HYGIÈNE DES LOCAUX
JE ME FORME
BONNES PRATIQUES
Anne-Gaëlle Moulun* Nathalie Osinski**
*cadre supérieure Ibode chargée de mission prévention des risques infectieux à l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)
L’entretien des locaux hospitaliers concourt à l’hygiène générale d’un établissement de soins. Par la réduction du niveau de contamination de l’environnement, il constitue l’un des maillons de la chaîne de prévention des infections nosocomiales. Il doit faire l’objet d’un protocole porté à la connaissance du personnel, précisant les procédures, avec une planification (qui fait quoi) et une évaluation des pratiques dans l’optique d’une démarche qualité.
Selon l’Association française de normalisation (Afnor), le bionettoyage est un procédé destiné à réduire la contamination biologique des surfaces (norme NF X50-790). Il est obtenu par la combinaison, en trois temps, d’un nettoyage, de l’évacuation de la salissure et des produits utilisés, et de l’application d’un désinfectant.
Le bionettoyage a pour objectif :
→ la propreté microbiologique en réduisant le nombre de micro-organismes présents sur les surfaces et dans l’environnement. Il comprend l’évacuation des salissures, le nettoyage (propreté macroscopique) et l’application d’un désinfectant bactéricide, fongicide ou virucide ;
→ la propreté visuelle, grâce à l’élimination des déchets, poussières ou salissures résiduelles, et des traces adhérentes (scotch, colle, etc.).
Il vise à restituer la brillance des supports (sols thermoplastiques, vitres, miroirs, etc.) et à éliminer le tartre au niveau des points d’eau (brise-jet, pommeau de douche, etc.).
L’efficacité du bionettoyage dépend de plusieurs facteurs : la méthode utilisée, la fréquence du nettoyage, le matériel utilisé et les produits.
Le résultat final d’un nettoyage est influencé par quatre facteurs, d’après le principe de Sinner :
→ l’action chimique, qui correspond à l’action du produit détergent ou désinfectant. Elle varie en fonction de la concentration en produit. Il est donc important de respecter les dilutions pour éviter les sur- ou sous-dosages ;
→ l’action mécanique, apportée par l’utilisation du matériel d’entretien. Il s’agit de la combinaison du frottement et de la pression exercée sur le support.
→ le temps d’action, c’est-à-dire la durée de contact nécessaire pour être efficace. Il est néces saire de respecter le temps d’action et le temps de séchage complet ;
→ la température de l’eau utilisée pour la dilution du produit. Il convient d’utiliser une eau froide ou tiède. Cette température se combine à une action thermique apportée par le frottement exercé sur un support.
Afin d’obtenir un résultat équivalent, la diminution d’une composante doit être compensée par l’augmentation d’une autre. Moins de chimie nécessite plus d’action mécanique, plus de temps, plus de chaleur, ou la combinaison de ces trois paramètres. L’usage raisonné des détergents et des désinfectants doit être pris en compte dans le choix des techniques d’entretien intégrant une démarche de développement durable (lire l’encadré « Des techniques de plus en plus écoresponsables » p. 34).
Le bionettoyage est influencé par le degré de souillure du local à nettoyer ainsi que par son encombrement. Il dépend aussi de la méthode utilisée, qu’elle soit manuelle ou mécanisée, et du temps de contact des produits. Ce temps minimal pour être bactéricide est compris entre 5 et 15 minutes. Le temps de séchage est également un facteur important à prendre en compte, car l’eau stagnante favorise la multiplication des micro-organismes. Enfin, l’organisation humaine et matérielle du bionettoyage participe à son efficacité.
L’entretien des établissements de soins doit prendre en compte la diversité des locaux, les activités pratiquées, le type de patients/résidents pris en charge et le type d’actes médicaux réalisés. La classification selon le niveau de risque infectieux permet de définir la fréquence d’entretien pour chaque type de locaux, d’élaborer un calendrier d’entretien et d’adapter le choix des méthodes, des matériels et des produits :
→ zone 1 : locaux à faible risque (bureaux, hall d’entrée, etc.). Entretien quotidien ;
→ zone 2 : locaux à risque moyen (salle d’attente, consultation, sanitaires, vestiaires, blanchisserie, etc.). Entretien quotidien ;
→ zone 3 : locaux à risque élevé (urgences, réanimation, chirurgie, médecine, hémodyalise, etc.). Entretien quotidien ou pluriquotidien ;
→ zone 4 : locaux à très haut risque (bloc opératoire, bloc obstétrical, service des grands brûlés, etc.). Entretien quotidien ou pluriquotidien.
