JE ME FORME
PHARMACO
Dr en pharmacie, Défimédoc.
La morphine et les molécules apparentées (oxycodone, hydromorphone, buprénorphine, méthadone) sont des antalgiques de palier III, dits opioïdes.
Les opioïdes sont utilisés dans les douleurs intenses d’origine cancéreuse ou non, sauf l’hydromorphone (Sophidone) et la méthadone (Zoryon), indiqués uniquement dans les douleurs d’origine cancéreuse.
La morphine et les molécules apparentées agissent sur les récepteurs aux opioïdes endogènes et miment leurs effets :
– analgésique : diminution de la perception douloureuse par action centrale ;
– sédatif : responsable de la diminution de la vigilance. Attention en cas d’association avec d’autres médicaments sédatifs ;
– stimulateur du tonus des fibres musculaires lisses circulaires : responsable de la constipation et du risque de blocage urinaire ;
– antitussif : c’est un effet non recherché mais puissant, moins marqué avec la buprénorphine.
• Morphine et apparentés sont des stupéfiants, à l’exception de la buprénorphine qui est un assimilé stupéfiant. Leur prescription se fait uniquement sur ordonnance sécurisée. Le prescripteur peut être un médecin, un chirurgien-dentiste « pour l’usage de l’art dentaire », une sage-femme (morphine injectable uniquement), ou un vétérinaire, dans certaines limites.
• En pharmacie, l’ordonnance n’est délivrée dans sa totalité que si elle est présentée dans les 3 jours suivant sa date d’établissement. Au-delà, elle n’est exécutée que pour la durée de la prescription restant à courir. Exemple : une ordonnance pour 14 jours présentée 2 jours plus tard à la pharmacie, délivrance pour 14 jours. Si cette ordonnance est présentée 5 jours plus tard, délivrance pour 9 jours seulement.
• La prescription est limitée à 28 jours. Une nouvelle ordonnance ne peut pas en chevaucher une délivrée précédemment, sauf mention expresse du prescripteur portée sur la nouvelle ordonnance.
• La spécialité est déconditionnée par la pharmacie pour ne délivrer que le nombre exact d’unités thérapeutiques prescrit.
• La buprénorphine est un médicament assimilé stupéfiant. La buprénorphine faible dose (Temgesic) peut être prescrite pour une durée d’un an maximum et n’est soumise ni au fractionnement ni au délai des 3 jours.
À savoir : en France, la méthadone (traitement de substitution aux opiacés) est commercialisée dans le traitement de fond des douleurs d’origine cancéreuse sous le nom de Zoryon depuis septembre 2020.
• La morphine peut être prescrite de manière ponctuelle (exemple : suites opératoires) à une posologie de 5 à 30 mg de morphine à libération immédiate (ou équivalent) toutes les 4 à 6 heures.
• Dans les douleurs chroniques, la prescription de la morphine suit des règles différentes, en passant par une phase de titration.
– Une forme à libération immédiate est prescrite en général à 1 mg/kg/jour, toutes les 4 heures (10 mg toutes les 4 heures chez un patient pesant 60 kg). Les posologies sont augmentées par paliers jusqu’à obtenir un soulagement de la douleur. Cette phase correspond à ce qu’on appelle la phase de titration.
• Après la titration, la dose totale administrée en 24 heures peut être répartie en deux prises sous forme LP (libération prolongée) afin de réduire le nombre de prises (exemple : 45 mg LP matin et soir sont prescrits en lieu et place de 15 mg toutes les 4 heures.
• En complément de la dose LP, une forme à libération immédiate peut être prescrite en interdoses quatre à six fois par jour.
• Si le patient a recours à plus de quatre interdoses par 24 heures, la quantité de morphine (ou équivalent) prise sous forme d’interdoses est ajoutée à la dose en LP. Le traitement est alors réévalué toutes les 24-48 heures.
• Il n’y a pas de dose maximale pour la morphine. C’est la tolérance du patient vis-à-vis des effets indésirables qui va conditionner la dose maximum.
• L’arrêt du traitement doit être réalisé de manière progressive pour éviter un syndrome de sevrage.
→ Durée d’action : les comprimés ou gélules à libération immédiate ont un délai d’action de 40 minutes et une durée d’action de 4 heures. Les formes à libération prolongée agissent 1 à 2 heures après la prise et ont une durée d’action de 12 heures.
→En cas de substitution d’un opioïde par un autre (lorsque le rapport bénéfices/effets secondaires n’est pas satisfaisant), le risque est d’induire un surdosage ou un sous-dosage. Il existe des tableaux d’équianalgésie : par exemple, 60 mg de morphine per os = 30 mg d’oxycodone per os = 8 mg d’hydromorphone per os.
Les effets indésirables sont communs aux opioïdes faibles et forts.
• Sédation, somnolence : normales en début de traitement. Attention au risque de chute chez le patient âgé. Il existe également des risques de troubles cognitifs et d’hallucinations, surtout en cas d’association aux benzodiazépines et aux antidépresseurs.
• Dépression respiratoire : la surveillance doit être accrue en cas d’asthme ou de BPCO. La morphine est contre-indiquée chez les patients insuffisants respiratoires. Tous les morphiniques inhibent la toux.
