À l’occasion de la Journée internationale des infirmières, Gyslaine Desrosiers, présidente du Sidiief, analyse les conséquences de la Covid-19 sur la profession. Le moment pour les infirmières de cibler de nouvelles revendications.
Au Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l’espace francophone (Sidiief), nous avons des échanges privilégiés avec la Suisse, la Belgique et le Liban, et nous ne pouvons que constater qu’il y a un avant et un après la crise. Elle a eu une incidence sur la profession à plusieurs niveaux. Tout d’abord, les infirmières ont eu une notoriété très importante durant la crise, et je pense que la population a compris leur importance. Il s’agit d’une profession à impact systémique, c’est-à-dire que l’offre de soins est directement touchée par la présence ou non d’infirmières, du cadre légal de leur exercice… Aujourd’hui, malgré la durée de cette crise, la profession répond toujours présente. Mais le moral des soignants a été affecté dès le début de la pandémie, en raison notamment du manque de maté riels de protection, d’autant que leur santé a pu être mise en danger. L’Organisation mondiale de la santé estime qu’au moins 3 000 infirmières sont décédées de la Covid. Ce bilan me paraît sous-estimé au regard des 60 pays pris en compte.
Par ailleurs, étant donné que la crise perdure et que les soignants sont épuisés, nous craignons une accentuation des départs (reconversions, retraites anticipées…). Au Québec, par exemple, les infirmières ne veulent plus être employées de l’État, en Belgique les inscriptions dans les écoles baissent. Même si la relève est là, elle ne va arriver que dans trois-quatre ans. Les gouvernements vont devoir prendre des mesures exceptionnelles pour éviter cela.
Je pense que la pandémie peut amener de nouveaux tremplins et possibilités. Tout va dépendre de l’habilité politique des organismes nationaux, syndicaux et ordinaux à y prétendre. Mais des avancées sont à prévoir. Au Québec, ces deux dernières décennies, il y a eu une baisse volontaire, de la part des tutelles, de la présence infirmière dans les Centres d’hébergement et de soins de longue durée – l’équivalent des établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), en France – au profit des aides-soignantes. Mais pendant la crise, en raison notamment de l’absence d’infirmières pour gérer l’éclosion de la Covid, nous avons déploré de nombreux décès dans ces structures. La ministre a alors reconnu qu’il s’agit de lieux de soins qui nécessitent donc des infirmières. Souvent, en période de crise, les ministres font amende honorable sur tel ou tel problème, mais il faut ensuite le maintenir à l’ordre du jour pour concrétiser les annonces.
Il faut également prêter une attention particulière aux organisations nationales qui sont parfois en pilotage automatique depuis des années sur leurs revendications. Avec la pandémie, elles vont peut-être devoir les recadrer afin de les exprimer d’une nouvelle façon. Le discours doit être ajusté car la population a pris conscience de ces faits nouveaux et peut apporter un soutien à la profession pour les valorisations salariales et professionnelles. D’autant que les gouvernements, qui n’apporteront pas de solutions à court, moyen et long terme, vont être jugés très sévèrement. Les repré sentants des infirmières doivent ajuster leur discours aux attentes des gouvernements qui recherchent des solutions.
Je l’espère, car le leadership ne se réclame pas mais s’exerce. Il faut le faire savoir car le relais médiatique n’est pas toujours à la hauteur des initiatives prises par les infirmières. Souvent, elles sont montrées en situation de burn-out. Or, le leadership devrait permettre de mettre l’accent sur leur implication, leur rôle. Aujourd’hui, il y a une occasion d’exercer un leadership nouveau qui pourrait mener à une valorisation des actes. C’est d’ailleurs peut-être l’occasion en France, avec la révision annoncée du décret de compétence.