(Voir références p. 36 « Entretien des locaux dans les établissements de santé et établissements médicosociaux. Recommandations de bonnes pratiques ».) Pour des locaux situés en zone 2, par exemple, l’évacuation des déchets et du linge souillé, le nettoyage des poignées de porte, interrupteurs, sonnettes, téléphones, sanitaires, lavabos, douches, WC, surfaces horizontales, mobiliers, ainsi que le lavage des sols doivent être réalisés quotidiennement ou au départ du patient. En zone 4, ces mêmes opérations doivent être pluriquotidiennes. Dans les blocs opératoires, elles doivent être réalisées après chaque intervention chirurgicale et en fin de vacation opératoire.
Différents produits spécifiques doivent être mis à disposition pour assurer une élimination régulière des salissures et des micro-organismes de l’environnement.
Les détergents modifient la tension de l’eau, permettant la formation de micelles qui vont piéger les salissures et éviter qu’elles ne se redéposent. Dotés de propriétés nettoyantes, ils ne détruisent pas les micro-organismes par action directe mais contribuent à leur élimination par action mécanique. Les surfaces sont visuellement propres. Un rinçage soigneux est nécessaire avant la désinfection.
Les désinfectants contiennent au moins un principe actif doué de propriétés antimicrobiennes dont l’activité est déterminée par un système normatif reconnu. Ils doivent satisfaire aux normes Afnor de base de bactéricidie (NFT 72-152 ou EN 1040 et NFT 72-170 ou 72-171) et peuvent avoir des caractéristiques supplémentaires : fongicidie, virucidie, sporicidie.
Un nettoyage avant application d’un désinfectant est impératif. Un rinçage, avec respect du temps de séchage, est nécessaire entre l’application du détergent et du désinfectant, et après l’application de certains désinfectants, comme l’eau de Javel
Les détergents-désinfectants offrent généralement un bon pouvoir désinfectant (en lien avec les normes revendiquées) mais une faible détergence. Ces types de produit sont généralement utilisés sans rinçage (comme les désinfectants), mais ils entraînent la formation d’un biofilm sur les surfaces, lequel peut potentiellement être à l’origine d’encrassage ;
Les détergents-détartrants-désinfectants sont essentiellement adaptés à l’entretien des sanitaires. Ils nécessitent un temps de contact avant de procéder à une action mécanique et à un rinçage. Mais d’autres produits peuvent être employés pour des usages spécifiques, comme le vinaigre blanc pour détartrer la robinetterie.
Chaque établissement doit définir ses exigences en fonction de ses locaux. Mais il est recommandé de limiter le nombre de produits référencés. Pour les sols, la tendance évolue vers une place prépondérante des produits détergents, voire à l’absence de produits : le nettoyage, et dans certains cas la désinfection, pouvant faire appel à des effets mécaniques ou thermiques.
En raison d’une utilité non démontrée en routine, l’utilisation de détergents-désinfectants pour l’entre tien des sols peut être limitée (en l’absence de souillures visibles par un liquide biologique) à des situations particulières (épidémies, patients porteurs de Clostridium difficile) pour lesquelles l’utilisation d’un désinfectant spécifique est associée à d’autres mesures de maîtrise de l’épisode. En remplacement des produits détergents et détergents-désinfectants, le lavage des sols peut se faire avec le procédé eau/microfibre. Grâce à leur texture, les bandeaux en microfibre augmentent l’action mécanique et permettent de désincruster et de retenir les impuretés contenant les micro-organismes. Dans l’hypothèse d’une alternance dans l’utilisation des produits détergents et détergents-désinfectants, celle-ci est à déterminer en fonction des zones à risque. Les détergents-désinfectants ont l’inconvénient d’être faiblement détergents et de former un biofilm favorisant l’encrassement des surfaces, notamment par l’absence de rinçage. Le produit choisi doit combiner efficacité et toxicité minimale pour l’utilisateur. Concernant les surfaces hautes (horizontales), principal réservoir environnemental de transmission croisée par manuportage, l’utilisation d’un produit détergent-désinfectant reste la règle.