• Constipation : liée à une diminution du péristaltisme et des sécrétions de liquides dans l’intestin. Toute prescription doit s’accompagner d’un laxatif (macrogol ou laxatif stimulant) à prendre dès la première prise d’opioïde. Boire 1,5 – 2 l d’eau/jour. Une activité physique doit être maintenue si possible. De façon générale, prévoir des mesures hygiéno-diététiques.
• Nausées, vomissements : fréquents en début de traitement, ils régressent après quelques jours.
• Sécheresse buccale : associée à la diminution de la production de salive. Maintenir une bonne hydratation.
• Prurit associé aux morphiniques : en cas de survenue, un traitement symptomatique par antihistaminique peut être prescrit.
• Rétention urinaire aiguë : fréquente chez le sujet âgé en début de traitement du fait de l’augmentation du tonus des sphincters. L’initiation du traitement chez un patient âgé doit se faire avec un contrôle de la diurèse.
Les opioïdes provoquent une tolérance et une dépendance.
• La tolérance est la nécessité d’augmenter les doses pour obtenir le même effet.
• La dépendance est une addiction qui entraîne un syndrome de sevrage à l’arrêt du traitement. Le patient qui présente une dépendance doit être orienté vers une consultation d’addictologie.
• La dépendance est souvent liée à un mésusage qui peut aboutir à une overdose. Le nombre de décès lié à l’usage des morphiniques a augmenté de 146 % entre 2000 et 2015.
→ Les signes de surdosage aux antalgiques opioïdes sont : une altération de la vigilance, une dépression respiratoire (fréquence respiratoire inférieure à 10/min), un myosis bilatéral.
• Une insuffisance respiratoire grave contre-indique l’utilisation de la morphine.
• Une insuffisance hépatique sévère contreindique l’utilisation des opiacés car il existe un risque de majoration des effets indésirables.
• Une épilepsie non contrôlée constitue également une contre-indication.
• Pour tous les morphiniques :
– la consommation d’alcool est fortement déconseillée pendant le traitement (potentialisation de l’effet sédatif du traitement) ;
– l’association à d’autres dépresseurs du système nerveux central (neuroleptiques, anxiolytiques, hypnotiques…) est à prendre en compte en raison d’un risque d’altération de la vigilance ;
– l’association à d’autres dérivés morphiniques (y compris antitussifs) majore le risque de dépression respiratoire, surtout chez le sujet âgé.
• La morphine ne doit pas être associée aux agonistes-antagonistes morphiniques (buprénorphine, nalbuphine, pentazocine, naltrexone, nalméfène) : risque de diminution de l’effet antalgique de la morphine par blocage compétitif des récepteurs, avec risque d’apparition d’un syndrome de sevrage.
• L’oxycodone a des interactions différentes des autres morphiniques car elle est métabolisée par les cytochromes 2D6 et 3A4. L’oxycodone est transformée en oxymorphone (métabolite quatorze fois plus actif que l’oxycodone). Son association est déconseillée avec le fluconazole ainsi que les inhibiteurs puissants du CYP3A4 (kétoconazole, érythromycine, clarithromycine, amiodarone, diltiazem…). Elle ne doit pas être prise avec du jus de pamplemousse (majoration des effets indésirables, notamment respiratoires).
• L’utilisation de la morphine est possible à tout terme de la grossesse.
• En cas d’utilisation de fortes doses en fin de grossesse, la morphine peut provoquer une dépression respiratoire ou un syndrome de sevrage néonatal.
• L’allaitement est déconseillé sous morphiniques. Il peut être repris 4 heures après la dernière prise de morphine à libération immédiate.
• L’oxycodone est contre-indiquée.
• L’utilisation de la morphine est possible chez l’enfant à partir de 6 mois, en utilisant des formes galéniques adaptées.
• Collège national de pharmacologie médicale, « Opiacés : les points essentiels ». Disponible en ligne sur : bit.ly/3tzFXeh
• Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), Rapport « État des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes et leurs usages problématiques », février 2019. En ligne sur : bit.ly/3sxVbzd
• Hôpitaux Universitaires de Genève, Réseau douleur, « Les effets indésirables de la morphine ». En ligne sur : bit.ly/3egCGu1
• Société française de médecine générale (SFMG), « Comment bien prescrire un opioïde fort dans les douleurs sévères ? ». Disponible en ligne sur : bit.ly/3uX9cIq
• Omedit Normandie, « Liste des médicaments écrasables 2019 ». En ligne sur : bit.ly/3dx7mIo
L’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêt
Chez le sujet fragile, âgé ou insuffisant rénal ou hépatique, il est recommandé de diminuer les doses de moitié et/ou d’espacer les prises. Il faut également préférer les formes à libération immédiate. De manière générale, une évaluation de la douleur doit être réalisée avant la prescription et être réévaluée régulièrement au cours du traitement
En cas d’overdose, l’antidote est la naloxone (Prenoxad). Depuis 2019, elle est disponible en ville sous forme de seringue préremplie pour injection en intramusculaire. Une prescription n’est pas obligatoire. La naloxone permet de gagner du temps sur la prise en charge d’une overdose en attendant l’arrivée des secours.