ;

→ commencer le soin une fois que la personne qui surveille l’administration du Meopa a donné son accord.

L’aide soignant ou l’auxiliaire de puériculture participe au bon déroulement du soin en accompagnant le patient durant l’autoadministration.

SURVEILLANCE

• Douleur, rythme respiratoire.

• Maintien du contact verbal et de l’état de conscience.

• Saturation en oxygène chez les personnes le nécessitant.

• Effets secondaires (nausées, vomissements, agitation).

ÉVALUATION

Efficacité de l’antalgie (niveau de douleur inférieur à 3/10) et tolérance par le patient (absence d’effets indésirables).

TRAÇABILITÉ

Dans le dossier de soins, noter :

• l’évaluation de la douleur avant, pendant et après le soin ;

• la surveillance clinique ;

• les effets indésirables présentés par le patient, après en avoir informé le médecin.

RÉFÉRENCES

Textes juridiques

• Article R 43112 du décret n° 20041128802 relatif aux actes professionnels inscrit au Code de la santé publique (CSP) le 29 juillet 2004

• Article 37 du décret du 6 septembre 1995, modifié le 21 mai 1997, inscrit au Code de la santé publique en 2004

• Article L 1110.5 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité des soins

Recommandations

• ANSM, « Covid19 Mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (Meopa) : Antasol, Entonox, Kalinox, Oxynox et Actynox », précautions d’emploi lors de l’administration du Meopa aux patients, lettre aux professionnels de santé, actualisée le 20/05/2020. En ligne sur : bit.ly/2QuIRmh

• Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), « La douleur rebelle en situation palliative avancée chez l’adulte », recommandations de bonne pratique, juin 2010. En ligne sur : bit.ly/3dH9Kwf

• Afssaps, « La prise en charge médicamenteuse de la douleur aiguë et chronique chez l’enfant », recommandations de bonne pratique, juin 2009. En ligne sur : bit.ly/3vhq3pg

• HAS, « Manuel de certification des établissements de santé V2010 », Référence 12, 2011

• Rapport « Recommandations pour la pratique clinique : Standards, Options et Recommandations pour la prise en charge des douleurs provoquées lors des ponctions sanguines, lombaires et osseuses chez l’enfant atteint de cancer », 24 octobre 2005. En ligne sur : bit.ly/3gCoP3Y

• Centre national de ressources de lutte contre la douleur (CNRD), Utilisation du Meopa chez l’enfant, l’adulte et la personne âgée, 2009. Vidéo en ligne sur : bit.ly/2RW43lw

Fiche

• Afssaps, « Plan de gestion des risques concernant la sortie de la réserve hospitalière de certaines spécialités à base de mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (Meopa) », janvier 2010. En ligne sur : bit.ly/2QOIFyi

Articles

• Annequin D., « Mélange oxygène/ protoxyde d’azote », Revue de la littérature, juillet 2009. En ligne sur : bit.ly/3tMiLK6

• Coutaux A., Collin E., « Douleurs induites par les soins : épidémiologie, retentissements, facteurs prédictifs », Douleur et Analgésie, septembre 2008, 21 (3):126138. En ligne sur : bit.ly/3sFJt5z

• WanquetThibault P., « Le Meopa en pratique libérale », L’Infirmière et la Douleur, 2011 ; 15:10

Extrait de l’ouvrage Fiches techniques de soins infirmiers. De la réalisation à l’évaluation, Sylvie Gervaise et Pascale WanquetThibault, 2e édition, Éditions Lamarre, 2021, 672 pages.

Savoir +

DES PRÉCAUTIONS À PRENDRE POUR LES SOIGNANTS

L’utilisation du Meopa n’est pas sans risque pour les soignants. L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) met à disposition, sur son site, une fiche des précautions à prendre :

• vérifier la pertinence du recours au Meopa. L’INRS précise que « le Meopa ne doit être utilisé que s’il représente la meilleure ou la seule indication pour un soin donné, un patient donné et une situation particulière » ;

• limiter le plus possible le nombre de personnes susceptibles d’être exposées pendant le soin et agir sur la qualité de l’air du local (ventilation, notamment) ;

• éviter une libération inutile de Meopa dans l’air en adoptant de bonnes pratiques comme fermer la bouteille entre deux phases d’administration, utiliser un masque de taille adaptée au patient pour limiter les fuites de gaz, etc. ;

• capter le protoxyde d’azote à la source par aspiration : « Seul le captage de ces émissions au plus près de la bouche et du nez du patient permet de prévenir la pollution du local. »

Selon les tests menés à ce jour par l’INRS et les services prévention des Carsat de l’Assurance maladie, le masque aspirant à double enveloppe est le dispositif qui a montré la meilleure efficacité. À utiliser, donc, lorsque les soins permettent son utilisation.

Source : INRS, Dossier Meopa, mis à jour le 19/02/2021. En ligne sur : bit.ly/3gz1Tmk

Utilisation du Meopa chez les patients atteints de Covid-19

Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, l’ANSM a émis des recommandations spécifiques concernant l’utilisation du Meopa :

→ les soignants doivent bénéficier des mesures de protection : masque de type chirurgical ou FFP2, lunettes de protection, voire visière ;

→ respect des gestes barrières et lavage des mains ou utilisation de SHA ;

→ les gaz exhalés doivent être évacués par un système approprié (tuyau connecté sur la sortie du masque) ;

→ kit ballon à usage unique, fourni et habituellement utilisé sans filtre :

•  pose obligatoire d’un filtre 0,22 µ disposé entre le masque patient et le raccord d’arrivée du Meopa à ce masque ;

• masque et filtre doivent être systématiquement jetés et mis dans le conteneur à déchets d’activités de soins à risques infectieux prévu à cet effet.

→ kit prêt à l’emploi pour 15 utilisations, livré avec 15 filtres 0,22 µ :

• utiliser un masque, ainsi qu’un filtre 0,22 µ à usage unique ;

• après usage, jeter le masque et le filtre systématiquement dans le conteneur à déchets d’activités de soins à risques infectieux prévu à cet effet ;

• après chaque utilisation, désinfecter la partie réutilisable du kit (zone en plastique vert de la valve unidirectionnelle inspiration/expiration), ainsi que le ballon, avec des lingettes désinfectantes, par exemple ;

• après 15 utilisations, jeter le kit dans le conteneur à déchets d’activités de soins à risques infectieux prévu à cet effet.

En libéral

Malgré sa sortie de la réserve hospitalière et au moment de l’écriture de cet article, le Meopa ne peut pas être administré à domicile en dehors de l’HAD. Des problèmes logistiques (stockage, délivrance et transport du produit), ainsi que la prescription et la cotation de l’acte doivent être réglés.