La manipulation des produits comporte des risques nécessitant certaines précautions :
→ utiliser des équipements de protection individuelle (lire l’encadré ci-dessus) pour limiter les risques de projection et d’inhalation de vapeurs chimique ;
→ ne jamais manipuler les produits à mains nues ;
→ ne jamais mélanger différents produits car il y a un risque d’inactivation et d’incompatibilité mais également de réactions chimiques dangereuses pour le manipulateur ;
→ suivre les indications d’utilisation : respecter les dosages, renouveler les solutions diluées toutes les 24 h ou selon les indications du fabricant, respecter la température préconisée de l’eau, préparer les dilutions en versant lentement le produit dans l’eau et non le contraire afin d’éviter les mauvaises dilutions liées à la formation de mousse et de diminuer les risques lors de projections du produit, respecter les temps de contact et laisser sécher pour favoriser l’action rémanente du produit ;
→ conserver les produits prêts à l’emploi dans leur emballage d’origine. Les emballages alimentaires pour diluer les produits sont à proscrire ;
→ identifier, dater et fermer les flacons ou pulvérisateurs contenant les produits nécessitant une dilution ;
→ travailler dans des locaux ventilés ;
→ connaître la conduite à tenir en cas d’incident d’exposition.
S’agissant du matériel, avant de commencer l’entretien des lieux, quelle que soit la méthode appliquée, il convient de :
→ vérifier que le matériel est propre et en bon état de fonctionnement ;
→ ne pas rentrer le chariot d’entretien dans les chambres ;
→ éliminer les déchets et le linge sale ;
→ procéder à l’entretien du chariot et de l’ensemble des accessoires quotidiennement à la fin des activités. Un entretien approfondi est à réaliser chaque semaine.
Avant toute chose, le déroulement des opérations doit se faire en respectant un ordre logique :
→ commencer par les locaux les moins à risque ;
→ travailler du plus propre vers le plus sale, et du haut vers le bas ;
→ toujours nettoyer avant de désinfecter ;
→ terminer par les chambres des patients relevant de précautions complémentaires.
Dans le bionettoyage, plusieurs techniques sont à distinguer selon l’action voulue.
L’essuyage humide des surfaces consiste à enlever des salissures d’une surface autre que le sol en évitant de les remettre en suspension dans l’air. Il vise à éliminer les souillures visibles et abaisser le niveau de contamination. Les surfaces doivent d’être essuyées en un seul passage. La chiffonnette est remplacée en cas de souillure et entre chaque équipement ou mobilier, et doit être éliminée dans la filière de déchets adaptée (DMA = déchets ménagers et assimilé ou DASRIa). Ensuite, on laisse sécher à l’air ambiant.
Pour les sols, le nettoyage peut être manuel, auquel cas il faudra procéder à un balayage humide puis à un lavage humide.
Le balayage humide s’effectue en un seul passage, de la périphérie vers le centre et la sortie du local, l’objectif étant d’éliminer les poussières en limitant leur mise en suspension dans l’air. Deux méthodes sont possibles : celle de « la godille », pour les surfaces encombrées ou réduites, qui consiste à faire des sortes de 8 avec le balai, ou la méthode « au poussé » pour les surfaces non encombrées ou les couloirs (voir les schémas du balayage humide ci-contre). Ne jamais soulever le balai ni effectuer de marche arrière en cours d’utilisation. Remplacer le bandeau pré-imprégné ou humide de détergent dès qu’il est saturé en salissures et entre chaque zone et local. Le bandeau est à jeter dans la filière de déchets adaptée. Laisser sécher à l’air ambiant.
Le lavage des sols est une action chimique et mécanique permettant d’éliminer les salissures adhérentes sur les sols lavables souples ou durs, et d’obtenir une propreté visuelle et microbiologique en réduisant le nombre de micro-organismes. Il s’effectue avec un bandeau imprégné de détergent-désinfectant ou de désinfectant. Là encore, il s’effectue en un seul passage, de la périphérie vers le centre et la sortie du local, et nécessite un séchage à l’air ambiant.
Le nettoyage peut aussi être automatisé, avec l’usage d’une monobrosse ou d’une autolaveuse. Il est également possible d’opter pour un nettoyage vapeur seule des surfaces et des sols.
La traçabilité, indispensable, fait partie intégrante de la démarche qualité et permet de notifier « qui fait quoi et quand ». Cela permet de retrouver l’historique de la prise en charge de l’environnement, notamment en cas de plainte pour infection nosocomiale, de responsabiliser les personnels en charge du bionettoyage et de s’inscrire dans la démarche qualité.
La traçabilité sur support papier ou informatique reporte les informations telles que la date, les horaires, l’identification du local ou de la zone, la personne qui a réalisé le bionettoyage, avec un émargement et une check-list à cocher ou une description des actions réalisées. Ces enregistrements doivent faire l’objet d’une analyse régulière et de réajustements des pratiques si nécessaire.
• CPias Occitanie, CPias Nouvelle-Aquitaine, « Entretien des locaux dans les établissements de santé et établissements médico-sociaux. Recommandations de bonnes pratiques », novembre 2017. En ligne sur : bit.ly/3eLpXRt
• Osinski N., « Bionettoyage en secteur hospitalier. Risques infectieux et environnement », 2014. En ligne sur : bit.ly/33VAhQV
• Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), « Guide pour le choix des désinfectants (produits de désinfection chimique pour les dispositifs médicaux, les sols et les surfaces) », Revue Hygiènes, janvier 2015
• Gervaise S., Wanquet-Thibault P., fiche 24 « Hygiène des locaux », Fiches techniques de soins infirmiers. De la réalisation à l’évaluation, 2e édition, Éditions Lamarre, 2021
Le développement de nouvelles techniques privilégiant action mécanique et température dans le cycle de Sinner a permis d’offrir des alternatives aux seuls produits chimiques, comme l’utilisation des microfibres ou la méthode vapeur associant détergence et désinfection. Ces deux techniques concourent à un moindre usage des détergents et détergents-désinfectants. Elles apportent une évolution culturelle dans ce domaine où la chimie reste parfois incontournable. L’industrie du détergent a elle aussi pris en compte les nécessités écologiques pour optimiser ses produits et les directives biocides ont largement accru la sécurité des produits désinfectants lorsqu’ils sont indiqués.
Il n’y a pas de mesures spécifiques anti-Covid pour le bionettoyage, car les détergents-désinfectants hospitaliers répondent déjà aux normes de virucidie avec un temps de contact de 5 minutes. Aucun produit complémentaire n’est donc requis. En revanche, il faut être vigilant avec tout ce qui est touché par les mains : poignées de porte, claviers d’ordinateur, boutons, tablettes, téléphones, écrans tactiles, etc. Il faut répéter plusieurs fois par jour le nettoyage de ces éléments. Il faut aussi réaliser régulièrement des gestes d’hygiène des mains, soit par un lavage à l’eau et au savon soit par une friction hydroalcoolique classique. « Si l’observance de l’hygiène des mains était acquise, on pourrait diminuer les fréquences du bionettoyage des surfaces touchées par les mains », commente Nathalie Osinski, cadre supérieure Ibode chargée de mission prévention des risques infectieux à l’AP-HP.
• La personne qui opère doit porter des gants à manchettes longues, un tablier à usage unique, un masque de soin ou chirurgical et des lunettes ou une visière. Le tablier est changé systématiquement dès qu’il est souillé et de préférence après chaque chambre ou local.
• Pratiquer une friction hydroalcoolique (FHA) ou un lavage simple des mains si elles sont visuellement souillées ou humides :
– en début et fin des opérations de nettoyage ;
– lors de toute interruption de tâche ;
– après le retrait des gants et de l’équipement de protection (masque, tablier) ;
– entre chaque chambre et/ou local ;
– chaque fois que nécessaire.